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Comment j’ai réussi à avoir à ce point un synchronisme de merde dans la vie

pour faire de la fièvre au mariage de mon ami

Par
Charles Beauchesne
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Pour être honnête, assister à des noces est un concept qui ne m’a jamais véritablement séduit.

En gros, je vais être contraint de regarder deux personnes se dire qu’ils s’aiment en pleurant devant plein de monde, pour ensuite aller manger des bouchées qui ne se mangent paradoxalement jamais en une bouchée, me contraignant à aller finir de mastiquer un bon pourcentage de crab cakes caché derrière une plante, abuser de la fontaine de champagne parce que c’est du fucking champagne qui sort d’une fontaine, fumer un joint avec le band, essayer de séduire maladroitement une demoiselle d’honneur à grands coups de mensonges, et règle générale, finir la soirée à regarder mollement de la pornographie en tuxedo… Quand on l’a fait une fois, on les a toutes faites.

La vérité c’est que je me retrouve toujours dans les mariages où la situation sociale est échafaudée selon le bon vieux principe de: quelqu’un m’a invité, j’ai déjà vu un des époux quelque part, j’apprends leurs noms devant l’autel, je leur vole de la nourriture sans contribuer.

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Or, cette fois, ça allait être différent, c’était le mariage d’un ami! Non seulement ça, mais c’était aussi le premier mariage où j’avais participé à toutes les étapes réglementaires d’invitation à un mariage. J’avais reçu ma petite invitation en lettres cursives où l’on me voyait joyeusement convié à blablabla… bonheur éternel, invitation suite à laquelle deux mois plus tard le groom me passa un coup de téléphone passif-agressif pour me rappeler de rsvp et en profiter pour choisir le boeuf Wellington ou le tartare de saumon.

J’avais participé à la réglementaire humiliation de cet ami à son enterrement de vie de garçon, les yeux mi-clos par l’alcool alors qu’il faisait du squeegee saoul avec un diadème de princesse, un nuage de ballons en forme de coeur et un véritable banc de barracudas d’amis avec des chapeaux d’imbéciles avides d’avoir éventuellement quelque chose à raconter, malgré le fait que la seule résolution possible à ce genre de soirée soit de se remémorer la profonde tristesse ambiante d’un bar de danseuses pendant que le groom vomit du très vieux scotch dans un urinoir. J’avais eu cette conversation:

-Charles? Vas-tu amener un «plus un» finalement?

-HAHAHAHAHAHAHAHAHAHA!

-HAHAHAHAHAHAHAHAHAHA!

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-Mais plus sérieusement, je crois que ça va être le retour de “Charles Beauchesne ce renard dans la basse-cour des demoiselles d’honneur” si tu vois ce que je veux dire…

-Ouais, justement pour éviter ça, il n’y aura pas de demoiselles d’honneur.

-Euh… Ok… C’est pas grave, je suis certain qu’il y aura néanmoins plein d’opportunités de m’essayer sur toutes ces jeunes célibataires fébriles face à toutes les démonstrations d’amour dont elles ont été témoins pendant la journée, prêtes à s’acoquiner avec le premier plouc venu, cue Charles Beauchesne, n’est-ce pas? Hein?

-En fait… Plus j’y pense plus il me semble que tout le monde est pas mal matché.

-Voyons c’est quoi ce mariage qui ne m’offre aucune des choses promises par Vince Vaughn et Owen Wilson?

-Un mariage…

-Câlice…

Bref, j’étais nuptialement paré à tout!

Tout sauf me réveiller le jour J avec un profond mal de tête, l’impression de constamment avaler de la lave et une voix de “je mange des Export A vertes passées au mélangeur avec du whisky”. Pour les quelques néophytes à ne pas être familiers avec ces symptômes, ça les amis c’est un charter sans billet de retour vers une bonne vieille grippe d’homme où dans six heures je me mets à vivre des délires fiévreux en marmonnant des passages de la Bible.

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Naïvement, je tentai de me convaincre que j’avais encore la possibilité de me soigner dans les quatre heures me séparant de la cérémonie en me clenchant de l’échinacée et du jus d’orange comme si c’était de la cocaïne dans les années 70. C’était encore possible, suffisait de boire beaucoup d’eau! Quelle surprise, trois heures plus tard, je me retrouvai en tuxedo, au volant de ma voiture, plus malade que jamais dans ma vie; éternuements, bouffées de chaleur de femme en ménopause, suivies de grelottements et quintes de toux de calibre Pierre Lebeau-esques. J’étais malade, malade de chez “les gens ont peur” malade.

Au moins, c’est pas comme si j’allais à un endroit où il y avait beaucoup de gens et de nourriture à contaminer à grands coups de peste bubonique… Ah oui c’est vrai… Mais en même temps, je ne peux quand même pas manquer le mariage d’un chum pour une petite maladie, me dis-je en trouvant que le ciel faisait un nombre anormalement élevé de motifs de spirale aujourd’hui. Je décidai donc de couper la poire en deux et de tenter d’être rassurant auprès des autres invités en m’arrêtant à la pharmacie pour me procurer quelques-uns de ces masques de chirurgien que portaient 100% des Asiatiques à l’époque de la grippe aviaire. Vous savez, ces masques qui n’évoquent aucunement le danger de contagion.

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Le premier humain que je croisai sur place s’avéra être le DJ, une connaissance.

-Charles? Est-ce que c’est toi?

-Moui? Est-ce que tu dis ça à cause de mon masque de SRAS?

-Ben… C’est théâtral, disons…

-Trop?

-Charles c’est l’affaire la plus terrifiante que tu pourrais porter ici dans les circonstances présentes.

-Tant que ça?

-Charles, un masque de chirurgien et un tuxedo, ça c’est le concept d’un boss à Resident Evil….

“Meh, fuck it! Peut-être que personne ne va se rendre compte que je suis malade”, dis-je en plaçant mon masque sur la bouille joufflue d’une statue de chérubin qui pisse.

L’étreinte glaciale de la mort commença à se faire sentir à son plus rock and roll mi-chemin à travers la cérémonie exactement au moment où la matante qui faisait office de célébrant se lançait dans une métaphore particulièrement confuse de vie de couple avec un bateau et “l’île des émotions”.

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Je n’ai pas tout à fait porté attention, je vous rappelle que mon énergie était pour la plupart concentrée sur ne pas upstager la mariée en perdant connaissance dans mon vomi. La bonne nouvelle, c’est que mes constants reniflements me donnaient un air particulièrement émotif au moment clef où les époux se disaient qu’ils s’aimeront jusqu’à ce que la mort les sépare… Chose qui risquait d’arriver plus tôt que prévue, puisque j’avais éternué vraiment très près de la table des hors-d’oeuvre.

Quinze minutes plus tard, je grelottais, coupe de champagne à la main, en chérissant ces instants comme si c’était mes derniers. Festivement à l’article de la mort, la fièvre ramena subitement à la surface les conseils d’un proverbial dude au cégep concernant ce genre de situations: “Charles, le truc quand t’es malade, c’est de consommer plein d’alcool pour tuer la maladie!” Ça me semblait logique. À moins que ce qu’il m’ait dit en réalité ce jour-là fût en fait : “Charles, le truc quand t’es malade, c’est de ne pas consommer plein d’alcool, avec la maladie ça va te tuer!” Hmmmm… Le mystère s’épaissit. Nah, je suis certain que c’était celui où il faut consommer plein d’alcool. S’en suivit une très mauvaise initiative….

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Je me retrouvai donc assis à une table, cravate lousse, tête entre les mains, fiévreux et saoul. Saoul, pas “légèrement réchauffé, la maladie fait toute la job”, “saoul mariage” et en bonus, ma transpiration était excessivement froide alors que toute la musique sonnait comme 500 cornemuses qui se dégonflaient. Je reçois un texto de ma meilleure amie:

-Pis comment ça va les noces?

-J’tèmeaz telL7ment!

-Charles? Est-ce que t’es saoul?

-FUKZ YEZ8!

-T’étais pas malade ce matin?

-Ou#y,, mèts je pans& que les deu sont entraaain% de SAnuleR!

Je quittai la réception quelques instants pour prendre l’air en titubant… Et par le fait même tomber sur ce type, CE TYPE qui amène du pot à un mariage. Come on!

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Sérieusement? C’est clair que je n’ai plus la volonté de dire non à quoi que ce soit. Pourquoi je ne tombe jamais sur le gars qui amène des tisanes à un mariage? Le combo ivre, stoned, fiévreux se montra particulièrement laborieux à gérer. Les gens n’étaient désormais plus que des silhouettes confuses qui s’exprimaient par bruits de trompette comme les adultes dans Charlie Brown. Étrangement, je finis par croiser le marié affairé à converser dans le stationnement avec un groupe de monstres flous.

-Charles? Est-ce que tu rentres?

-J’vaisss…. Aller dormir dansss… Mah voiture!

-Tu sais qu’on a un système de navette right?

-MAVOITURE! Tu te prends pour qui depuis que tu fais 700 pieds de haut!

-Alright… Alright…

-Ma voiture…

Pataudement j’ouvris la portière, descendis la vitre, rabaissai le siège en position horizontale, veston en guise de couverture, et m’évanouit dans les ténèbres.

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Quand j’ouvris les yeux, j’étais nu dans mon lit, baignant dans une trace de transpiration en forme de Charles Beauchesne. Est-ce que j’ai conduit??? Seigneur, ça serait vraiment la chose la plus irresponsable que j’ai jamais faite! Où sont mes vêtements??? Est-ce que tout ceci n’était qu’un rêve et finalement le mariage est aujourd’hui? Qu’est-ce que… Quoi? La réponse à toute cette enquête se présenta à moi sous la forme d’une note sur ma table de chevet.

“Tsé, le service de navette c’était pas des jokes…”

Signé: trace de rouge à lèvres.

Je n’ai jamais retrouvé mes vêtements. Jamais.