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Cours de choix carrière pour les politiciens en devenir

Avec l'élection d'une ancienne anthropologue à titre de mairesse de Montréal, on s'est demandé en quoi il fallait étudier pour devenir politicien.

Par
Pier-Luc Ouellet
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Quand j’étais étudiant en science politique, et que je le mentionnais à quelqu’un, on me répétait toujours la même chose : « Fait que comme ça, t’étudies pour devenir premier ministre? » Et à chaque fois, je répétais la même blague trouvée sur Internet (je ne suis pas François Massicotte moi, je le dis quand mes blagues viennent d’Internet) : on n’étudie pas en science politique pour devenir politicien, pas plus qu’on n’étudie en mécanique pour devenir une voiture.

Mais l’idée persiste qu’il y aurait des domaines d’études naturels pour les aspirants politiciens. Et que c’est peut-être en train de changer. J’en ai parlé avec Marc-André Bodet, professeur à l’Université Laval en Science politique.

Un renouveau pas si nouveau que ça

On a l’impression depuis quelque temps qu’il y a un renouveau dans la classe politique. Des politiciens semblent nous apparaître de nulle part avec des parcours plus atypiques. Justin Trudeau, dans son ancienne vie, était professeur de français et d’art dramatique, quand il n’était pas trop occupé à magasiner des bas de Chewbacca. Valérie Plante était muséologue et anthropologue, deux domaines qui auraient plutôt fait paniquer nos mères.

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J’ai donc demandé à Marc-André Bodet, professeur de science politique à l’Université Laval, si on a raison de voir un renouveau. Il nuance : « Il y a plusieurs de ces figures qui apparaissent un peu par magie sur la scène politique […] et qui viennent de familles ou de communautés politiques bien organisées. » Le père de Mélanie Joly était un organisateur politique libéral bien implanté, le père de Justin Trudeau a été premier ministre du Canada (quand même pas pire comme plug.)

Mais ce n’est pas faux, selon M. Bodet, de dire que le portrait des origines professionnelles des élus tend à changer… ce n’est juste pas un changement si récent que ça : « Ça vient en partie avec la montée du Parti Québécois au Québec ou des gens venant du milieu de l’enseignement, du milieu syndical, du milieu communautaire ont fait leur apparition sur la scène politique ». L’ADQ et la CAQ ont amené des entrepreneurs et des gens d’affaires, puis QS a amené davantage de gens issus des milieux communautaires et de la société civile.

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Étudier en politicien?

Ça serait faux de dire qu’aucun politicien n’a jamais étudié en science politique : Denis Coderre a fait un bac en science politique, Stéphane Dion aussi. Mais ils ne sont pas la norme. Si on se fie à l’étude de Magali Paquin, doctorante à l’Université Laval, il y a deux catégories professionnelles qui sont surreprésentées à l’Assemblée nationale : les gestionnaires et les gens issus des sciences sociales, surtout des avocats et des enseignants.

Et depuis longtemps ce sont les professions libérales (médecins, avocats, juges et notaires) qui dominent. En gros, si tu veux être élu, c’est mieux d’étudier dans une job que ta mère aimerait que tu fasses.

Pourquoi donc cette idée reçue que les politiciens étudient en science politique? « Beaucoup de gens qui s’intéressent à la politique vont étudier la science politique pour nourrir leur intérêt. Est-ce que ça donne de bons politiciens? Empiriquement, il semble que ce n’est pas le cas. » Ça donnerait des gens trop axés sur la nuance, et qui sont beaucoup trop dans le doute. Stéphane Dion était un politologue. Est-ce qu’on a besoin d’en dire plus?

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Qu’est-ce que les gens veulent?

De toute façon, est-ce que ça compte tant que ça l’expérience professionnelle? Pas tellement. « Un élément plus important, c’est peut-être à quel point un individu est implanté dans un milieu », nous dit M. Bodet. Les candidatures parachutées, où un candidat « vedette » se présente dans une circonscription d’où il ne vient pas, sont de moins en moins appréciées, alors qu’en même temps on voit des candidats être élus sans grande expérience (pensons à Ruth Ellen Brosseau du NPD qui avait comme expérience d’être assistante-gérante d’un pub universitaire et d’avoir fait le party à Vegas) avoir finalement de longues carrières politiques. En gros, les gens ont peut-être déjà accordé de l’importance à la carrière, mais ce n’est plus tellement le cas.

Et cette idée qu’il y a un « dégagisme » politique, que les gens veulent chasser les vieilles élites? « Certainement pas dans le cas de l’élection municipale [à Montréal]! » En fait, malgré qu’on nous parle du « triomphe » de Valérie Plante, Denis Coderre est passé de 150 000 votes en 2013 à 216 000 voix dimanche dernier. Visiblement, il y a beaucoup de gens à qui les candidats établis plaisent.

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« Je ne sens pas le dégagisme. […] C’est plus dans le cycle médiatique, lorsqu’une figure surprise remplace, on parle de dégagisme, et lorsqu’une figure plus établie demeure, on parle de prudence. » Peut-être qu’on s’emballe trop dans les médias?

Comment devenir politicien

Il faut quoi, alors, pour devenir politicien? « Être capable de bien mentir», vous dirait votre mononcle qui se prend pour Chantal Hébert quand il a bu quelques verres. Mais pour Marc-André Bodet, ça se résume ainsi : « Idéalement, un politicien entre sur la scène publique au début de la quarantaine et il a quitté au début de la soixantaine. L’idéal c’est d’avoir une dizaine d’années d’expérience, mais d’être suffisamment jeune pour incarner le renouveau. » On ajoute une ou deux réalisations intéressantes dans sa vie passée, et on a un CV qui a du bon sens pour mettre notre face sur une pancarte.

Peu à voir avec la carrière finalement. Au pire, si vous êtes dans votre cours de choix de carrière et que vous savez pas quoi choisir, devenez donc médecin ou avocat. C’est encore votre meilleur bet, et au pire si ça marche pas en politique, vous allez quand même avoir une job pas pire.

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