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Confessions d’un bénévole de Nez Rouge
Qui dit décembre dit nécessairement party de bureau, soirées arrosées en famille et le fameux « verre de trop » qui t’empêche de prendre ton char. Heureusement, Opération Nez rouge est là pour assurer un raccompagnement en toute sécurité. Si certains utilisateurs peuvent avoir des souvenirs un peu flous de leur retour à la maison, les bénévoles, eux, restent la plupart du temps marqués par des anecdotes aussi saugrenues qu’improbables.
C’est pourquoi URBANIA s’est entretenu avec un vétéran du raccompagnement (appelons-le Yannick pour préserver son anonymat), pour connaître ses meilleures histoires à l’aube de sa 9e participation. Il nous assure que tout ce qui suit est arrivé pour vrai.
Yannick ne se porte volontaire que pour une soirée par année, mais il fait exprès de prendre une date qui sera bien occupée, soit le vendredi « entre le 15 et le 20 décembre ». Cette année, le calendrier fait qu’il prendra la route le 21.
Comme à l’habitude, il vivra l’expérience avec ses deux meilleurs amis du secondaire.
«Des seins cinq étoiles»
Lors de l’une des années, Yannick s’occupe de suivre dans sa propre voiture ses amis qui raccompagnent les gens chez eux. Cette soirée-là, il attend ses amis qui doivent prendre des gens dans un karaoké. Ses amis prennent toutefois un bon moment avant de sortir. « Finalement mes amis sortent et disent “ouin, on chantait une toune au karaoké”.
On a raccompagné ce monde-là. Là je sors de ma voiture et mon ami, il fait “Cette fille-là nous a montré ses seins.” » Je suivais dans ma voiture alors j’avais aucune idée pourquoi. Pis il est comme « la fille faisait juste nous montrer ses seins, c’est tout! » »
Cette fille-là avait toutefois une raison… originale de présenter sa poitrine. « Son chum était là pis c’était juste un gag que son chum a fait dans le char; son chum a dit que sa blonde avait des seins 5 étoiles, mais dans le fond, c’est qu’elle avait des tatouages d’étoiles sur les seins. »
Voilà, mystère résolu!
«Son chum était là pis c’était juste un gag que son chum a fait dans le char; son chum a dit que sa blonde avait des seins 5 étoiles, mais dans le fond, c’est qu’elle avait des tatouages d’étoiles sur les seins.»
« Des fois quand tu es dans l’autre voiture tu sais pas ce qui se passe et quand tu sors, on t’annonce de quoi pis t’es genre OK?!? » Même si les raccompagnateurs font leur travail complètement bénévolement — « nous on peut pas prendre de pourboire, tout l’argent va à Nez rouge », explique-t-il — cette soirée s’est avérée particulièrement payante grâce à un autre raccompagnement.
Après avoir reconduit un homme à sa demeure, Yannick attend dans son auto jusqu’à ce que l’un de ses amis vienne le chercher. « Mon ami il fait, “ouin, viens, il veut nous donner de quoi.” » C’est que le monsieur en question était une tête importante d’un grand organisme québécois, qu’on évitera évidemment de nommer. « Il nous a donné chacun une paire de lunettes Oakley d’une valeur de 300 $. Il nous a donné ça parce que, pour lui, ce sont des articles promotionnels. »
La grande gueule
C’est toujours une bonne décision de faire appel à Nez rouge lorsque l’on a bu. Ça ne veut toutefois pas dire que toutes les personnes raccompagnées font toujours preuve d’un jugement exemplaire. « Une fois on a été cherché quelqu’un dans un building weird et mon ami s’est fait arrêter par la police parce qu’il avait passé une lumière rouge. C’était un char manuel, c’était quand même un beau char. La police était là pis là, le gars en arrière — c’est vraiment un fils de riche.
Quand la police arrive, il dit “ah ouin y’ont peut-être vu ma plaque…” » « Quoi?!? » « “Ouin ça arrive des fois, ils m’arrêtent.” La policière arrive et dit qu’il est passé sur la lumière rouge, mon ami s’explique : “Sérieusement, c’est pas mon char, je fais Nez Rouge, honnêtement je l’ai jamais vue.”
Pis là le gars en arrière y’est comme “non, mais moi, je suis le propriétaire du véhicule pis je peux affirmer que la lumière était verte.” La policière l’a juste regardé pis dit “non non, la lumière était rouge. Tais-toi!” » « Finalement la policière a été ben cool. L’avantage de Nez Rouge! »
Le last call
Toutes les équipes de bénévoles de Nez rouge partent faire leurs rondes avec des walkies-talkies pour garder contact avec la centrale : tous ces appareils sont connectés ensemble, si bien que tous peuvent entendre les conversations. « Y’a du monde qui aime vraiment beaucoup parler, essayer de faire des blagues. Pis tsé, c’est vraiment toute la soirée. Le gars de la centrale, il est là tous les soirs, il doit être écœuré. »
Cette année-là, la palme de la personne la plus agaçante était plutôt un bénévole qui voulait absolument faire le dernier raccompagnement de la soirée. Après quelques échanges, il part à Pointe-aux-Trembles, où son raccompagnement sera finalement annulé. « Pendant ce temps, le répartiteur a donné un appel à une autre équipe. “Ah non, je voulais le dernier!”
« Y’a du monde qui aime vraiment beaucoup parler, essayer de faire des blagues. Pis tsé, c’est vraiment toute la soirée. Le gars de la centrale, il est là tous les soirs, il doit être écœuré. »
Mais mon ami, ça fait une demi-heure qu’il entend ce gars-là vouloir le dernier appel pis se plaindre… » « Nous on a fini notre raccompagnement et quand tu as fini, tu dois appeler à la centrale pour dire que tu as terminé et pour dire combien les personnes ont donné. Et, le monsieur finit de parler et moi je pèse sur le bouton pour les avertir, et pendant que je dis le numéro de l’équipe, mon ami sait pas que j’ai pesé sur le bouton et fait juste crier “Eille lui, c’est un esti de cave!” »
« Tout le monde sur ce réseau-là a entendu ça pendant que moi je suis en train de m’identifier avec notre numéro d’équipe. Il était rendu 5 h du matin, j’ai pleuré de rire dans le char. J’essayais de parler à la centrale, mais même le répartiteur avait le fou rire. »
De retour à la centrale, Yannick et ses amis ont tôt fait d’éliminer tout signe qui aurait pu permettre de reconnaître leur numéro d’équipe, de peur de croiser le malheureux bénévole.
Et le pot dans tout ça?
L’opération Nez rouge est en cours et se déroulera jusqu’au 31 décembre. Il s’agira de la première édition depuis la légalisation de la marijuana, mais selon le directeur des communications David Latouche, l’impact de cette nouveauté serait minime. « Notre mission est de ramener à bon port les conducteurs dans toutes situations de facultés affaiblies. »
« En ce qui concerne les bénévoles, notre formulaire d’inscription exigeait de ne pas consommer d’alcool la journée de la participation comme bénévole Nez rouge. Ce dernier a été modifié pour inclure aussi le cannabis. Il s’agit du seul ajustement à nos procédures d’inscription. »