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Quand la nouvelle du décès de Margaret Thatcher est tombée, nous avons été surpris.
Ce n’est pas le fait qu’elle soit morte qui nous étonnait, mais bien le fait qu’elle ne l’était pas déjà depuis plusieurs années… Loin d’être triste d’apprendre sa disparition, nous y avons plutôt vu une occasion d’assister à des funérailles officielles à l’anglaise, c’est-à-dire, avec beaucoup de décorum. Les fans de Thatcher réclamant des funérailles nationales, ses détracteurs espérant la jeter simplement dans une fosse, c’est finalement à des funérailles militaires qu’a eu droit la Dame de fer.
Lorsque nous arrivons proche de la Cathédrale Saint-Paul à 8h00, le quartier est déjà placé sous haute sécurité. Les rues sont barrées, la présence policière se fait plus que sentir. Des policiers en grande tenue, les médailles à la boutonnière. Beaucoup d’armes, de snipers sur le toit de la Cathédrale et de chiens anti-bombes passant au ras de la foule rassemblée derrière les barrières antiémeutes.
Nos voisines, Ashley et Kimberley, viennent du Devon et ont pris un jour de congé pour rendre un dernier hommage à Maggie. Nous sommes à quelques mètres de la Cathédrale, entourés des plus fervents partisans de la Dame de fer. Des conservateurs à perte de vue. Les Union Jack sont de sortie, un drapeau canadien aussi, Stephen est attendu, au moins par le gars qui a le drapeau.
Pendant qu’Ashley et Kimberley discutent à savoir si l’une a repris sa carte du parti Conservateur et que l’autre songe grandement à se remettre du fond de teint, les militaires s’en viennent. On les entend de loin, la garde de la reine au complet avec musiciens, le porte-étendard habillé en dessus de fauteuil, les joueurs de grosses caisses portant fièrement la peau de léopard, et les chapeaux en poil d’ours bien en évidence. Des bataillons se placent tout au long de la rue. C’est l’heure du contrôle de la qualité : précis, l’adjudant-chef mesure au millimètre près la position de ses hommes sur la chaussée avec un compas géant, s’approche de chacun, replace le casque, fait disparaître un pli imaginaire, un peu plus il cracherait dans sa main pour faire disparaître un épi dans leur cheveu, comme le ferait une maman.
Le vent se lève et la pluie commence à tomber. Maggie approche. L’orchestre entame la marche funèbre. Le silence se fait autour de nous. Les Anglais savent y faire en matière de décorum. Ashley verse une larme. Un bouquet de jonquilles est jeté sur le cercueil recouvert de l’Union Jack. Le convoi passé, nous allons au pub suivre la cérémonie. Et c’est encore dans un silence religieux, que nous nous retrouverons au cœur de la City, une pinte à la main, à écouter le prêche du prêtre. Pas un bruit, les hommes sont en costume noir, les femmes ont un chapeau à voilette. Et nous.
Et nous, qui ne pouvons quand même pas nous empêcher de penser que Maggie n’était pas si cool que ça non plus pendant ses 11 ans comme première ministre. Pro-apartheid, chum de Pinochet, elle a lancé une guerre contre l’Argentine pour récupérer un îlot de 20 000 habitants. Elle a surtout laissé mourir de faim des prisonniers irlandais déclenchant une série d’attentat où elle a failli y passer. En coupant dans les dépenses publiques et en refusant de négocier avec les syndicats, elle a fait face à de nombreuses grèves générales qu’elle a réprimées en envoyant la police et l’armée, laissant ainsi tomber en lambeau des villes entières.
Ceux qui ont eu à subir la méthode Thatcher ont eux aussi souligné son décès. Anciens mineurs et ouvriers ont hué un faux cortège funèbre qui est passé dans les quartiers aux immeubles condamnés. La veillée s’est terminée par un feu de joie où tout le monde s’est rassemblé, une pinte à la main, en chantant «Thatcher Go To Hell You Silly Cow!» À chacun son décorum.
Texte : Guillaume Reboux
Photos : Valérie Paquette
www.valeriepaquette.com