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Comment être un bon gestionnaire pour ses employés TDAH

4 conseils pour adapter son milieu de travail.

Par
Pier-Luc Ouellet
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Vous êtes gestionnaire, chef d’équipe ou peut-être même PDG d’une multinationale valant des milliards de dollars (auquel cas, allô, voulez-vous me commanditer?), et vous avez envie d’être un meilleur patron pour vos employés vivant avec un TDAH, ou trouble du déficit d’attention avec hyperactivité?

L’affaire, c’est que vous ne savez pas trop comment vous y prendre; les ressources disent une tonne de choses et leur contraire, et de toute façon, tout le monde s’autodiagnostique un TDAH à la minute où ils se surprennent à scroller TikTok en regardant la télé. Avec tout ça, c’est ben difficile d’avoir une opinion sérieuse sur le sujet.

On a donc une bonne nouvelle pour vous : on a parlé avec Nina Thomas, doctorante en administration et politiques de l’éducation à l’Université Laval et qui se spécialise en développement du leadership neuroinclusif.

Bref, c’est une experte sur le sujet, et on lui a posé toutes les questions qui pourraient vous traverser l’esprit.

Conseil #1: Comprendre le TDAH

En bonne scientifique, Mme Thomas commence en définissant les termes :

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« Il faut d’abord comprendre c’est quoi, la neurodivergence (NDLR : dont fait partie le TDAH) […], comment notre cerveau va traiter l’information de notre environnement : sensorielle, affective, sociale, cognitive. Une personne qui a une neurodivergence, dans ce cas-ci le TDAH, va avoir des enjeux au niveau du traitement de cette information qui va faire en sorte que l’environnement qu’on va leur offrir ne sera pas adéquat. Il va peut-être y avoir des enjeux de compréhension ou d’ajustement qui feront que ça va être difficile pour ces personnes de performer dans un environnement standardisé. »

Et quelle forme prend le TDAH en milieu de travail? « Tous les cerveaux sont différents et la neurodivergence du TDAH ne se manifestera pas de la même façon pour tout le monde. Mais dans tous les cas, il y a un enjeu au niveau de la mémoire de travail. »

Là-dessus, madame Thomas émet son premier conseil pour les gestionnaires qui veulent s’assurer que leur milieu de travail convient à leurs employés vivant avec un TDAH : « Mon premier conseil serait de dire qu’il faut aller au-delà de cette idée voulant qu’il y a un profil type [du TDAH]. Ce sont des personnes qui ont passé toute leur vie à se faire dire que leurs traits sont stigmatisés. Ils éprouvent souvent un sentiment d’imposteur, d’infériorité ou d’incapacité. »

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CONSEIL #2 : Parler de besoins, pas de capacités

Selon Nina Thomas, la stigmatisation des personnes neurodivergentes est un problème constant en milieu de travail. On ne les stigmatise pas parce qu’on est méchants; c’est notre cerveau qui nous pousse à discriminer : « D’emblée, les personnes neurodivergentes ont des traits qui sont stigmatisés. Systématiquement, les humains placent les gens sur un axe de compétence et d’amabilité et une telle classification suscite des réponses et des émotions positives ou négatives de notre part.

Tous les cerveaux fonctionnent comme ça, qu’on le veuille ou non. Le hic, c’est que les personnes neurodivergentes sont systématiquement classées de façon inconsciente comme étant des personnes à faible compétence, et pas nécessairement aimables non plus, tout dépendant de leur type de neurodivergence. »

Et comme il s’agit d’un réflexe, c’est difficile de penser autrement : « On ne peut pas changer comment notre cerveau fonctionne. Mais on peut en prendre conscience. »

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Cette stigmatisation du TDAH (et des neurodivergences en général) a comme effet pervers de pousser les personnes neurodivergentes à tenter de se cacher au lieu de faire part de leurs besoins, comme l’explique souvent la chercheuse aux gestionnaires qu’elle rencontre. « En tant que gestionnaires, vous allez travailler avec une population qui a l’habitude qu’une partie de leur identité soit perçue de façon négative. Ce sont des gens qui, à ce moment-là, seront […] moins portés à demander de l’aide, parce que ça renforce cette idée qu’ils auraient moins de compétences, alors que ça n’est pas le cas. […] Au lieu de parler de capacités, il faudrait plutôt parler de besoins et se demander comment l’environnement répondra aux besoins de ces personnes-là, parce que ce qui va fonctionner pour une ne va pas nécessairement fonctionner pour une autre. »

Conseil #3 : Encourager le coaching inversé

La question est loin d’être simple, mais voici tout de même quelques pistes qui pourraient vous être utiles.

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Chaque personne avec un TDAH est unique, et la communication entre le.la gestionnaire et l’employé.e est d’une importance capitale : « La perception des compétences, la confiance et [le fait d’avoir] un bon lien feront que c’est plus facile de nommer ses besoins. Ça sera aussi plus facile de faire ce qu’on appelle un coaching “inversé ” où autant le.la gestionnaire accompagne la personne employée que la personne employée émet une rétroaction en fonction de sa façon de fonctionner. »

Mme Thomas spécifie que ces trucs ne s’adressent pas qu’aux gestionnaires, mais bien à toute personne ayant de l’influence dans un milieu de travail, allant du représentant syndical à la personne super populaire au bureau qui n’a pas peur de faire entendre son opinion autour de la machine à café.

Conseil #4 : Développez votre leadership neuroinclusif

Dans une trousse d’employabilité neuroinclusive à laquelle a d’ailleurs contribué Mme Thomas (on vous invite à la lire pour approfondir vos recherches), on propose 5 compétences en leadership neuroinclusif à développer :

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1. Développer une communication neuroinclusive. (Par exemple, en utilisant toujours deux moyens différents pour communiquer les informations importantes.)
2. Créer une culture organisationnelle (structure et administration) inclusive. (Par exemple, en ayant recours à des méthodes non traditionnelles en entrevue, comme fournir les questions d’avance au.à la candidat.e.)
3. Encourager un environnement social inclusif. (Ici, vous pouvez offrir à vos employés neurodivergents de créer des espaces ou des événements sociaux qui leur sont réservés.)
4. Mettre en place un environnement de travail neuroinclusif. (Vous pouvez par exemple sonder vos employé.e.s sur les distractions physiques, cognitives et sociales dans leur environnement de travail.)
5. Cultiver votre leadership neuroinclusif. (Par exemple, consultez vos employé.e.s sur les moyens d’intervention à préconiser lors de situations d’inégalités et d’injustice.)

Voici donc quelques exemples, mais on ne s’étendra pas trop en détail parce qu’on préfère vous encourager à aller consulter le document.

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Pourquoi faire tous ces efforts?

En envisageant cette problématique dans toute sa complexité, il est certain qu’on aurait envie de se dire qu’au lieu de se compliquer la vie, ça serait peut-être plus simple d’engager des personnes neurotypiques. Pas très inclusif, mais plus simple.

Mais Nina Thomas a un petit secret pour vous : vous avez déjà des employés neurodivergents.

« 15 % à 20 % de la population a une neurodivergence. »

« C’est pas une question d’embaucher, c’est une question de rendre l’environnement adéquat pour les personnes qui sont déjà là. C’est un faux débat. »

Il y a également beaucoup d’avantages à mieux aménager un milieu de travail pour les personnes avec un TDAH (ou toute autre neurodivergence) : « En mettant en place un environnement de travail et des horaires flexibles, des mentors, du coaching, tout ça, on encourage la personne à rester, et en bout de piste, c’est la relation entre la personne gestionnaire et la personne employée qui sera plus solide. »

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Si vous voulez avoir des employés plus heureux, plus productifs et qui resteront avec votre entreprise plus longtemps, ces efforts deviennent essentiels : « Quand on regarde les arrêts de travail, le taux d’épuisement, le taux de roulement, les raisons pour lesquelles les gens quittent une entreprise ou pour lesquelles les gens vont choisir une entreprise plutôt qu’une autre, ça a très souvent un lien avec ça. »

Vous voulez des employés heureux qui ne sont pas toujours partis en burn-out? Peut-être faut-il adapter votre environnement de travail!

PS Si vous voulez poursuivre votre réflexion, Nina Thomas nous a gentiment partagé ces ressources au sujet des gestionnaires et de la neurodivergence. Bonne lecture!