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COVID ou pas COVID, telle est la question

On a demandé à la rue de nous faire son bilan de santé.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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« C’est endurable », résume ma mère, quand je grimpe chez elle au deuxième étage pour prendre des nouvelles de sa COVID.

À 74 ans – et malgré ses trois-quatre doses de vaccins –, elle regrette quand même cette débauche au Bal en blanc en fin de semaine dernière, où elle a très certainement chopé (entre autres) le virus. « Je n’ai plus mal à la tête, mais je tousse encore pas mal. Je ne me ramasserai pas à l’hôpital, c’est toujours ben ça! », philosophe ma génitrice, qui encourage les gens à aller se faire vacciner pour s’en tirer aussi bien qu’elle. « Oh non, pose-moi pas, je ne suis pas à mon meilleur, faut que je lave mes cheveux! », proteste-t-elle quand j’entreprends de l’immortaliser avec mon cellulaire pour illustrer ce reportage.

Reportage… ENQUÊTE, que dis-je!

Devant la flambée des cas de COVID autour de moi et sur mon fil Facebook, j’ai voulu aller directement prendre le pouls de la population, à l’heure où le Québec traverse une énième vague et où des centaines de personnes sont toujours hospitalisées.

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Ok, c’est pas l’enquête la plus scientifique au monde, mais l’idée est d’accrocher du monde au hasard entre chez moi et le bureau. Un trajet de 9,8 kilomètres où les badauds accrochés au hasard sont invités à me raconter leur COVID (ou leurs trucs de survie s’ils ont été épargnés jusqu’ici).

D’emblée, la majorité (environ 60/40) des gens croisés ont eu le virus, mais personne n’a rapporté de grandes complications. Les autres touchent du bois et n’ont pas l’intention de joindre le camp des infecté.e.s, et ce, même si le dernier variant a moins de chances de les envoyer à l’hôpital.

J’amorce ma mission sur mon balcon, où je tombe nez à nez avec Christophe, le facteur, qui interrompt l’ascension de mes escaliers pour me résumer sa récente COVID. « J’ai eu une grosse toux et comme une grosse grippe pendant deux semaines. J’ai jamais rien eu à ce point-là », admet le jeune homme, précisant n’avoir développé aucune complication.

Éric
Éric
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Le temps est frisquet, je croise au bout de ma rue Éric en train de sortir son chien. « Mon gars l’a eue, ma fille l’a eue, la mère des enfants l’a eue, mais pas moi ni ma blonde et je ne sais pas pourquoi », déballe Éric, qui a pris part à quelques évènements, dont une couple de concerts. « On ne s’est pas mis dans des situations intenses non plus. Je gardais le masque dans les shows. Ça ne me tente pas de l’avoir et je m’organise pour », résume Éric, un fumeur avec une tendance à faire de l’asthme.

S’il comprend que les gens ont une écoeurantite envers les restrictions sanitaires, il constate que plusieurs – comme lui – s’efforcent de faire preuve de bon sens, conscients de vivre une sorte de « liberté surveillée ».

Sur le trottoir côté soleil de la promenade Masson, Cynthia admet n’avoir aucune idée de l’endroit où elle a pogné le virus en janvier dernier. « Je faisais attention, je voyais presque personne. C’est peut-être à l’épicerie ou sur la rue…», se demande encore celle qui dit l’avoir eu rough. « C’était pas pire les cinq premiers jours, mais j’ai eu mal à la gorge et j’ai traîné ça une quinzaine de jours. Une chance que j’avais deux vaccins », souligne Cynthia, qui continue à faire attention pour ne pas la repogner. « C’est sûr qu’on est tanné, mais c’est pas fini et j’appelle pas ça une gripette. »

Améris
Améris
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« Hey, c’est ma fête! », s’exclame de son côté Mélanie, autre miraculée jusqu’ici épargnée par le virus. À l’approche de la quarantaine, elle affirme moins profiter des bars et des restos, ce qui explique peut-être pourquoi elle s’en sauve encore. « Je sens que la COVID ne veut pas de moi, je me sens rejetée… », badine Mélanie, convaincue malgré tout que ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle l’attrape. « Je ne fais pas particulièrement attention depuis le relâchement des mesures, mais je continue à porter le masque dans mon milieu de travail même si les autres ne le font pas… »

Un peu plus loin, Améris aussi s’étonne encore de sa chance à la loterie de la COVID, avec deux jeunes enfants et des proches atteints. « J’avais peur au début, mais plus maintenant avec mes vaccins. J’en veux pas non plus par contre! », assure la jeune femme.

Émilie
Émilie
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En face du parc Pélican, Émilie pense l’avoir eue il y a quelques mois, mais n’avait pas de test rapide sous la main pour le confirmer. « On n’a pas eu de gros symptômes et nos filles ont eu une petite fièvre », résume la maman derrière la poussette dans laquelle se laisse traîner la mignonne Théodora. « Ça ne me stresse pas vraiment. J’ai mes vaccins et faudrait peut-être tous y passer pour avoir l’immunité collective. »

Sur l’avenue Mont-Royal, je fais un pit-stop au tout NOUVEAU CAFÉ-BOUTIQUE DES MALINS (shameless plogue), où il est possible de siroter une boisson chaude et de lire un des excellents livres jeunesse disponibles sur place.

Marc-André
Marc-André
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J’y croise le grand patron Marc-André, qui tente d’acheter mon intégrité journalistique avec un latté sur le bras de la maison. « J’ai eu la COVID en février sans trop de symptômes et juste à temps pour pouvoir partir en voyage à Boulogne », raconte Marc-André, ajoutant que toute sa famille l’a eue sauf sa fille. « On a tout fait pour lui donner : on lui a craché dans la face et on a liché ses ustensiles, en vain », plaisante l’indigne parent, qui dit comprendre la désinvolture ambiante face au virus, dans le contexte où une forte proportion de son entourage l’a eu sans trop de complications.

Katherine
Katherine
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Sur le trottoir en face, Katherine raconte l’avoir attrapé aussi à la mi-février, lors d’un « lac-à-l’épaule » entre collègues. Comme elle travaille avec Marc-André cité précédemment, tout semble s’expliquer. D’une transparence admirable, elle avance être probablement la source de l’éclosion. « J’avais au départ mal au cou et je pensais avoir un torticolis ou faire de l’arthrite », analyse-t-elle en riant. Elle ajoute être restée couchée quelques jours et être ensuite allée chercher sa troisième dose.

Au métro Mont-Royal – haut lieu du vox-pop québécois –, tous les gens que j’approche avec mon calepin se sauvent en courant comme si j’étais une soirée tisane à Woodstock en Beauce.

Liette
Liette
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Liette accepte finalement de me raconter son parcours de résistante. « Je travaille dans deux écoles, j’ai été voir des spectacles au Centre Bell et j’ai vécu un premier gros rassemblement familial à Pâques, mais je sais pas pourquoi je l’ai pas eu », raconte Liette, qui constate que tout le monde contracte le virus autour d’elle, surtout au travail. « Je porte le masque, me lave les mains et j’ai mes vaccins. Je ne suis pas stressée, je fais juste vivre ma vie », résume-t-elle avec sagesse .

Lin, pour sa part, rapporte l’avoir eu en janvier, pendant les vacances scolaires. « Rien de grave, j’ai eu mal à la gorge durant cinq jours », indique l’étudiante prudente, qui pense avoir été contaminée dans le métro.

Prudente, parce qu’elle prend ses précautions depuis le début de la pandémie et porte encore son masque en tout temps, même à l’extérieur. « Je trouve que les gens ne font pas super attention », souligne-t-elle.

Lin
Lin
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Rue Saint-Denis, Patrick coupe court à mon pitch. « Je l’ai peut-être eu, je sais pas, j’ai jamais passé de test et j’ai fuck all aucun vaccin! », se targue-t-il avec la fierté d’un farfadet, en tournant les talons.

Alice, croisée un peu plus loin, est convaincue d’avoir contracté le virus même si ses neuf (!) tests effectués il y a un mois et demi se sont avérés négatifs. « Mon chum était positif et on avait les mêmes symptômes. Je mouchais et j’ai perdu la voix quelques jours. Je suis contente de l’avoir eu, j’ai eu mes trois vaccins aussi », explique la comédienne, qui pense l’avoir attrapé avec des ami.e.s en jouant au curling (oui oui). « J’ai écrit ensuite à tout le monde pour leur dire qu’on l’avait, mais ils étaient tous négatifs. Depuis, tous les gens que je connais l’ont eu… »

Laura
Laura
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Devant le carré Saint-Louis, Laura revient sur son test positif obtenu il y a deux semaines, probablement après une virée dans un bar. Mal de tête, toux, mal de gorge : les symptômes se sont étirés sur une semaine et l’étudiante a raté une semaine d’université. « C’est devenu tellement répandu que c’est mal adapté à la réalité de l’enseignement puisqu’il n’y a plus de cours à distance et environ le tiers de la classe était absente », déplore Laura, qui a toujours été en faveur des restrictions sanitaires. « Même si pratiquement tous les gens de mon âge l’ont eu, je suis sensible à ceux qui ont encore peur de l’avoir. »

Rue Sainte-Catherine, mes vieilles jambes montrent leurs premiers signes de fatigue. Je prends un break avec Marie, 19 ans, qui a vu deux barres rouges apparaître sur son test il y a à peine trois semaines. « Personnellement, ça ne m’a pas fait grand-chose, sinon un rhume les trois premiers jours », décrit Marie, qui croit aussi l’avoir attrapé dans un bar.

Marie
Marie
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Avec ses trois doses, la jeune femme estime que sa génération a largement fait sa part. « Nous avons été privés de notre jeunesse pendant deux ans, j’ai pas eu de graduation et j’ai fait mon cégep en ligne. On est rendu au point où il faut le considérer comme une grippe », tranche-t-elle.

Sur la place des Festivals, Mario Guillen pense être l’un des premiers à avoir eu le virus, en mars 2020. « J’étais retourné chez moi en République Dominicaine après le décès de ma mère. En revenant, j’ai été malade deux semaines, j’ai fait beaucoup de fièvre durant la première », rapporte l’homme, qui se fait encore regarder croche avec son masque lorsqu’il visite des proches dans son pays d’origine. « Là-bas, ils n’ont jamais fait attention, mais ici aussi, il commence à y avoir un relâchement. Les gens devraient prendre ça plus au sérieux. »

Michel Guillen
Michel Guillen
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À quelques rues à l’ouest, Axel se sent un peu marginal : non seulement il n’a jamais attrapé la COVID, mais son entourage non plus. Des survivant.e.s parmi les variants.

Le jeune homme affirme mettre quand même les chances de son bord, en limitant ses sorties et en faisant du télétravail. « J’ai pas peur de l’attraper, mais j’ai plus peur de la transmettre à quelqu’un de vulnérable », nuance Axel, altruiste, d’avis que le Canada s’est montré assez sévère dans ses restrictions et qu’il serait difficile de les resserrer davantage.

Axel
Axel
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Environ 15 069 pas plus tard (selon mon cell), j’arrive enfin du bureau.

Bilan : les histoires de COVID entendues se ressemblent et finissent heureusement bien.

Quant à ceux et celles qui ne l’ont pas eue, on est loin de la panique, sans toutefois ressentir le besoin de l’avoir pour être dans la gang.

Et de tous les trucs entendus pour lui échapper, une mention spéciale à cet homme qui faisait la manche au coin Sainte-Catherine et Mansfield, et qui résiste toujours au virus. « Moi, j’m’arrange pour éviter les contacts. »

Une méthode éprouvée, certes, mais difficile à appliquer avec le retour du beau temps.