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Confessions d’un hipster télévisuel

Par
Patrick Dion
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Si on dit que les oiseaux se cachent pour mourir, les hipsters, eux, doivent se cacher pour vivre. Parce qu’il veut se soustraire de la culture populaire, être unique, créer les tendances et, surtout, parce que dans l’imagination collective, un hipster est un loser à l’air bête avec des pantalons trop serrés et une barbe touffue (bref c’est un membre d’Al-Qaïda en skinny), il ne s’affiche jamais comme tel.

Je vais pourtant vous avouer une chose. Malgré un look à mille lieues de l’intello lumbersexuel, je suis un hipster télévisuel. Dans cette réalité, il faut aimer les téléséries britanniques, Utopia, Black Mirror, la télévision d’auteur, les séries québécoises intelligentes, Série Noire, 19-2, les grandes séries américaines, Game of thrones, Breaking Bad, les documentaires-chocs, Vice, Enjeux et l’humour absurde des Appendices.

Et j’aime tout ça.

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Cerise sur le sundae, je n’aime pas la culture télévisuelle de masse, la télé sirupeuse pleine de sentiments dégoulinants, les videttes, la pipolisation, les téléréalités, les émissions de chansons et le ton de certains animateurs qui prennent les gens pour des débiles profonds. Bref, je suis juste un maudit snob qui n’écoute pas TVA.

Mais je vous mentirais si je ne vous avouais pas que j’ai un côté Joe Dassin à ma consommation télévisuelle. Je l’avoue sans torture. J’ai fantasmé sur Marie-Soleil Tougas dans Peau de banane, j’ai impuissamment vidé mes glandes lacrymales à mon grand désarroi en regardant Donnez au suivant et j’ai passé de longs weekends à me gaver de Musicographie en rafale, jusqu’au jour où le chanteur a cessé de TOMBER DANS L’ENFER DE LA DROGUE.

J’ai eu des plaisirs coupables de jeunesse et, grand bien m’en fasse, j’en ai encore aujourd’hui. Il faut avoir un peu de légèreté dans sa vie si on ne veut pas mourir jeune et aigri. Voici donc mes trois plus grandes sources de honte télévisuelle.

Les dessins animés

Des températures de – 8000 degrés en avril, ma toilette qui ne flushe jamais comme il faut, manquer de lait à vingt-trois heures alors que je suis déjà en pyjama? NON! La pire chose qui peut m’arriver dans la vie, c’est qu’on me prenne pour un con à la télé ou au cinéma. Si t’essaies de m’enfirouaper avec une histoire qui ne tient pas la route (genre le Commissionnaire Gordon qui sort à peine dépeigné après douze tonneaux à bord d’un fourgon blindé dans The dark knight rises ou (DIVULGÂCHEUR!) Dexter qui se réincarne en bûcheron dans un camp au Canada après s’être fait exploser la gueule en bateau), je te méprise.

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Mais quand il s’agit d’un film d’animation, tu peux me faire avaler n’importe quoi. La vie, la mort, la vie après la mort, la vie avant la mort, Jésus, Bouddha, Krishna, n’importe quoi! Je bois avidement à la coupe des petits bonhommes, la gueule toute grande ouverte.

MasterChef

J’ai toujours aimé les émissions de bouffe. J’ai même déjà été abonné à The Food Network au tout début des années 2000 (quand j’avais six ans, mettons). J’aime faire de la bouffe, j’aime manger de la bouffe, j’aime regarder de la bouffe. Sauf dans la bouche de quelqu’un.

J’adore L’Épicerie, mais il n’y a aucune honte à aimer Denis Gagné et Johane Despins (tsé, j’aimais L’Épicerie même quand c’était Marie-Josée Taillefer qui coanimait). Mon réel plaisir coupable, c’est Masterchef, même si c’est une téléréalité, même si c’est rempli de calories vides, même s’il y a dedans le maudit Chinois qui chiale tout le temps.

J’ai vu toutes les versions possibles de Masterchef: Canada, Junior, USA. La journée où ils vont faire Masterchef Mars One Explorer, je vous jure que je vais être à l’écoute. Écouter Masterchef m’a rappelé trois choses. Uno, je suis pas mal plus chauvin que je le croyais, deuzio, ça faisait longtemps qu’un enfant ne m’avait autant attendri et tertio, je pense que j’ai un nouveau man crush.

Les courses de bécyk

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J’ai commencé à faire du vélo de route après être tombé par hasard sur le Tour de France 2006 à Évasion. Je m’y étais attardé à l’époque parce que les paysages pittoresques de la Provence me rappelaient un récent voyage.

Je m’y suis fait prendre l’année d’après, puis la suivante, et l’autre d’après, d’autant plus que je commençais à connaître les coureurs et les règlements. Je découvrais aussi à l’époque le commentateur Louis Bertrand, source inépuisable de â, de ô, de ê et de connaissances cyclistes pimentées d’un humour pince-sans-rire hors pair. Je vivais mon premier man crush, bien avant Ramsay (sorry Gordon, but it was raaaaw). Avec Richard Garneau à la description touristique, Évasion présentait une équipe qui enflammait les ondes.

Depuis ce temps et même s’il ne se passe absolument rien durant quatre, cinq ou six heures, je regarde à la télé les courses de vélo, hypnotisé par ces jambes glabres qui moulinent sans arrêt sur trois cents kilomètres. Je me fais engourdir le cerveau à coups de pédales.

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Messieurs-dames les annonceurs, le voilà le truc infaillible pour nous empêcher de zapper durant les pauses. Insérez des cyclistes en spandex parmi les figurants. De rien, ça m’a fait plaisir, vous pouvez m’envoyer votre chèque directement chez Urbania.

Bon bien, c’est pas tout ça. Vous m’excuserez, je dois y aller. Denis Lévesque recommence.

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