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Comment manger épicé tout en gardant sa dignité

Si y'a bien un domaine où les américains peuvent nous en apprendre, c'est le décapage de papilles gustatives.

Par
Benoît Lelièvre
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La semaine passée, je suis descendu au Tennessee en voiture avec ma blonde et un de nos très bons amis.

Ouais, je sais. On était primés pas mal.

On voulait visiter Nashville, pour faire nos exes névrosés et voir si on y traitait P.K Subban comme il faut*, et Memphis, parce que c’est le lieu de naissance du rock n’ roll et parce que, comme vous le savez déjà, c’est un sujet qui me passionne.

Mais dans mon fort intérieur, une autre raison m’amenait à vouloir visiter le Tennessee. L’objectif secret de ce voyage? Manger du poulet frit épicé de chez Hattie B’s, réputé comme étant l’un des repas les plus relevés au monde.

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Le piquant, c’est une autre de mes passions et je n’ai pas été déçu: Hattie B’s m’a permis d’escalader l’Everest de l’incendie buccal. L’expérience m’a cependant forcé à dépoussiérer les codes de conduite du mangeur de bouffe épicée afin de 1) survivre 2) ne pas verser des larmes de douleur en réclamant ma mère après 3 bouchées.

J’ai alors pensé vous récapituler cette pas pire épopée et vous expliquer comment j’ai fait pour ne pas complètement m’humilier. Ça pourrait vous servir un jour.

Première étape: la commande

Il y avait une file d’environ 15 minutes devant le Hattie B‘s de Nashville. Une longueur équivalente à celle de chez Schwartz’s sur St-Laurent, mettons.

Derrière nous, une gang de bros de Caroline du Sud étaient en train de s’animer, nous confirmant du même coup que goûter à ce mythique poulet frit est une incontournable étape du pèlerinage pour ceux et celles qui aiment avoir un brasier dans la yeule. Au Hattie B‘s, on trouve cinq niveaux d’épicé allant de southern (pas épicé du tout) à Shut the Cluck Up (ce que je venais chercher). Les Sud-Caroliniens (fruit d’un croisement entre Terminator et un quart-arrière collégien) discutaient à savoir s’ils allaient commander hot (niveau 3) ou damn hot (niveau 4). Je me suis alors mis à douter de ma décision. Avaient-ils les papilles fragiles ou étais-je sur le point de mettre ma vie en danger pour une aventure culinaire? **

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Rendu à la caisse, malgré les bros et les hésitations de ma copine, j’ai commandé des tendres au poulet à la Shut the Cluck Up.

  • « Es-tu sûr? » m’a demandé la caissière.

« Heu…oui? »

« La sauce est un mélange de ghost peppers, de piments habanero et de cayenne… es-tu SÛR? »

J’ai pris cette remarque comme une atteinte à mon orgueil.

« LADY, je viens du Canada pour goûter au Shut the Cluck Up. Je ne repartirai pas avant que vous m’ayez dégommé l’oesophage. »

« OK. »

Shit, même la caissière était pas sûre….

Deuxième étape: le repas

Les tendres sont arrivés sur une tranche de pain, d’une belle couleur brun atomique. Tous les vétérans de la bouffe épicée vous le diront: la couleur et la radiation de puissantes effluves sont une excellente façon d’évaluer le niveau d’épices dans votre plat et là, j’aurais pu faire fondre un bloc de fromage en l’approchant un petit peu.

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Si vous regardez bien mon plat, il était disposé stratégiquement pour que je profite du moment et que je minimise toute humiliation potentielle.

En haut: une bonne bière froide. En l’absence de boisson à base de lait, mieux vaut s’engourdir en se rafraichissant.

À gauche: un side de salade de chou crémeuse. Non seulement c’est frais, mais y’a des produits laitiers là-dedans.

À gauche-gauche: un side de salade de patates. Là-dedans aussi, y’a du lait.

Voyez-vous, le gars qui enfourne de la bouffe super épicée sans jamais broncher, c’est un mythe propagé par les hommes qui ont un petit pénis et qui ne vivent pas bien avec ça.

Manger épicé, c’est un processus. C’est mollo, ça prend du temps et oui, c’est fait pour maximiser le plaisir. C’est le fun et (surtout) délicieux quand on le fait bien.

Et comment on fait ça bien? En gros y’a trois règles, mais juste deux qu’on doit observer durant le repas.

1) Une bouchée de side crémeux par bouchée épicée.

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C’est là une règle cruciale. Règle à laquelle j’ai dérogé right off the bat en m’envoyant trois bouchées de tendres épicés parce que j’étais trop content d’être là. Les Shut the Cluck Up étaient tellement épicés que mon corps est immédiatement entré en état de choc. Je me suis mis à produire de gros hoquets mouillés, bien dégoutants, au grand désespoir de ma dulcinée.

Alors je suis retourné à la règle d’or. Le but des sides est non seulement d’atténuer un peu la brûlure, mais aussi de préparer la bouche à la deuxième bouchée. Quand on éteint et rallume le feu chaque fois, c’est comme si chaque bouchée était la première (ou presque).

2) Mollo avec la boisson.

À moins d’avoir du lait sous la main, votre boisson (alcoolisée ou pas) fait acte de soutien psychologique plus qu’autre chose. Si vous buvez trop, ça se mélangera dans votre estomac et ça vous donnera des brûlures d’une puissance olympique. L’eau et la bière (surtout la bière, en fait) vous déshydrateront également et vous allez passer un mauvais quart d’heure.

Sur ce coup-là, j’ai pas fait d’erreur.

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Rarement ai-je mangé chose plus épicée que le poulet frit d’Hattie B‘s, mais c’était quand même délicieux. On pouvait goûter le piment de cayenne au travers de la brûlure et le dosage parfait de ghost peppers était juste assez fort pour être douloureux tout en rehaussant le goût du poulet. C’était une belle expérience.

Vous pensez que j’me vante?

Regardez-moi la trace de sauce épicée sur ce pain. On dirait que le diable a bavé dans mon panier.

Troisième étape: la digestion

C’est là que je me suis auto-fourré.

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La digestion est l’étape la plus importante du repas épicé et j’espère que je n’ai pas besoin de vous expliquer pourquoi. La troisième et dernière règle, c’est qu’il faut prendre notre temps pour digérer. Si possible, ne rien faire d’autre dans la journée, question que la bouffe de Satan ne vous turlupine pas trop longtemps dans l’estomac. Au sud des États-Unis, le monde est chill. Pas parce qu’ils sont fins. Parce qu’ils digèrent, tout simplement.

Mais lorsqu’on voyage avec d’autre monde, on ne choisit pas nécessairement l’horaire et ma blonde voulait beaucoup qu’on passe chez Warby Parker deux rues plus loin, pour que j’essaie de nouvelles lunettes. C’est pas de sa faute, c’est de la mienne. J’aurais dû lui demander de faire la visite chez Hattie B‘s en dernier, mais j’étais trop énervé. Fait que chez Warby, j’avais l’air de ça:

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Donc si vous décidez de monter l’Everest de la bouffe piquante, rappelez-vous:

1) Choisissez vos sides pour tempérer l’effet des épices et utilisez-les! Une bouchée de side pour une bouchée épicée.

2) Mollo avec les liquides si vous n’avez pas de lait. Sinon vous allez vouloir mourir pendant plusieurs heures et flatuler pendant les jours qui suivent.

3) Si possible, prenez votre temps et ne couraillez pas trop après avoir mangé très épicé. Voir #2 pour les effets secondaires.

* Du moins c’était ma raison première d’aller là-bas, ma blonde est juste une grande fan de musique. Et la réponse c’est oui, en passant.

** Anectode: la première fois où j’ai essayé de la sauce aux ghost peppers, je l’ai mise dans un bloody caesar. La brûlure étant intense, mais divine, je m’en suis immédiatement refait un en ajoutant beaucoup trop de sauce. La brûlure était la même, mais lorsqu’il m’est tombé dans l’estomac, je me suis mis à voir en tunnel et à avoir peur de m’évanouir comme un cave sur le plancher de la cuisine pendant que ma blonde parlait à sa mère au téléphone dans le salon. Elle m’a trouvé à 4 pattes, fixant le prélard et suant à grosses gouttes. Je suis ultra-chanceux qu’elle n’aime pas les médias sociaux, sinon elle aurait immortalisé cette connerie.

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