.jpg)
Une terrible épidémie afflige les Caraïbes. Pendant 2 à 5 jours, fièvre, épuisement et boutons s’accompagnent de douleurs articulaires, semblables à de l’arthrite, qui peuvent durer plusieurs semaines. Fidèles à leur nature, les Caribéens en ont fait une danse.
Je marchais hier sur la principale place publique de Jacmel. Un jeune, début vingtaine, déambulait avec difficulté. Un pas à la fois. Comme un vieux.
La scène est que trop commune ces temps-ci en Haïti et dans plusieurs pays des Caraïbes. « La Guadeloupe ne parvient pas à freiner l’épidémie galopante de chikungunya », titrait Le Monde hier, avec plus de 5000 nouveaux cas seulement dans la dernière semaine de mai.
Le virus est propagé par un moustique. Il serait entré en décembre dans les Caraïbes via l’ile de Saint-Martin par un voyageur contaminé en provenance d’Asie. Elle gagnerait l’Europe et les États-Unis en ce moment, le Québec ne devrait pas tarder à y goûter.
À Port-au-Prince, des quartiers populaires aux grandes villas de Pétion-Ville, les gens qui ne l’ont pas attrapé se considèrent chanceux. Les chiffres qui circulent pour le pays sont extrêmement sous-évalués. Le 1er juin, on parlait de 15 000 cas confirmés. On devrait plutôt parler de centaines de milliers de cas, mais peu de gens vont se faire tester.
Bien que l’expérience ne soit pas très agréable, le virus ne cause pas la mort, sauf pour les personnes avec un système immunitaire plus faible. Et une fois qu’on l’a attrapp é, on serait immunisé. Enfin, je l’espère pour moi.
Le nom en soi a une consonance assez comique. La maladie a ainsi été baptisée de plusieurs façons, de chicken gouyad (poulet qui danse) à chyen konn gouye (chien sait danser), mais on s’en tient généralement à l’expression française tout aussi imagée de casser les os. Même en cas de catastrophe, la satire n’est jamais très loin en Haïti, et dans les Caraïbes en général.
L’épidémie de choléra s’est abattue sur Haïti à l’automne 2010. Trois mois plus tard, on pouvait voir des oeuvres en papier-mâché dans le carnaval de Jacmel la représentant (des points d’ingéniosité pour le vomi).
Un événement aussi dramatique que le séisme de 2010 a aussi connu ses satires, à commencer par le plus grand succès musical cette année-là, la chanson Anba dekonb de Tony Mix qui liste les gens proches de l’artiste qui sont vivants, ou sous les décombres.
Comme ici avec Tony Mix, la musique électronique haïtienne raboday est toujours l’un des remparts de la dérision. Le chikungunya a donc également reçu son traitement raboday. Le refrain répète littéralement ils ont lâché la fièvre dans nos culs :
La palme va par contre à un artiste reggaeton dominicain, dont le pays est également envahi par le virus, avec une danse inspirée des mouvements difficiles provoqués par le chikungunya: une main derrière le dos, les genous fléchis.
En attendant que le virus débarque par chez vous, vous pourrez toujours vous pratiquer sur les planchers de danse.
Twitter: etiennecp
Identifiez-vous! (c’est gratuit)
Soyez le premier à commenter!