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Comment on vit la fête des Mères quand la nôtre est absente
Chaque année, la fête des Mères nous rappelle de souligner l’importance des matriarches dans nos vies. Prétexte comme un autre pour souffler un « je t’aime » à la fin d’une conversation, la fête des Mères est une tradition solidement ancrée qui, à moins que je me trompe, ne soulève pas de réelles controverses.
Après tout, qui se dresse contre les mères et l’amour?
Cela dit, la fête des Mères est aussi une célébration normalisée qui, pour certains, vient avec son lot d’éléments déclencheurs quand la relation maternelle est, pour une raison ou une autre, brisée ou amochée. Dans mon cas, ce sont ses problèmes de consommation et de dépendance qui ont miné notre relation.
Sans me prétendre le représentant des gens qui vivent un moment difficile lors de la fête des Mères, je dois avouer qu’une fois l’an, une boule d’angoisse se forme en moi à force de voir ces moments heureux partagés entre mères et enfants. C’est particulièrement exacerbé par les médias sociaux depuis quelques années, puisque Dieu sait que le bonheur est une denrée qui se partage avec abondance quand il est adéquatement mis en scène le temps d’une photo.
Alors, la fête des Mères, ça se vit comment quand on n’a pas le cœur à la fête?
Ça se vit essentiellement sans trop en parler. Pour moi, par exemple, c’est un métronome sans faille rythmant la honte que j’ai vécue plus jeune et que je vis encore. Parce que ne pas associer d’amour à sa relation maternelle, ce n’est pas quelque chose que l’on vit fièrement ou même sereinement. C’est le fruit de plusieurs années à cultiver la honte, la distance et les regrets. D’autres ont tiré des conclusions similaires sans suivre le même sentier.
Ne pas associer d’amour à sa relation maternelle, ce n’est pas quelque chose que l’on vit fièrement ou même sereinement.
Dans ces circonstances, il est difficile de ne pas voir la fête des Mères comme un constat d’échec. On rebrasse ses souvenirs, les décisions prises, les circonstances et on se demande vraiment si l’absence d’un rapport chaleureux avec sa mère n’est pas plutôt la démonstration d’une absence d’humanité irréversible.
Si je n’aime pas ma mère, qui vais-je aimer?
Heureusement, la vie a le don de façonner les choses autrement, même si c’est parfois sur le tard. Dans mon cas, la paternité m’a offert une dose d’amour que je ne croyais plus avoir et, par la bande, un exemple positif d’une relation entre une mère et son enfant. Ici, c’est la relation entre ma fille et sa mère. Même si notre couple n ’était pas fait pour durer, j’observe à distance cet amour grandissant entre une mère et son enfant. Je suis le témoin privilégié d’une relation qui, avec mon passé et ma propre relation trouble avec ma mère, m’était étrangère.
La paternité m’a offert une dose d’amour que je ne croyais plus avoir et, par la bande, un exemple positif d’une relation entre une mère et son enfant. Ici, c’est la relation entre ma fille et sa mère.
C’est difficile de prendre un recul quand la fête des Mères frappe à nos portes parce qu’essentiellement, même avec le temps et la honte, on le sait que nos mères nous ont aimés et nous aiment probablement encore. Mais il y a de ces amours qui laissent des blessures que la volonté, hélas, ne peut rétablir.
J’ai mon histoire et ma relation brisée avec ma mère avec qui je n’ai presque plus de contact. J’ai cette fête qui revient annuellement et que je dois éviter du mieux que je peux parce que les gens, même sans le vouloir, jugent cette absence de présence maternelle dans ma vie. Ce sera plus simple quand elle ne sera plus là, du moins, j’imagine, même si la honte du présent sera sans doute substituée par les regrets d’un passé troué de doutes et de ressentiments.
Il est trop tard pour moi et ma mère, j’ai laissé ce bateau quitter le quai il y a longtemps déjà. Mais il n’est pas trop tard pour regarder ma fille grandir auprès de la sienne et, au passage, lever mon chapeau aux mamans de mon entourage qui font du mieux qu’elles peuvent au quotidien.
C’est aussi ce qui aide à vivre sans trop baigner dans l’amertume. Les sourires des gens autour. Des enfants heureux d’offrir des cadeaux éphémères fabriqués à l’école ou à la garderie.
Célébrer les mères autour de nous, c’est aussi ça la fête des Mères et on le réalise mieux quand la nôtre n’est plus un élément positif de l’équation. C’est aussi ce qui aide à vivre sans trop baigner dans l’amertume. Les sourires des gens autour. Des enfants heureux d’offrir des cadeaux éphémères fabriqués à l’école ou à la garderie. Les complicités évidentes qu’on ne devrait jamais tenir pour acquises. L’amour que l’on dit inconditionnel, mais qui peut vite s’enfarger dans de nombreuses conditions.
Comment ça se vit la fête des Mères quand on ne dit pas « je t’aime » à sa mère? Ça se vit de mieux en mieux quand on se rappelle que la honte s’estompe si on ose l’exprimer clairement.
J’en parle parce qu’on m’a demandé un témoignage différent sachant ma relation avec une mère vivant avec des problèmes de consommations et de dépendances. J’en parle aussi parce que je me dis que quelque part, quelqu’un se rappellera en lisant ceci que des mères, il y en a partout et un exemple négatif ne mine pas le don de soi des autres.
Alors on se recentre, on dit bravo à défaut de dire je t’aime et on se dit que si le bonheur est peut-être ailleurs, il n’est toutefois pas très loin.