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C’tu normal si… je ne suis pas inspirée pour alimenter mes fantasmes?

Vous avez des questions? Julie a des réponses!

Par
Julie Lemay
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Salut Julie,

Merci pour tes super chroniques informatives et pleines d’humour!

Un peu de contexte : j’ai le même imaginaire sexuel depuis que j’ai environ 14 ans (j’en ai 35…). Je suis tannée de mes vieux fantasmes. Mais quand j’essaie de les renouveler en cherchant de l’inspiration ailleurs (surtout dans la littérature), tout ce que je trouve est tellement cliché, la plupart du temps sexiste et trop souvent carrément dérangeant. Ça ne m’inspire pas la soumission, la domination, le voyeurisme, l’exhibitionnisme, les trips à plusieurs, etc. Que faire?

Voilà!

Julie

Bonjour Julie!

Ça, c’est une belle demande créative! Où trouver de l’inspiration pour s’émoustiller l’imaginaire en puisant dans des ressources qui ne reprennent pas les répétitifs codes de la porno mainstream?

Parce que oui, on associe souvent la représentation des fantasmes à la pornographie et je trouve super intéressant que tu tentes d’élargir ton répertoire par la littérature. Contrairement aux vidéos, on n’est pas dans la classification hermétique « j’veux voir des big boobs, je clique sur big boobs, je vois des big boobs » ou « je veux voir des scénarios de babysitters, je clique sur babysitters, je vois des babysitters ». Qui peuvent vivre des drôles d’affaires de babysitters. Qu’on ne voulait peut-être pas voir.

BREF.

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Trouver son compte dans la littérature nécessite plus de recherche et d’investissement, mais ça offre une trame narrative suggestive qui peut être inspirante et vraiment riche. Après tout, on se crée nous-mêmes le visuel en se laissant guider par les mots et ça nous permet une belle latitude, contrairement au in your face — dans pas mal tous les sens du terme — de la porno.

Trouver son compte dans la littérature nécessite plus de recherche et d’investissement, mais ça offre une trame narrative suggestive qui peut être inspirante et vraiment riche.

Toutefois, ce que tu rapportes, je l’ai aussi observé : on nage pas mal en plein cliché dans plusieurs récits classés comme étant « érotiques ». Étant une pas-pire-grande lectrice, je n’ai pas eu de révélations, moi qui misais particulièrement sur les recueils de nouvelles, me disant « plus d’auteurs, plus de diversitéééé! ». Mais euh, pas nécessairement, non.

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À la lecture de ton courrier, j’ai donc senti donc l’APPEL avec un grand A : il était venu le temps de trouver du renfort de qualité pour amener un peu de lumière dans cette quête érotico-littéraire. J’ai donc communiqué avec la compétente Camille Toffoli, dévouée membre de l’équipe de la librairie féministe L’Euguélionne, qui a pris le temps de me proposer certaines alternatives aux récits stéréotypés. Voici donc ses recommandations :

Caresses magiques

Dans une formule présentant autant des nouvelles érotiques, des essais sur la sexualité et des illustrations (en veux-tu de la variété, en v’là!) les recueils publiés par le collectif Caresses magiques pourraient définitivement t’interpeller.

À ce jour, deux tomes ont été publiés : un portant sur l’auto-érotisme et l’autre sur les mécaniques mentales qui se rattachent à la sexualité. Dans ce dernier recueil, les collaboratrices se questionnent d’ailleurs sur les points suivants :

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Qu’est-ce qui génère le désir, l’excitation ou l’abandon chez elles? Quelles expériences ou habitudes ont marqué leur imaginaire érotique, leurs préférences sexuelles? Quel regard portent-elles sur leurs fantasmes?

Intéressant!

Crémage

Fier collectif de bd de fesses (je cite ici leur page Facebook), Crémage donne dans un registre que Camille définit comme étant davantage comique, voire même sarcastique. Rire, réfléchir, jouir… Ça donne le goût!

Anne Archet – Le carnet écarlate

Recueil de nouvelles qu’on dit à la fois « torride et tendre, cruel et hilarant » Le carnet écarlate regroupe des récits diversifiés sur l’érotisme lesbien. C’est poétique, c’est érotique, c’est assumé… c’est assez pour nous convaincre de le consulter, d’autant plus qu’il est joliment illustré par l’artiste Mélanie Baillargé.

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Anaïs Nin- Vénus Erotica/Les Petits Oiseaux

Pionnière du genre, Anaïs Nin écrit l’érotisme en misant sur l’importance de se réapproprier sa sexualité tout en abordant le désir féminin sans l’ancrer strictement dans le regard des hommes. Une incontournable de la littérature intime qui a publié plusieurs œuvres susceptibles d’attirer ton attention (tu peux cliquer sur le lien pour en prendre connaissance).

Alors oui, Julie, tu peux consulter des autrices et auteurs inspirant. e. s et si l’on quitte le domaine littéraire, tu serais aussi probablement susceptible d’apprécier le travail d’Érika Lust, réalisatrice de films pornographiques féministes. Mais au-delà des suggestions externes, en tant que madame qui écrit et qui a l’imaginaire qui déborde de tout bord tout côté, j’ai aussi envie de te dire « Tu sais quoi? Tu peux être autrice de tes propres fantasmes. Ce qu’on voit, ce qu’on lit, ce qu’on entend, ce qu’on sent, ce qu’on touche, tout ça peut être transformé en scénario fantasmatique ».

Vraiment?

Démonstration en règle :

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Présentement, je t’écris d’un café. Je regarde le mobilier. Il peut se passer des affaires dessus. J’écoute la musique qui est honnêtement pas mal langoureuse. Juste ça, en fermant les yeux, ça peut provoquer des images, des scénarios, des sensations. Je regarde les gens. J’peux me questionner sur leurs vies, les imaginer en interaction. Avec moi. Sans moi. J’peux regarder les pâtisseries dans le comptoir. Leurs saveurs, leurs textures, leur utilisation sans un contexte sexu si ça me dit. Sentir la chaleur de ma tasse entre mes mains. Mes mains. Leurs mains. Ses mains. À qui? À lui. Ses cheveux. Mes cheveux. Ses mains dans mes cheveux. Des souvenirs des odeurs, des sonorités.

Ça.

Tout ça. C’est là. C’est ça.

Il suffit de saupoudrer une scène extrêmement banale d’un p’tit nuage d’érotisme et/ou d’un soupçon de souvenirs agréables si la nostalgie nous habite et voilà!

On pond le fantasme.

Ça nous permet de diriger nous-mêmes les sensations qui se déploient en misant sur nos préférences, plutôt que d’être refroidie en étant face à des scénarios externes qui nous éteignent plus qu’ils nous allument.

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Voilà, Julie! Merci pour tes bons mots et j’espère sincèrement que cette réponse te permettra d’avoir du plaisir sous les couvertures, au sens littéraire et littéral!

*Un gros merci à Camille Toffoli de la librairie féministe l’Euguélionne pour sa collaboration. Pour suivre leurs activités (je vous le propose chaleureusement!), c’est ICI*