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Charli, Rock et Dereck se réunissent pour préparer leur show du soir et m’invitent à découvrir leur univers. Jeunes femmes queer, elles font toutes les trois partie de la petite communauté des drag kings de Montréal.
« Y’a deux ans, c’était difficile de trouver un événement ou des drag kings à Montréal. Puis, il y a eu le King of Kingz l’année dernière où Charli a gagné! Il y a vraiment un mouvement qui s’est créé à ce moment-là », se rappelle Rock.
« Il n’y avait pas vraiment de scène drag king à Montréal alors j’ai profité de mon titre pour monter mon propre événement mensuel, Manspread », raconte Charli.
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« On n’est vraiment pas nombreux… on doit être dix kings maximum » continue Dereck.
L’homme sous ses traits les plus familiers
Pratique souvent peu connue du grand public, le drag king consiste à se travestir en hommes (que l’on soit une femme ou un homme) et à en prendre les traits les plus distinctifs et caricaturaux.
«Mon personnage, c’est un gros fuck boy! He’s awful.»
Tout comme les drag queens, les drag king ont une dextérité artistique fascinante lorsqu’il s’agit du maquillage. Habituées, les trois artistes me subjuguent par leur facilité et leur technique. En une heure, elles se transforment en personnages sexy ou loufoques, issus de leur imagination sans limites.
« Tu crées ton personnage et c’est lui qui en joue d’autres, selon les thématiques des soirées. Moi, j’explore ce que j’aime voir chez un gars en étant moi-même un gars », expose Dereck.
« C’est le mâle de cuir que je vais personnifier. Je m’amuse aussi beaucoup dans le kitsch québécois », poursuit Rock.
« Mon personnage, c’est un gros fuck boy! He’s awful » finit Charli, en riant.
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C’est mon tour
Rock, Dereck et Charli s’amusent et prennent un malin plaisir à transformer mon visage, avec une grande douceur : « As-tu pensé à l’homme que tu es à l’intérieur? Classique, crooner, fuckboy, daddy…? », me questionne Charli.
Je me découvre de nouvelles caractéristiques : « T’as de bonnes pommettes. Tu vas faire un beau gars », lance Rock. Charli renchérit : « Tu as une bonne structure de visage pour être un homme. »
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Je serai donc un sexy daddy des années 70. Les traits de mon visage se font plus carrés, mes sourcils plus foncés. Ma mâchoire prend plus de place que d’habitude sur mon visage. Je m’observe, fascinée et heureuse de changer mon apparence pendant que les filles me racontent comment elles se sentent après leur transformation.
« Je me tiens différemment quand je suis un homme. La journée, quand je suis une femme, je suis recroquevillée sur moi-même », raconte Charli.
Une fois mes cheveux placés dans un collant, Charli place délicatement ma nouvelle chevelure. Je me trouve masculine, et plutôt belle à vrai dire. La touche finale : une barbe de deux jours et une belle moustache vintage.
« Oh yeah » crie tout le monde.
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Charli me sort ensuite la panoplie vestimentaire. Tout d’abord, une camisole pour aplatir les seins. Les filles m’expliquent alors que cet accessoire est beaucoup plus confortable que le tape qu’elles utilisent d’habitude et avec lequel elles se sont déjà blessées plusieurs fois.
Par-dessus, j’ai droit à un maillot imitant le corps d’un homme. Mes seins sont remontés, ça me fait de beaux pectoraux et j’aime ça. Charli me lance ensuite un slip et… un pénis en silicone! Instantanément, ma posture et ma démarche changent. « Ça fait bizarre d’avoir quelque chose entre les jambes » me dis-je.
« Ça y est, tu es un homme! Do you feel it ? You look amazing, my son ! » lance Charli, satisfaite par son travail.
C’est parti. Nous sommes quatre drag king, pour quelques heures, à nous amuser avec les clichés masculins, à jouer les bonhommes sur les photos. Mais surtout, à s’exprimer et à se sentir bien de notre peau, confiantes.
« C’est libérateur hein? On est tellement emprisonné par le genre au quotidien. Là, on en fait une arme. Je suis plus confiante dans la vie depuis que je fais du drag. C’est vraiment un exutoire », confie Dereck.
Les identités qui libèrent
« C’est une grande fierté d’être un king. Quand j’étais jeune, j’étais punie car j’étais une femme masculine. Maintenant, je suis célébré pour ça! Le drag m’a donné beaucoup d’assurance dans ma vie personnelle. J’essaie de penser comme un homme blanc, hétéro et attirant, donc quelqu’un qui peut faire ce qu’il veut, sans conséquence. C’est inspirant comme façon de se sentir », ajoute Charli.
Adolescente, j’aurais tout donné pour être un homme, un vrai, faire partie du groupe. Ne pas être la fille, fragile, naïve et surtout, qui n’est jamais invitée pour les trucs de gars. Et finalement, cet après-midi entre filles m’a ouvert les yeux sur l’importance d’être fière de soi, qui que l’on soit, quel que soit son genre ou son sexe. L’important est de se rappeler que l’on peut devenir qui on veut.