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Dans le métro: où sont passés les musiciens, les camelots et les Témoins de Jéhovah?
Il y a quelques semaines, alors que j’étais dans le métro (armée de mon masque, enduite de Purell et en évitant de m’approcher de trop près de mes semblables), mon regard s’est posé sur l’affiche que voici.
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C’est vrai ça. Je n’y avais pas pensé: depuis le début de la pandémie, je n’ai aperçu aucun musicien, aucun camelot et aucun Témoin de Jéhovah, habituellement fidèles au poste dans le métro de Montréal.
Alors j’ai eu envie de prendre de leurs nouvelles.
Esteban Kokke, le musicien du métro
En tant qu’usagère quotidienne des transports en commun, les musicien.ne.s du métro font partie de ma vie. L’accordéoniste de Jean-Talon, la violoniste de Frontenac ou le chanteur reggae de McGill ont souvent agrémenté mes journées. Depuis le mois de mars dernier, les stations de métro me paraissent bien silencieuses.
«Jouer de la musique dans la rue et dans le métro, c’était parfait pour moi. Ça me permettait de gagner de l’argent et de répéter en même temps.»
« Je suis musicien depuis toujours, affirme Esteban Kokke. Je joue du drum, de la guitare, je chante et je travaille en production musicale. Je suis Mexicain et quand je suis arrivé à Montréal il y a 2 ans et demi pour étudier, j’avais besoin de travailler. Je cherchais un emploi pour payer mon loyer, mais aussi, quelque chose que j’allais aimer. Je me suis dit que de jouer de la musique dans la rue et dans le métro, c’était parfait pour moi. Ça me permettait de gagner de l’argent et de répéter en même temps. »
Esteban, que vous avez peut-être vu et entendu dans les couloirs de la station Berri UQAM, a dû mettre fin à ses activités musicales dans le métro, dès l’arrivée de la pandémie. « C’est dommage, parce que j’ai un ami qui venait juste d’arriver à Montréal, et on avait commencé à jouer ensemble. On jouait de la guitare, des percussions et on chantait, c’était super », raconte le jeune musicien de 30 ans, qui gagnait jusqu’alors sa vie avec ses performances publiques.
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Dès l’interdiction des prestations musicales dans le métro, Esteban a dû se trouver un plan B pour subvenir à ses besoins. « Je voulais vraiment respecter les consignes, donc j’ai cherché quelque chose que je pouvais faire de la maison. J’ai décidé de mettre plus de temps et d’énergie dans le volet production de ma carrière. Ça se passe bien pour le moment, même si ce n’est pas évident d’être privé de l’argent que je gagnais dans le métro et dans la rue » admet le guitariste.
Lorsque ce sera de nouveau permis par la santé publique, Esteban compte bien réinvestir le métro, pour le pur plaisir de jouer. « Le métro me manque. C’est un bel espace pour jouer devant un public, gagner des sous et répéter sans déranger les voisins. Par contre, comme je mets de plus en plus d’énergie pour développer mon studio, on verra comment les choses se passent. »
Danny-James Esperanza, le témoin de Jéhovah
« Tu peux m’appeler DJ, me lance d’emblée Danny-James, porte-parole régional des Témoins de Jéhovah. Avant la pandémie, on avait des présentoirs mobiles, où on proposait nos publications, un peu partout dans le réseau du métro. Notre but est de promouvoir la bonne nouvelle. On se tient deux par deux, on attend que les gens viennent nous parler, on est discrets. »
«On veut propager l’amour, pas le virus!»
DJ m’explique que le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale des Témoins de Jéhovah a demandé aux bénévoles de cesser toute forme de sollicitation dans les villes, que ce soit dans le métro, dans la rue ou à travers le porte-à-porte. « C’est important pour nous de soutenir la santé publique et d’appliquer les consignes à travers le monde, affirme DJ. C’est difficile pour beaucoup de nos bénévoles puisqu’on adore rencontrer les gens, leur parler et les écouter. Mais nous, on veut propager l’amour, pas le virus! » ajoute DJ en riant.
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Puisque les Témoins de Jéhovah veulent répandre la bonne nouvelle, pandémie ou pas, il leur a fallu faire preuve de créativité pour aller à la rencontre de gens, de manière sécuritaire. « On a renoué avec des moyens qu’on utilisait avant, comme envoyer des lettres par la poste, explique le porte-parole. On a aussi été chercher dans nos méthodes pour joindre des gens qui vivent dans des régions éloignées ou qui sont à mobilité réduite, comme le téléphone, tout simplement. La pandémie nous a donc incités à appeler et à écrire aux gens. »
On n’a pas eu besoin de chercher loin pour en avoir la preuve: notre collègue Daisy, d’URBANIA France, qui habite à Montréal, a elle-même reçu une lettre manuscrite ainsi qu’un dépliant d’information.
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Lorsque la pandémie sera derrière nous, les Témoins de Jéhovah retourneront assurément dans le métro. « Nos présentoirs sont comme des oiseaux qui chantent dans notre cour: on les tient pour acquis, mais le jour où ils arrêtent de chanter, c’est là qu’on remarque qu’ils ne sont plus là. »
Luc Desjardins, directeur général et éditeur de l’Itinéraire
Si vous prenez le métro sur une base régulière, il est fort à parier que vous avez déjà croisé la route d’un camelot de l’Itinéraire, un magazine de rue dont la mission vise la réinsertion sociale des personnes itinérantes, toxicomanes et sans emploi. « Dès la mi-mars, le comité de presse a fait paraître un communiqué demandant aux médias présents dans le métro de cesser toute activité, explique Luc Desjardins, dont la publication détient une entente d’exclusivité avec la STM.
«On a réussi à retrouver des points de vente à tout notre monde.»
Afin de continuer de vendre des copies, l’Itinéraire a décidé d’offrir une « formation COVID » à ses camelots, afin que ceux-ci puissent tout de même continuer de travailler dans la rue, tout en respectant les règles de distanciation en vigueur. « Avant la pandémie, on avait environ 140 camelots actifs. Aujourd’hui, je dirais qu’on en compte 92 ou 93. Ceux et celles qui avaient l’habitude de se tenir dans une station de métro avaient souvent un 2e spot de vente extérieur, donc ils ont privilégié celui-là, pour respecter les consignes de la STM. On a réussi à retrouver des points de vente à tout notre monde » affirme Luc, qui ajoute que certains camelots ont préféré arrêter de vendre le journal, par crainte de la COVID.
Mais avec la mise en place du télétravail et le confinement, les gens se déplacent moins et prennent moins le métro. Est-ce que cela a eu un impact sur les ventes de l’Itinéraire? « Absolument! lance Luc. Les camelots qui se tenaient près des stations de métro ou des trains de banlieue voient une immense différence. Certains choisissent de travailler plus d’heures pour réussir à vendre autant qu’avant, mais c’est pas évident. Aussi, on a suspendu nos publications cet été et maintenant, on sort un magazine par mois au lieu de deux.
En ce moment, on a 12 000 copies en circulation, au lieu de 20 000, comme d’habitude. »
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Après la pandémie, les camelots comptent bien retourner dans le métro, qui constitue un important point de vente. « La COVID a définitivement eu un impact sur nos revenus. Pour compenser, on a décidé de verser 100 000$ à nos camelots, principalement en aide alimentaire et en cartes d’épiceries. Nos partenaires nous soutiennent beaucoup depuis le début de la crise et on est contents de pouvoir donner au suivant. »