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Dan Lok et la culture du succès sur internet
Comme tout bon couche-tard, j’ai grandi en regardant un nombre obscène d’infopubs de fin de soirée.
À l’époque, Steve Jobs n’avait pas de job et les gens s’abonnaient encore au club Columbia par la poste. Si quelqu’un avait un produit à vendre, mais pas la crédibilité ni le budget nécessaire pour créer sa propre campagne marketing, une infopub était une façon pas plus conne qu’une autre de rejoindre les masses et de créer un buzz. Comme la fois où Sodastream a engagé le gars qui jouait Templeton dans Lance et compte pour faire des démos.
C’était là qu’on croisait les pseudo-experts prêts à vous vendre le secret du bonheur. Comme Vince, le gars du ShamWow ou ce pauvre bougre qui s’est empalé avec l’épée samouraï qu’il était en train de vendre.
Aujourd’hui, on retrouve ces colorés personnages sur les réseaux sociaux. Votre fil de nouvelles Facebook est le champ de bataille de produits douteux, d’innovations ultra-nichées , de personnes qui ont l’air riches et accomplies et qui, pour une somme d’argent, vous diront quoi faire pour devenir à votre tour riche et accompli.
Dan Lok, l’expert d ’on-sait-pas-trop-quoi
C’est comme ça que j’ai découvert Dan Lok. Un expert international réputé dans l’art d’être un expert international réputé.
Si vous n’avez jamais entendu parler de lui avant aujourd’hui, rassurez-vous : je n’avais jamais entendu parler de lui avant que ses campagnes d’autopromotion me trouvent sur Facebook.
Ça ressemblait un peu à ça.
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Une invitation pour un séminaire qui semble traiter des mystères de la vente. Un closer, dans le jargon, c’est un vendeur capable de faire signer des contrats et de passer à la banque pour récolter sa commission. Lorsqu’on arrive sur le site web du programme de certification High-Ticket Closer, c’est moins clair.
Lok y offre une série de formations à raison d’une par semaine, sur une période de deux mois. Il insiste qu’il ne s’agit pas d’un séminaire de vente, mais d’un programme qui vous donnera les outils pour lire la personnalité des gens en quelques minutes. Qu’est-ce qu’on y enseigne au juste? C’est difficile à dire.
Le résumé de la première semaine se lit comme suit : Les autres programmes vous enseignent des techniques agressives et «vendeuses» pour vous aider à conclure un marché. Dès la première semaine, je vous montre exactement le contraire. Cette semaine vous comprendrez qu’il ne faut jamais être agressif, surtout lorsqu’on veut conclure un marché High-Ticket. Le moins agressif vous serez, le plus de succès vous aurez.
Si c’est pas de la vente, ça y ressemble en mautadine.
Mais il vend quoi au juste?
On s’enfonce encore un peu plus dans le flou.
Dan Lok prétend qu’il a fait son premier million de dollars en tant que concepteur-rédacteur. C’est techniquement vrai, mais j’vous garantis que si vous vous trouvez une job de concepteur-rédacteur en agence de pub, ça ne vous rendra pas millionnaire. Du moins, pas à l’âge où Lok l’est devenu.
Est-il vraiment millionnaire? En tout cas, c’est l’image qu’il projette. Si vous googlez son nom, vous trouverez des pages et des pages de liens qui 1) lui appartiennent ou 2) appartiennent à des partenaires d’affaire ou des affiliés. Même chose sur YouTube. C’est très difficile de trouver une critique de son programme qui n’est pas faite par quelqu’un qui y a investi son temps et son argent.
Un utilisateur Quora nommé Desmond Soon explique bien comment un personnage comme Lok peut faire une petite fortune bien discrètement sur internet:
Dan Lok a 380,000 adeptes sur YouTube.
1,3 million sur Facebook.
Il n’a besoin que 401 d’entre eux payent les 2,495$ requis pour suivre son programme pour se rendre à un million de dollars: 401x 2,495 = 1,000,495$
Tout ce beau monde ne le suit pas pour ses beaux yeux ou pour la force de sa promesse. Lok a bâti son auditoire en faisant affaire avec des influenceurs plus populaires que lui, comme le gourou lifestyle Brandon Carter:
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Et le YouTubeur Matthew Tran:
https://www.youtube.com/watch?v=1AoiuFCktIE
Carter et Tran ont invité Lok à parler à leur auditoire et en retour, Lok leur a versé une commission sur ses ventes. Bon, ça démontre juste un excellent sens des affaires tout ça, mais commencez-vous à comprendre ce qu’il vend?
Le produit, c’est vous
Toujours selon Soon, le programme de Dan Lok est un cour de télémarketing. Il vous enseigne à faire des ventes au téléphone, quelque chose de relativement difficile à faire.
Quand je dis que c’est techniquement vrai que Lok a fait son premier million comme concepteur-rédacteur, c’est en tant que concepteur-rédacteur pour son cours de High-Ticket Closers. Son site web personnel évoque un très vague succès en affaires, mais ne fait mention d’aucun produit ou service de ventes à part les séminaires et les livres qui ont fait sa renommée.
«C’est pas mauvais ou faux, ce qu’il dit. C’est l’équivalent de ce qu’on apprend à la première session d’un programme de marketing.» – Guillaume, directeur de comptes ventes et créativité média chez URBANIA.
J’ai demandé à Guillaume, directeur de comptes ventes et créativité média chez URBANIA, de regarder des vidéos de Dan Lok issus de ses séminaires de vente et de me donner son avis. «C’est pas mauvais ou faux, ce qu’il dit. C’est l’équivalent de ce qu’on apprend à la première session d’un programme de marketing. Il sonne plus comme un vendeur de chars usagés que quelqu’un qui souhaite bâtir des relations d’affaires durables.»
Quand je lui ai demandé si l’information valait le 2500$ demandé pour le séminaire, Guillaume était catégorique: «Oh que non. Ça vaut même pas le prix de la pub avant la vidéo.»
Dan Lok ne vous vend pas de secrets qui feront de vous une personne riche et accomplie. Parce que son seul secret, il le garde pour lui: c’est avec votre argent et votre désir de changer de vie qu’il s’est rendu riche. Pas avec ses skills en vente ou en entrepreneuriat.
Le mal de la réalité
Ce que Dan Lok fait n’est pas illégal ou frauduleux. Il charge juste extrêmement cher pour de l’information qu’on peut retrouver sur les bancs d’école. Ce qu’il vous vend, c’est son brand personnel: le luxe, l’ascension sociale et le sentiment de faire partie d’un club exclusif.
C’est juste un tantinet malhonnête.
Un personnage comme Dan Lok peut exister et même faire fortune en 2019 parce qu’il répond à un besoin: celui de trouver des raccourcis, de faire en huit semaines ce que d’autres accomplissent en quatre ans à l’université, de projeter une image de succès avant même de connaître le sens du mot. On veut tout, tout de suite et c’est exactement ce que Dan Lok vend: un package deal de succès. Mais la seule chose que son offre garantit, c’est le transfert de 2500$ dans son compte de banque.
Je me suis abonné à l’infolettre de Dan Lok afin de recevoir son best-seller F.U Money. Depuis, il m’a envoyé sept courriels en six jours. Le dernier s’intitule: une photo gênante prise au début début de ma carrière.
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Je sais pas pour vous, mais je ne vois rien de mal ou de gênant à cette photo. On a là un gars souriant et détendu, qui n’a pas l’air de se soucier des vêtements qu’il porte ou du nombre de voitures dans son garage. Il n’a pas l’air d’un gars qui a besoin de quelque chose. Il avait l’air d’avoir le secret de la vie avant de commencer à le vendre.
Dan Lok a peut-être sacrifié sa plus grande richesse afin de monter son empire.