Logo

Confessions d’un gamer équilibré

Trouver le juste milieu dans le jeu vidéo.

Par
Harold Beaulieu
Publicité

Si à 31 ans je peux affirmer que je suis un « gamer équilibré », ça n’a pas toujours été le cas. Plus de 25 ans après avoir flirté pour la première fois avec la console Super Nintendo qui trainait dans le sous-sol de ma gardienne, j’ai dû attendre de gagner en maturité avant d’être capable de me fixer des limites à ma consommation de jeux vidéo.

Dans mes premières années de gaming, j’alternais entre la version NES du jeu Teenage Mutant Ninja Turtles de mon voisin et la Game Gear que j’empruntais souvent à mon cousin, mais dont l’autonomie de 2-3 heures avec 6 batteries AA m’a toujours empêché de terminer Sonic the Hedgehog. Pour résumer ça autrement, c’était tellement peu fréquent que j’aie une console entre les mains que mes parents n’avaient aucune raison d’encadrer l’activité.

D’ailleurs, ma première console à vie, je l’ai obtenue parce que Nathalie, la blonde de mon père de l’époque, avait apporté sa Super Nintendo pour m’occuper un weekend où ils avaient ma garde. La première chose que j’ai faite en l’utilisant, c’est d’accidentellement effacer les 30 heures ish de jeu de sa game à The Legend of Zelda : A Link to the Past. Elle avait beau être cool Nathalie, elle a eu beaucoup de difficulté à garder son sang froid. Une situation que mon père a finalement réglée en lui achetant la console pour me la laisser définitivement. Je l’en remercie encore, puisque le jeu a été une révélation et c’est là que tout a véritablement commencé.

Ma première console à vie, je l’ai obtenue parce que Nathalie, la blonde de mon père de l’époque, avait apporté sa Super Nintendo pour m’occuper un weekend où ils avaient ma garde.

Publicité

Heureusement pour moi, autour de ces années-là, mon père m’a aussi légué un autre aspect fondamental de ma vie : mon amour du sport. Malgré les heures passées à parcourir Hyrule à la rescousse de la princesse Zelda, j’ai toujours été très heureux d’aller jouer dehors avec lui. Sauf la fois où il m’a initié au ski de fond sur le mont Royal. Une catastrophe qui m’a laissé de lourdes séquelles… Bref, c’est ce penchant naturel pour l’activité physique qui m’a permis de me préserver de la sédentarité souvent à l’origine des problèmes reliés aux jeux vidéo. Aujourd’hui encore, si je passe trop d’heures devant la PS4, je m’efforce toujours de contrebalancer la chose en allant courir un petit 5km.

L’adolescence

Là où ç’a été plus difficile pour moi, c’est au début de mon adolescence, qui a coïncidé avec l’arrivée de la Nintendo 64. Fait inusité, c’est à nouveau un titre de la franchise Zelda, Ocarina of Time, qui a jeté les bases de ce chapitre moins reluisant de mon parcours de gamer. En ouvrant peu à peu nos yeux sur le monde qui se déployait devant nous, mes amis et moi avons décidé de faire la chose qui nous apparaissait la plus naturelle pour affirmer notre identité et revendiquer notre autonomie : passer des nuits blanches enfermés dans le sous-sol à manger des bols de céréales en s’aidant respectivement à battre l’inoubliable temple de l’eau… Une grande époque!

Publicité

Moi, déballant Ocarina of Time, le pied dans le plâtre suite à un accident sportif. Noël 1998.

Les années sont passées et les heures dédiées aux jeux vidéo ont augmenté. Vers le milieu de mon adolescence, j’ai le souvenir d’avoir pratiquement consacré une année complète à jouer à Diablo II. Je me rappelle encore à quel point j’étais fier d’avoir une sorceress lvl 99 équipée de la fameuse arme Occulus. Un exploit dont la signification m’apparaît aujourd’hui extrêmement éphémère compte tenu du temps investi.

Mes premières années de travail étudiant (et les crédits d’échange du EB Games de Beloeil) m’ont ensuite permis de me procurer d’autres consoles (Gamecube, PS2, XBOX, Wii, etc.). Au début de ma vie financière, le gaming était bel et bien une priorité. Et certainement au détriment d’investissements plus épanouissants. Une fois de plus, mes parents ont contribué à mon équilibre en n’hésitant jamais à sortir le carnet de chèques pour mes – nombreuses – activités sportives. Merci maman, merci papa.

Publicité

La vie adulte

Le moment où j’ai déménagé en appartement à Montréal, où je suis véritablement devenu autonome, coïncide également avec un changement dans ma consommation de jeux vidéo. Ce n’est pas que je me suis mis à jouer davantage, mais j’ai commencé à me tourner vers des jeux relativement aliénants. Call of Duty, NHL, Hearthstone… des titres qui, alors que mon temps libre diminuait de plus en plus, étaient bâtis pour offrir de courtes parties élevées en dopamine. Le même principe qu’exploite aujourd’hui Fortnite et qui crée malheureusement une dépendance, selon moi.

Autour de 26 ans, j’ai commencé à avoir des amis qui ont dû affronter des problèmes de consommation d’alcool et de drogue. En les écoutant me raconter leurs démarches et en observant leur cheminement, j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de parallèles à tracer avec mon rapport au jeu vidéo. S’il y a une différence entre boire un verre de bon vin et t’enfiler une douzaine de bières dans une soirée, il y en a aussi une entre prendre un mois pour terminer The Last of Us et te clencher 15 parties de Rocket League d’affilée.

N’en déplaise à certains, le jeu vidéo n’est pas seulement l’industrie de divertissement la plus populaire au monde, c’est aussi une forme très aboutie de création artistique à travers laquelle il est possible de vivre de grandes choses.

Publicité

En réussissant à comprendre tout ça, je me suis mis à être vraiment plus conscient de la valeur du temps que j’investissais dans le jeu vidéo et j’ai commencé à me forcer à être plus discipliné dans la fréquence et la durée de mes séances de jeu. Mais surtout, à mieux choisir ce à quoi je jouais. J’ai décidé de prioriser des jeux qui m’offrent une réelle stimulation intellectuelle ou qui sont une véritable proposition artistique. Parce que n’en déplaise à certains, le jeu vidéo n’est pas seulement l’industrie de divertissement la plus populaire au monde, c’est aussi une forme très aboutie de création artistique à travers laquelle il est possible de vivre de grandes choses, comme entrer, à travers l’interactivité, en complète communion avec l’histoire, l’oeuvre et le personnage qu’on contrôle.

Vous aurez donc compris que je n’ai aucune intention de soustraire complètement les jeux vidéo de ma vie. Mais comme n’importe quelle chose sur Terre, j’ai compris qu’il ne fallait pas en abuser et qu’il était préférable de me méfier des expériences sans substances. De varier les plaisirs, aussi, et de maintenir un minimum d’activité physique dans ma vie. C’est pour moi une question d’équilibre. Mais comme ça m’arrive encore de l’échapper et de pinter jusqu’à pas d’heure, ça m’arrive aussi encore de passer un weekend complet en boxer à jouer à Breath of The Wild. Il n’y a personne de parfait.

Publicité

D’ailleurs, je suis bientôt dû pour une nouvelle paire de skis de fond…

L’auteur, un adepte de ski de fond malgré une douloureuse initiation.

++

Vous vous demandez si l’on doit se méfier des jeux vidéos? L’épisode de Zone franche fait le tour de la question ici.