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Dans une galaxie près de chez vous : le doux réconfort de la nostalgie

Déjà 25 ans que le Romano Fafard navigue dans l’imaginaire québécois. 

Par
Audrey Boutin
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« Regarder un épisode de Dans une galaxie, c’est comme un câlin… dans l’espace », déclare d’entrée de jeu Matthieu Pepper, l’humoriste prenant en charge l’animation du documentaire Dans une galaxie près de chez vous : 25 ans de mission disponible sur la plateforme d’écoute Crave.

En tant que millenial typique qui s’endort chaque soir en cuillère avec son anxiété, j’abonde dans le même sens que l’humoriste. Parce qu’il y a de ces objets médiatiques qui peuplent notre quotidien comme ces personnes discrètes qui sont assurément là quand on a besoin d’elles. Pour moi, c’est ce rôle qu’occupe la série Dans une galaxie près de chez vous dans ma vie depuis sa première apparition sur les ondes du Canal Famille et dans le salon beige et terracotta de la maison de mes parents, en 1999.

Pour moi, regarder un épisode de Dans une galaxie, c’est plonger dans la plus douce des nostalgies.

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Celle qui me ramène à une époque où mon plus gros stress, c’était celui de réussir mon examen de maths pour avoir la permission de me coucher plus tard, après la énième reprise d’un épisode de Dans une galaxie dont je pouvais réciter toutes les répliques sans aucun effort. Même mon père se prêtait parfois au jeu, mais celui-ci préférait les répliques du Capitaine puisque celles, plus colorées, de Pétrolia et Flavien lui faisaient légèrement friser le poil des avant-bras.

« Après Friends et Harry Potter, pourquoi pas un épisode réunion de Dans une galaxie? », a demandé à la foule de fans et de journalistes réunie au StarCité qui opinait furieusement du chef la directrice de Crave avant d’entamer la présentation du documentaire fort attendu. Eh bien, en tant que personne qui, pardon, se câlisse éperdument du premier et qui a depuis longtemps délaissé le deuxième, je ne saurais qu’être d’accord avec un tel statement.

Nous sommes en 20… 1999

D’emblée, le documentaire nous fait plonger dans le zeitgeist du Québec à l’aube de l’an 2000. Pleuvent alors les références qui laisseraient de glace nos cousins de la francophonie, mais qui ont soulevé mon cœur et provoqué des sourires complices entre ma collègue et moi. Bruno Blanchet qui se dandine en bodysuit vert fluo devant le sourire gamin de Marc Labrèche (« Whizz, whizz, je suis le bogue de l’an 2000! »), une bonne bordée de neige qui vient à bout du toit du Stade olympique pour s’abattre sur le Salon de l’auto, une montée de lait de Jean-Luc Mongrain : le documentaire est comme cet ami qui nous envoie des memes particulièrement nichés que vous seuls savez apprécier.

Avant même de nous plonger au cœur de son sujet, le documentaire trace d’un trait épais le public cible qu’il souhaite atteindre. Ce public, c’est celui des millenials qui, à défaut d’avoir été élevé par l’écran d’un iPad, a plutôt été élevé par celui, cathodique, de la télé du salon familial.

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Au fil des entrevues avec les auteurs de la série Pierre-Yves Bernard et Claude Legault et d’anciennes têtes dirigeantes du Canal Famille, le désir de créer un objet culturel permettant de rallier une communauté semble par ailleurs s’être élaboré en filigrane, et ce, dès les balbutiements de l’équipage du Romano Fafard.

Tout d’abord, suite au succès rencontré par Radio Enfer, autre série mythique des propriétaires de télévisions branchées au câble, Canal Famille était à la recherche d’une autre série destinée aux adolescents. Avec ses personnages aux expressions colorées, Radio Enfer avait préparé le public aux séries en joual s’adressant aux plus jeunes, au grand dam des parents québécois qui n’appréciaient guère d’entendre leur marmaille prononcer des mots aussi vulgaires que « décrotter » et « nombril ».

Ensuite, une ancienne tête dirigeante de Canal Famille (c’est difficile, prendre des notes dans le noir, OK?) admet avoir été charmée par la prémisse de la série, celle-ci s’inscrivant parfaitement dans l’air du temps. En effet, 1999 marquait le début de la fascination du Québec pour la découverte spatiale alors que Julie Payette (dans le temps que c’était cool de faire des oraux sur elle au primaire) prenait place à bord de la navette Discovery et devenait la deuxième Canadienne à se rendre « là où la main de l’Homme n’a jamais mis le pied ». Le tournant du nouveau millénaire, c’était aussi le moment où naissaient les premières inquiétudes face à la détérioration de notre environnement due, entre autres, au « poush-poush en ca-canne », inquiétudes qui deviendraient bientôt un trait de personnalité dominant chez mes fellow millenials.

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Le savoir-faire canadien

Selon Simon Portelance, auteur de l’ouvrage Génération Canal Famille, et l’une des nombreuses figures interviewées par Matthieu Pepper au fil du documentaire, la plus grande force de Dans une galaxie près de chez vous, c’est son potentiel de réécoute.

Or, une autre particularité de la nostalgie que l’on ressent par rapport à des productions culturelles, c’est justement ce désir de familiarité, « du même ».

Et puisqu’une grande partie de l’anxiété que l’on ressent actuellement est liée à l’incertitude de « l’après », de voir et revoir Flavien Bouchard et Bob Marcellin tapocher le perfide Brad Spitfire apporte son lot de réconfort.

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Je l’avoue, j’ai dû voir et revoir mes épisodes favoris des cinquantaines, voire des centaines de fois et non, je ne me suis même pas proche de m’écœurer. L’écriture riche en gags du duo formé par Claude Legault et Pierre-Yves Bernard et le jeu physique, frôlant parfois le ballet hautement chorégraphié, des comédiens est une mine d’or et à chaque réécoute, un nouveau gag semble éclore pour provoquer un éclat de rire.

Puisque la série avait été pensée pour un public adulte, d’avoir grandi avec la série m’a également permis de saisir de nouvelles nuances à certains gags qui avaient autrefois passé dix pieds au-dessus de ma tête… pour atterrir sur celles de mes parents, s’efforçant de masquer leur inconfort devant un Guy Jodoin remplissant son caleçon de glaçons après une rencontre impromptue avec la belle Sylvie Moreau.

Aux côtés de Ciné-Cadeau, Dans une galaxie près de chez vous est cet incontournable télévisuel dont les 65 épisodes ont dominé les ondes bien au-delà de leur ultime date de diffusion, le 25 novembre 2001.

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Par où on va? Par en avant

Tandis qu’on semble se rapprocher de plus en plus de ce monde imaginé par Claude Legault qu’il nous faudrait obligatoirement quitter, car rendu inhabitable en raison de la bêtise humaine, la popularité de Dans une galaxie près de chez vous peut parfois sembler être un non-sens alors que l’écoanxiété risque de bientôt faire son entrée dans le DSM. En effet, cette production n’encourage-t-elle pas ce sentiment d’anxiété qui nous gagne quand on réfléchit à notre avenir et qu’on se demande si on doit enseigner les maths ou la survie dans le désert à nos enfants?

Face à cette angoisse, j’ai envie de dire que l’angle choisi par les créateurs de la série pour aborder ces enjeux cruciaux me remplit plutôt d’un certain optimisme. Je suis peut-être naïve, mais l’humour et la dérision propres à l’écriture de Legault et Bernard sont des valeurs qui traversent les époques et qui nous redonnent du courage face au cynisme de certains politicien.ne.s… qu’on aurait aimé voir écorché.e.s par la plume acérée du duo.

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Ainsi, force est d’admettre que dans l’univers de Dans une galaxie, tout n’est pas perdu. Même au bord du gouffre, l’amitié et l’amour sont des valeurs qui propulsent l’équipage du Romano Fafard à travers mille péripéties aussi dangereuses que rocambolesques. Le bromance de Flavien et Bob, l’amour qui fait fi des interdits du Capitaine et Valence, la fraternité de Serge et Pétrolia, et Brad, le scientifique qu’on déteste… mais pas vraiment.

Épisode après épisode, la série est une lueur au bout de l’angoisse qui nous rappelle que c’est face au pire que le meilleur peut éclore.

Dans le troisième épisode du documentaire, on pose la question qui tue à Farah Alibay, cette ingénieure en aérospatiale de la NASA qui a grandi à Joliette : y a-t-il une planète où l’on pourrait déménager six milliards de tatas? Puisque seul un épisode et demi était diffusé à ce soir de première, il faudra regarder le documentaire pour le savoir.

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Mais une chose est sûre, Dans une galaxie près de chez vous nous a donné envie de prendre soin de la nôtre. Du moins assez longtemps pour se refaire un marathon après avoir visionné le documentaire.