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Comment prévenir le harcèlement sexuel au travail en écoutant la voix de sa conscience
URBANIA et l’Ordre professionnel des sexologues du Québec (OPSQ) s’unissent pour décortiquer les discours internes qui contribuent au harcèlement sexuel en milieu de travail.
Le harcèlement à caractère sexuel, malheureusement ancré dans notre imaginaire collectif et dans nos milieux de travail depuis belle lurette, perdure encore.
La preuve : en 2020, une femme sur quatre et un homme sur six ont déclaré avoir été victimes de comportements sexualisés inappropriés dans leur milieu de travail au cours de l’année précédente.
Malgré l’implantation de différentes politiques pour l’éradiquer, le harcèlement sexuel au travail revêt différentes formes, lesquelles ne correspondent pas forcément au scénario cliché du patron lubrique.
Alors, comment peut-on aiguiser notre jugement pour reconnaître les manifestations du harcèlement sexuel, demeurer vigilant.e et, ultimement, contribuer à sa disparition?
Le harcèlement sexuel en milieu de travail, c’est quoi?
Avant d’aller plus loin, une précision s’impose : quand on parle de harcèlement sexuel en milieu de travail, on fait référence à quoi, exactement? Il s’agit d’un ensemble de comportements qui se manifestent par des paroles et/ou des gestes à connotation sexuelle, non désirés, répétés ou non, dans le cadre du travail.
Certains de ces gestes ont été banalisés dans bon nombre de milieux de travail, ce qui crée une tolérance collective face aux comportements inappropriés.
On peut bien sûr penser à des attouchements et à des commentaires explicites, mais aussi à des allusions sexuelles, à des confidences intimes non sollicitées, à des invitations déplacées, à des petits regards ou clins d’œil, à des envois de messages ou de photos inappropriées, etc. Malheureusement, certains de ces gestes ont été banalisés dans bon nombre de milieux de travail, ce qui crée une tolérance collective face aux comportements inappropriés.
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Que l’on soit témoin de ce type de comportements ou que l’on y participe soi-même plus ou moins consciemment, qu’est-ce qu’on peut faire pour renverser la vapeur? Et surtout, même si ce n’est pas évident, comment peut-on réfléchir à sa propre contribution à la tolérance face au harcèlement?
Quand l’environnement désensibilise
Dans un monde idéal, tous les milieux de travail seraient sains et exempts de comportements toxiques. Mais dans la vraie vie, ce n’est pas toujours comme ça que ça se passe.
Comme nous l’ont appris les multiples vagues de dénonciations au cours des dernières années, les personnes qui harcèlent sont souvent celles qui détiennent le pouvoir.
Une posture de domination dans un milieu malsain, qu’il soit perçu comme tel ou non, peut facilement accentuer les risques de harcèlement.
Quand on évolue dans un milieu où les personnes en position d’autorité se permettent de perpétuer des comportements problématiques, ces derniers risquent d’être banalisés au sein de l’entreprise et de l’équipe. D’ailleurs, une posture de domination dans un milieu malsain, qu’il soit perçu comme tel ou non, peut facilement accentuer les risques de harcèlement.
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On peut en venir à se dire « Si le boss harcèle, pourquoi pas moi? », ou « Ici, c’est comme ça que ça marche. C’est de même. », ou encore « Si c’est sans conséquence, pourquoi s’en priver? ».
Si vous en venez à vous faire ce genre de réflexions, plus ou moins consciemment, c’est sans doute le signe que quelque chose ne tourne pas rond dans votre milieu de travail et que vous contribuez même peut-être à une ambiance propice au harcèlement.
Quand les dynamiques relationnelles au boulot responsabilisent la victime
« Voyons, tu es donc bien susceptible! »
« C’est juste une blague. »
« Si tu ne veux pas te faire regarder, habille-toi pas comme ça! »
Ce sont des phrases qu’on entend encore trop souvent dans certains milieux de travail ou dans différentes situations de la vie quotidienne, et qui font état de la banalisation des comportements problématiques et de la responsabilité qu’on met sur les victimes.
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Prenons un exemple fictif. Depuis quelques semaines, une collègue, appelons-la Julie, semble être la cible de votre superviseur. Chaque matin, ce dernier commente l’habillement de Julie, complimente son apparence et s’arrange souvent pour être en sa présence. Jour après jour, Julie sourit poliment, rigole des commentaires du superviseur. Vous apprenez aussi par une collègue que le superviseur offre parfois des cadeaux à Julie et qu’il lui envoie régulièrement des messages personnels hors des heures de travail.
Quels sont vos réflexes? Est-ce vous vous dites que Julie n’a pas l’air d’être si mal à l’aise devant ce comportement, que « ça doit être correct pour elle »? Que si elle ne voulait pas attirer l’attention de votre boss, elle avait juste à s’habiller autrement? Que vous êtes content.e de ne pas être à sa place, et qu’il vaut mieux que ce soit elle que vous? Ou encore qu’elle devrait être en mesure de se défendre toute seule si ça la dérange?
Un soir, lors d’un cinq à sept où Julie était invitée mais n’est pas venue, vous entendez un collègue dire qu’elle doit coucher avec votre superviseur, puisqu’elle couche avec tout le monde. Qu’elle « l’a bien cherché ». Vous ne dites rien, la situation vous rend mal à l’aise.
Si vous vous faites mentalement ce genre de réflexions et que vous ne prenez pas la parole pour dénoncer ces rumeurs à saveur de slutshaming, vous êtes malgré vous en train de contribuer à la tolérance face au harcèlement ainsi qu’à sa banalisation.
Et maintenant, on fait quoi?
Reprenons l’exemple de Julie. Si vous êtes témoin d’un tel manège dans votre milieu de travail, le rôle que vous pouvez jouer est primordial.
Il y a de bonnes chances pour que derrière les rires de Julie se cache une stratégie pour désamorcer la situation.
Pour commencer, vous pouvez vous poser certaines questions. Pourquoi n’intervenez-vous pas quand vous êtes témoin des comportements inappropriés de votre patron? Pouvez-vous soutenir Julie, en allant lui demander comment elle se sent dans la situation? Est-ce qu’il existe des ressources et des politiques claires contre le harcèlement sexuel dans votre entreprise?
Maintenant, un peu plus délicat : imaginons que ce soit vous qui faites tous ces commentaires à Julie. C’est vous qui complimentez son apparence, qui lui offrez des cadeaux et lui envoyez des messages tard le soir.
Vous dites-vous « Elle rit, ça ne doit pas la déranger »? Et si elle ne rit pas, vous lui dites qu’elle est trop sensible, qu’elle n’a pas le sens de l’humour. Après tout, vos gestes ne sont que des tentatives de séduction, vous n’avez aucune mauvaise intention…
Eh bien, dites-vous qu’il y a de bonnes chances pour que derrière les rires de Julie se cache une stratégie pour désamorcer la situation et faire en sorte que l’interaction finisse le plus vite possible.
Julie répond à vos messages le soir et ne se plaint jamais de vos commentaires? Son comportement révèle probablement surtout la peur de subir des représailles ou même de perdre son emploi.
Vous avez des doutes sur la nature de vos interactions avec Julie? Posez-lui la question et, au besoin, excusez-vous et ne recommencez plus.
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Que vous soyez témoin ou auteur.trice de comportements inappropriés, si vous souhaitez assainir votre milieu de travail, rien de tout cela n’est simple ou facile, on en convient.
Cela dit, il est essentiel de s’interroger sur la position qu’on occupe dans l’écosystème complexe du harcèlement sexuel au travail et surtout sur ce que l’on peut faire pour réduire la tolérance face aux comportements problématiques dans notre entourage.
Parce que non, toutes les Julie de ce monde ne trouvent pas ça drôle… même si elles rient.
* Cet article a été produit grâce au soutien financier de la CNESST par son Programme visant la lutte contre le harcèlement psychologique ou sexuel dans les milieux de travail.
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Que vous soyez victime ou témoin de harcèlement sexuel au travail, des ressources s’offrent à vous.
Pour consulter une ou un sexologue : OPSQ
Pour signaler une situation : CNESST
Pour obtenir du soutien auprès de votre organisation : référez-vous au programme d’aide aux employé.e.s (PAE) de votre employeur