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Mylène Mackay, actrice libre
Son nom est sur toutes les lèvres depuis quelques mois. Et il est mal prononcé par la majorité de ceux qui l’utilisent. «Méké?», «Maké?», «Makahi?» Non, on dit «Ma-caille.» Comme le petit oiseau dodu qu’on fait griller sur le bbq. Et comme un petit oiseau, Mylène Mackay est en train de prendre son envol. Lauréate du trophée de la meilleure actrice au dernier Gala du Cinéma Québécois pour sa bouleversante performance dans le film Nelly, où elle joue le rôle-titre, la jeune actrice issue du petit village de St-Didace ne passe plus inaperçue quand elle se promène dans les rues de Montréal, beaucoup plus achalandées que celles de son village natal.
Le cinéma québécois… m’a rendue très fière dernièrement.
Chez URBANIA, on a voulu collaborer avec elle le temps d’un article «Complète le phrase…» Parce que sous ses traits de déesses grecques, Mylène Mackay possède une tête férocement allumée et une curiosité artistique qui méritent d’être entendues.
Rencontre avec une actrice libre.
Quand je me vois à l’écran… C’est toujours difficile et étrange. Dans le cas de Nelly, la première fois que j’ai vu le film sur un écran de cinéma, j’ai eu mal au cœur tout le long et je ne me souvenais pratiquement de rien après! J’ai donc demandé à avoir un lien pour le regarder toute seule chez moi sur mon laptop. J’ai ainsi pu mettre pause aux cinq minutes afin d’assimiler le tout à mon propre rythme, scène par scène…
Je pense toujours aux mille choses que j’aurais pu faire différemment.
C’est un exercice inconfortable, mais je trouve ça important de le faire afin de pouvoir aller plus loin. Évidemment, je pense toujours aux mille choses que j’aurais pu faire différemment, mais bon en général, j’arrive à voir la qualité du projet dans son ensemble!
Le cinéma québécois… m’a rendue très fière dernièrement. J’ai eu la chance de beaucoup me promener dans les festivals cette année et c’est incroyable comme le mot est bon au sujet de notre cinéma. Xavier Dolan est réellement devenu une inspiration internationale qui a donné le courage à plusieurs jeunes réalisateurs/trices de foncer aussi. Je trouve qu’il y a encore trop peu de scénarios écrits et réalisés par des femmes, mais les temps changent. Je suis curieuse de voir l’évolution de cette situation dans les prochaines années avec le nouveau plan d’action de la SODEC visant l’équité hommes-femmes.
Sur une scène de théâtre… je ne marche jamais sans avoir une bonne raison, je suis superstitieuse! René-Richard Cyr nous a dit un jour à l’école de théâtre: «Traite ton métier avec respect et il te le rendra». C’est resté dans ma tête et pour moi une scène de théâtre est un lieu sacré qui m’inspire énormément de respect. Alors je n’y monte que pour jouer et idéalement pour défendre une parole importante.
Passer une audition… je m’y suis habituée (pas ben ben le choix)! Avant je trouvais tout ce processus très difficile surtout le fait d’essuyer des refus, mais maintenant j’ai appris à relativiser et à ne plus vouloir les choses à tout prix. Je sais que si un rôle est pour moi, il viendra. Je suis donc beaucoup plus détachée par rapport à tout ça. Et vive le yoga.
Nelly Arcan était… une inspiration pour moi et le restera. Elle fait maintenant parti de nos plus grandes auteures québécoises. Elle a mis des mots sur une souffrance que je vois encore partout: l’obsession maladive de la perfection du corps féminin. Je sais que certains hommes en souffrent aussi, mais les femmes contrairement à eux, sont CONSTAMMENT jugées et critiquées sur leur apparence. Nelly s’avouait vaincue tout en ayant la troublante lucidité et l’intelligence de nommer les perversités et les injustices de notre société. J’espère qu’on se libérera de cette dictature de la beauté et qu’on se sentira de plus en plus épanouie et libre dans les corps qui nous ont été donnés. Vive Lena Dunham.
Créer en groupe… c’est vraiment pas possible avec tout le monde! Quand j’écris pour ma compagnie Bye Bye Princesse, je le fait toujours en symbiose avec Marie-Pier Labrecque et on en vient souvent à ne même plus savoir qui a écrit quoi, mais je dirais que c’est assez rare ce genre de connexion! En création, je suis aussi très inspirée par les autres départements artistiques soit les chorégraphies, la conception vidéo, la musique, la scénographie etc. En fait, j’adore mélanger les formes d’art, pour moi, il n’y a pas vraiment de différence, on créé tous ensemble dans le but commun de faire vibrer et réfléchir les gens. J’aime que les spectacles sur lesquels je travaille soient déroutants, qu’ils ne rentrent dans aucune «case». J’adore cette rébellion que la création permet, c’est toujours un gros bordel qui finit par faire du sens alors qu’on ne s’y attendait plus. Et quand on créé en groupe, le bordel est juste encore plus gros.
Jouer complètement nue… c’est clairement un travail d’abandon et de liberté, mais souvent, c’est l’émotion qui demande le plus d’impudeur… Sur scène j’avoue que je trouverais ça très difficile de me mettre nue alors que sur un plateau de cinéma, il se crée une bulle très respectueuse autour de ces scènes-là, que je n’accepte que si elles sont justifiées.
Gagner des trophées… c’est pas un but, mais ça fait vraiment plaisir! Par contre, je suis tellement exigeante envers moi-même que j’oublie très rapidement ce genre d’honneur. Dans ce métier, tu peux gagner un prix et le lendemain avoir une mauvaise expérience sur un plateau et te sentir complètement à côté de la plaque! Tout est si fragile et éphémère. Ce qu’il faut, c’est travailler sa confiance en soi profonde et idéalement ne pas se laisser ébranler ni par les bons ni par les mauvais commentaires. J’y travaillerai probablement toute ma vie, car le doute est constant chez moi…
Être élevée par des parents hippies… ça veut dire que mon placenta est en dessous d’un chêne, que je suis née dans ma maison et que j’ai mangé beaucoup trop de seitan dans ma vie! À vrai dire, mes parents ne raffolent pas du mot «hippies», en fait ce sont plutôt des écologistes dévoués, des gens qui vivent selon la simplicité volontaire et surtout qui se battent à chaque jour pour le respect de l’environnement et l’agriculture biologique. Je me souviens de les voir sortir le soir après le souper avec leurs lampes frontales aller enlever les vers-gris un par un dans les plants de choux…Je me reconnais un peu aujourd’hui dans leur dévotion, leur résistance et leur persistance à toujours agir en connivence avec leurs valeurs. Je crois que par ce qu’ils sont profondément, ils m’ont appris le sens du mot passion.
Le mot «féministe» est… galvaudé! C’est fou comme ça a changé dans les dernières années! Quand j’ai fait ma première création féministe (Elles XXx) il y a 5 ans, on avait demandé à plusieurs femmes dans la rue si elles se considéraient comme «féministes» et on avait été surprises de voir à quel point ce mot inspirait de la gêne, voir même de la répulsion. Comme si dire qu’on était féministe était alors synonyme de dire qu’on avait une maladie genre une infection urinaire! Aujourd’hui, c’est le contraire, le mot est sur-utilisé et marchandisé. Il y a genre des J-string pour jeunes filles écrit «féminist» dessus! Même si je préfère de loin qu’on en parle trop qu’on en parle pas, je trouve que ça crée de la confusion. Être «féministe» c’est être pour l’égalité homme-femme et reconnaître qu’on devrait tous avoir les même droits, pas une marque de sous-vêtements sexy il me semble!
À St-Didace, je me sens… proche de mon placenta haha. En fait, je me sens centrée, calme et tellement oxygénée que je dors sans cesse. On se rend pas compte à quel point on manque d’oxygène en ville! Donc aux Jardins du Grand Portage (c’est le nom des jardins de mes parents que vous devez vraiment aller visiter), je me repose, je mange vraiment trop bien et je respire à un rythme plus normal. C’est vraiment un lieu mystique qui apaise l’âme… Et je sais que si jamais il y a un cataclysme naturel, je pourrai toujours aller vivre là-bas, c’est quand même rassurant. J’inviterai du monde ;-)
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Pas de doute, Mylène Mackay possède un souffle artistique hors du commun. Rares sont les actrices capables de s’abandonner à ce point dans un rôle. Ceux et celles qui ont vu le film Nelly peuvent en témoigner. Et si vous ne l’avez pas encore vu, n’ayez crainte, vous pourrez apprécier tout le talent de la blonde actrice dans les années à venir puisque sa carrière ne fait que commencer. On n’a pas fini de la voir sur scène ou dans nos écrans, petits ou gros. Mylène Mackay est libre, comme un oiseau qui prend enfin son envol dans le ciel artistique québécois. Et c’est un bonheur de la voir voler… toujours plus haut.
Pour lire un autre texte d’Antoine Desjardins: «Complète la phrase…avec le Docteur Bensoussan, superstar de l’hôpital Charles-Lemoyne».