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Dans le merveilleux monde des Natchous

Par
Simon Painchaud
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À l’époque où il était aussi important de porter son bummer à l’envers que de décorer son sac à dos de Liquid Paper, les Natchou, FrancFou, Gus et autres personnages d’Humeur Design définissaient les critères de mode au Québec. Voici l’histoire de Michel Leblanc, le visionnaire qui a trouvé l’équilibre parfait entre le coton gris chamoiré, les slogans douteux et les bonhommes simili-trisomiques.
Réalisez-vous que vous avez changé la vie de milliers de jeunes?
C’est avec du recul que je me rends compte à quel point la vague Humeur Design a déferlé sur le Québec. Dans les années 1990, je n’en avais pas vraiment conscience.
Come on, Michel, tout le monde portait du Humeur Design. Même Marc-André Coallier.
En fait, j’ai compris qu’on était populaire tout d’un coup. Ça m’est apparu comme une révélation. J’étais en vacances à Playa del Carmen. J’avais loué une hutte dans la jungle, isolée de tout. Le matin, quand je me suis levé pour aller à la plage, la première personne que j’ai vue portait un chandail avec un Natchou. C’est là que j’ai compris qu’on avait quelque chose de gros entre les mains. Par contre, à l’époque, je ne me doutais pas que ça deviendrait un t-shirt identitaire et qu’on en vendrait près d’un million en quelques années.
Comment se fait-il que la marque n’existe plus?
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Notre principale source de revenus, c’était les campagnes de financement dans les écoles : les kids vendaient des t-shirts, des boxers ou des taies d’oreiller Humeur Design à leurs proches. Quand les écoles sont tombées en grève, elles ont dû couper dans leurs activités parascolaires et donc, dans leurs campagnes de financement. Nos ventes ont chuté et c’est ce qui a entraîné le déclin de la compagnie.
Quels étaient vos t-shirts préférés?
Ceux qui m’ont beaucoup marqué, c’est «No problemo» ou «Avec moi c’est toutou rien». J’aimais aussi ceux avec les faces de loup.
La face de loup?
Oui. On avait trouvé la recette pour que l’animal sorte du chandail de façon super réaliste. Son museau avait l’air presque humide. Ça a marché fort, en tout cas : on en a imprimé 60 000 en un an!
Qui écrivait les slogans?
On demandait à tous les employés de nous proposer des lignes et on choisissait les meilleures.
Quels étaient vos critères de sélection?
On retenait ceux qui permettaient aux gens d’exprimer leur humeur. Par exemple : «Je capote!» ou «Je travaille pour des peanuts!». À un moment donné, on a aussi demandé aux jeunes et aux parents dans les écoles de nous envoyer des suggestions de slogans, mais ils nous ont pondu des niaiseries comme: «J’aime ta femme». On a laissé tomber.
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C’est quoi le design le plus étrange qui s’est retrouvé sur vos chandails?
Dans les premières années, on en a imprimé un avec un bonhomme qui disait «Va donc skier» et un autre où s’était écrit «Chu dans la marde». Ça a offusqué pas mal de monde, surtout les comités de parents…
En terminant, qu’avez-vous à dire aux jeunes qui ont porté du Humeur Design et qui lisent cet article?
Ils doivent être conscients de ce qu’ils portent aujourd’hui. En ce moment, c’est in, mais ce sera kitsh dans 20 ans.
Sûr?
Sûr.