Pendant mon voyage Ă Bruxelles la semaine derniĂšre, on mâa appris que la scĂšne musicale francophone en Europe avait longtemps Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme dĂ©passĂ©e ou « ringarde ». Un peu comme certains quĂ©bĂ©cois qui pensent quâil ne se fait plus rien de bon en français au QuĂ©bec parce quâils entendent des chansons quĂ©taines Ă la radio commerciale. Moi, qui tripe sur la musique francophone, jâai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ©e dâapprendre que câest seulement depuis quelques annĂ©es que les jeunes EuropĂ©ens se sont remis Ă avoir des projets en français.
Ce nâest pas une observation scientifique bien entendu, il y a toujours eu des artistes pour tenir le fort, mais on sent quâil y a un renouveau dans la chansons française, autant chez nous que chez les Belges, les Français ou les Suisses, pour ne nommer que ceux-lĂ . Jâai profitĂ© de mon passage au Festival FrancoFaune de Bruxelles, qui mâavait invitĂ©e pour le week-end, pour parler Ă deux programmateurs.rices de festivals francophones pour en savoir plus sur le lien qui unit les artistes de nos deux continents.
La premiĂšre personne Ă qui je voulais parler, câest Cynthia Bellemare, responsable de lâadministration, de la production et de la programmation du Festival FrancoFaune. Cynthia est une QuĂ©bĂ©coise qui habite en Belgique et elle Ćuvre dans le monde de la musique depuis plusieurs annĂ©es. Dâabord mĂ©lomane et animatrice radio Ă MontrĂ©al, elle sâest dirigĂ©e vers une carriĂšre dans lâindustrie de la musique, notamment au sein de la SOPREF (SociĂ©tĂ© pour la promotion de la relĂšve musicale de lâespace francophone). Ayant travaillĂ© des deux bords de lâocĂ©an, Cynthia Ă©tait toute dĂ©signĂ©e pour rĂ©pondre Ă mes questions.
Elle a rapidement confirmĂ© les rumeurs que jâavais entendues au sujet de la rĂ©putation de la musique francophone en Europe. « Ici, la musique se fait beaucoup en anglais, câest ce qui est le plus rĂ©pandu, mâa-t-elle expliquĂ©. Je dirais que la scĂšne se passe Ă 80 % en anglais. » Câest donc plutĂŽt difficile pour les francophones de se faire entendre, surtout que le bassin de population qui parle leur langue est plus petit quâici. FrancoFaune a comme mission de montrer que la chanson française est plus Ă©clatĂ©e et diversifiĂ©e que lâidĂ©e quâon en a du gratteux de guitare avec son tabouret.
Le festival parle dâailleurs beaucoup de biodiversitĂ© musicale, lâun des nombreux jeux de mots quâils sâamusent Ă glisser ça et lĂ dans leurs communications, mais aussi un vrai mandat quâils se donnent. « Avant on sâappelait la Biennale de la chanson française, mais on a changĂ© de nom, raconte Cynthia, parce que ça avait rien nâa voir avec ce que lâon fait pis ce que lâon veut faire. »
https://soundcloud.com/pierresaupluriel/un-enorme-tattoo
Je lui ai donnĂ© raison, moi si on mâavait invitĂ©e Ă une biennale de la chanson, jâaurais possiblement pas fait 12 heures de vol pour ça⊠Le nouveau branding, plus jeune et plus dynamique, reprĂ©sente mieux le genre de programmation quâoffre le festival, et reprĂ©sente mieux la chanson française actuelle.« Notre mission, câest de montrer autant du hip-hop quĂ©bĂ©cois que de lâĂ©lectro suisse ou de la chanson belge. On est pas des puristes, la chanson, on aime ça quand câest Ă©clatĂ©. »
Des projets Ă©clatĂ©s, il y en avait plusieurs, mais il y en a trois qui ont volĂ© mon cĆur et que je souhaite voir (ou revoir dans certains cas) Ă MontrĂ©al dĂšs que possible. La rappeuse française OrĂ© et son Ă©nergie de feu, le groupe Pierres avec ses textes lĂ©gers, mais sentis et ses tounes que jâai encore en tĂȘte des jours plus tard, et finalement François Bijou, genre de Gab Paquet belge, avec sa pop Ă paillette. Plusieurs artistes quĂ©bĂ©cois, dont Antoine Corriveau et SarahmĂ©e, ont aussi partagĂ© la scĂšne avec des groupes locaux et les cartes dâaffaires des professionnels du milieu, agent, bookers, programmateurs, alouette, se sont passĂ©es de mains en mains. La table Ă©tait mise pour de vĂ©ritables Ă©changes musicaux au sein de la francophonie.
Parmi les professionnels invitĂ©s, on comptait FrĂ©dĂ©ric Lamoureux, programmateur du festival Coup de cĆur francophone Ă MontrĂ©al. Son festival arrange lui aussi de nombreux plateaux double ou des artistes europĂ©ens et quĂ©bĂ©cois complĂ©mentaires se cĂŽtoient le temps dâune soirĂ©e. Tout comme FrancoFaune, ils misent sur la diversitĂ© pour promouvoir la chanson francophone. « Je veux que tout le monde soit reprĂ©senté : connu, pas connu, homme, femme, la France, la Belgique, le Canada⊠Câest ça qui est cool, dâessayer de trouver cet Ă©quilibre-là  », mâexplique Fred, qui a aussi travaillĂ© au sein de lâĂ©quipe des Francofolies.
Pour lui, faire des Ă©changes avec des artistes du reste de la francophonie, comme de mettre une Fishbach et un Bernhari sur la mĂȘme soirĂ©e, ça permet de se « dĂ©nombriliser », de sortir de notre scĂšne Ă nous. « Quand tu sors un peu, tu rĂ©alises quâil y a pas juste le QuĂ©bec. (âŠ) Il y a plein de projets hallucinants [qui viennent dâailleurs] et quâon a pas dĂ©jĂ vu plein de fois ici avant. » En associant des groupes « pareils, mais pas trop pareils » comme disait Fred, pour une soirĂ©e en plateau double, les programmateurs font dĂ©couvrir un.e artiste Ă un public qui pourrait lâaimer et sâassure dâavoir un public pour un artiste de lâextĂ©rieur. Câest win-win, comme on dit en bon français !
*Michelle Paquet a reçu le soutien financier de lâorganisme LOJIQ pour se rendre au Festival FrancoFaune.