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Depuis trois ans, midi, matin et soir, vous pouvez croiser Daniel au coin des rues Fullum et de Rouen. Amoureux de la ville, il accompagne les enfants de l’école primaire Jean-Baptiste-Meilleur dans la traversée de cette périlleuse intersection. Il y prend plaisir, beau temps mauvais temps, tous les jours d’école.
Comment êtes-vous devenu brigadier scolaire?
À vrai dire, je cherchais un emploi à temps partiel qui ne serait pas trop exigeant, et qui ferait en sorte que je puisse garder de l’énergie pour me consacrer à mes autres activités, dans mes temps libres. Je suis artiste et j’ai étudié en urbanisme.
Pensez-vous avoir trouvé le bon emploi?
Oui, mais c’est beaucoup plus exigeant qu’on le pense! Et c’était pire quand je travaillais « en bas », au coin de la rue Logan. Il faut être très alerte, avoir des yeux tout le tour de la tête. Quand le feu passe au vert, je dois aller me placer au milieu de la rue, parfois en insistant un peu pour que les enfants se dépêchent. Je m’assure qu’ils traversent de façon sécuritaire, et je dois revenir à ma place avant que le feu passe au rouge.
Les écoliers veulent-ils parfois traverser tout seuls?
Les plus jeunes, non. Ils respectent mon autorité. Toutefois vers la cinquième/sixième année, ils veulent se montrer plus indépendants. Je leur laisse une petite marge de manœuvre vers la fin de la sixième. Je les laisse franchir seuls le dernier quart de la traversée. Ils faut qu’ils pratiquent! L’an prochain, s’ils repassent ici en uniforme de l’école secondaire, il ne faudrait surtout pas que je les fasse traverser!
Y’a-t-il une sorte de fraternité au sein des brigadiers scolaires?
Pas vraiment. On se croise lors des réunions syndicales et lorsque il y a des journées de formation. Je connais un peu ceux qui s’occupent des autres intersections du quartier, mais c’est tout.
Qu’est-ce que vous aimez le plus de cet emploi?
Le fait d’être dehors et de pouvoir observer la ville. Je remarque tout! Les corniches des édifices, les craques dans les trottoirs, les arbres, etc. Montréal est une ville très étonnante, très belle à sa façon.
Pensez-vous faire ça encore longtemps?
Je ne sais pas. Je ne suis pas un gars qui a de l’ambition. Je ne crois pas que les individus devraient se définir ou s’épanouir par leur travail. En terminant mes études en urbanisme, j’ai vu mes anciens confrères tomber les uns après les autres dans le piège du boulot, de l’auto, de la famille, de la maison… Ce n’est pas mauvais en soi, mais ce n’est pas ce dont j’ai besoin. Ça ne me conviendrait pas. Moi, j’ai choisi d’avoir le luxe du temps.