.jpg)
Comment ça se passe dans un des centres d’injection supervisée à Montréal?
J’ai déjà dû appeler une ambulance pour une fille qui overdosait dans la ruelle derrière le Métropolis, au centre-ville. C’était en 2008, pendant le Festival Juste Pour Rire, pour lequel je travaillais. Presque 10 ans plus tard, en visitant le nouveau site fixe de Cactus, un organisme communautaire de prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) qui œuvre dans le centre-ville, j’ai repensé à cette triste anecdote.
En effet, le nouveau site fixe est situé à quelques mètres de là, sur une petite rue perpendiculaire à la rue Sainte-Catherine, près de Saint-Laurent. Juste à côté de ces artères parsemées de bars de toutes sortes, des intervenantes et intervenants aident les utilisatrices et utilisateurs de drogues injectables en leur fournissant un tout nouveau service en sol montréalais: un centre d’injection supervisée.
S’inscrivant dans une approche de réduction des méfaits, les services d’injection supervisée sont au cœur des discussions entourant la consommation de drogues depuis longtemps. Le Canada, avec l’ouverture d’InSite à Vancouver en 2003, constitue le premier pays d’Amérique du Nord à avoir fourni de tels services. Montréal devient donc la deuxième ville en liste, avec l’ouverture de trois sites fixes (Cactus au centre-ville, Dopamine dans Hochelaga, et éventuellement Spectre de rue dans Centre-Sud) et d’un site mobile, L’Anonyme.
J’ai vu les effets de la consommation de toutes sortes de drogues.
Suivant l’ouverture du nouveau site fixe de Cactus sur la rue Berger lundi dernier (le 19 juin), j’ai rencontré la directrice de Cactus, Sandhia Vadlamudy. La prévention des ITSS et la promotion d’une consommation de drogues plus sécuritaire sont des sujets qui me tiennent à cœur: c’est pourquoi je me fâche quand de fausses informations circulent ou quand des médias irresponsables publient des articles carrément dangereux.
Frue-frue, la fille? Eh bien, c’est que j’ai vu les effets de la consommation de toutes sortes de drogues, de proche ou de loin, à différents niveaux, sur différentes personnes. Bien sûr, je ne suis pas infirmière, ni travailleuse sociale, mais j’ai envie de m’impliquer pour que les utilisatrices et utilisateurs de drogues soient considérés comme, genre, des êtres humains.
Rencontrer des intervenant.e.s et consommer de façon sécuritaire.
Alors, voici ce qu’un centre d’injection supervisée n’est pas: une piquerie, un squat, de la propagande pro-drogue, un free for all, un lieu de rencontre illégal pour s’acheter de la dope.
Un centre d’injection supervisée, c’est un site légal où les utilisatrices et utilisateurs de drogues injectables peuvent rencontrer des intervenant.e.s et consommer de façon sécuritaire. En gros.
En détail, voici un peu comment ça se passe au site fixe de Cactus. Dès qu’on entre, on est accueilli.e par un.e intervenant.e qui nous met à l’aise et qui nous dirige vers les services disponibles. On peut se procurer du matériel d’injection: tampons alcoolisés, capsules d’eau stérile, garrots, seringues. Si on veut utiliser la salle d’injection, une inscription nominale (nom complet, initiales ou surnom) est obligatoire lors de la première visite.
Deux infirmières sont sur place pour donner des conseils et veiller sur les clients.
On demande aussi à la personne ce qu’elle s’apprête à consommer, ou plutôt, ce qu’elle croit consommer, puisqu’avec les drogues de rue, c’est toujours un peu une roulette russe. Si une place est libre, on peut entrer dans la salle d’injection et obtenir son matériel d’injection (mais ce n’est évidemment pas l’organisme qui fournit la drogue – c’est l’utilisatrice ou l’utilisateur!) C’est aussi l’utilisatrice ou l’utilisateur qui s’injecte elle/lui-même, disposant d’une vingtaine de minutes dans le cubicule. Deux infirmières sont sur place pour donner des conseils et veiller sur les clients.
On passe ensuite à la salle de repos, où il est conseillé de rester quelque minutes, puisque c’est dans cette fenêtre de temps que les surdoses se produisent habituellement. Des pairs aidants sont sur place pour discuter et conseiller les utilisatrices et utilisateurs. Quand on quitte le site, on est encouragé.e à prendre du matériel d’injection sécuritaire pour une éventuelle dose prise dans la rue ou ailleurs.
La dépendance, ce n’est pas nécessairement un.e junkie magané.e, échoué.e dans une ruelle sale.
Alors, en quoi il importe que monsieurs et madames tout le monde soient mis au courant de l’implantation de tels services? Parce que la consommation de drogues, ça touche tout le monde. Un site d’injection sécuritaire, ça veut dire moins de matériel d’injection à la traîne dans les rues, les cours d’écoles, les établissements publics. C’est aussi une expérience humanisante pour les utilisatrices et utilisateurs qui ont peut-être perdu confiance en un système de santé qui les relègue souvent au rang de moins que rien.
Environ 35% des personnes utilisant les services d’injection supervisée (SIS) vont par la suite aller chercher de l’aide supplémentaire, que ce soit pour des dépistages des ITSS ou tout autre service relié au traitement de la dépendance.
Faites attention à vous et à vos proches.
Oh et en passant, la dépendance, ce n’est pas nécessairement un.e junkie magané.e, échoué.e dans une ruelle sale. C’est quétaine à dire, mais c’est vrai: la dépendance a plusieurs visages.
On a tous nos combats, j’imagine. Mea culpa: je n’écoute pas le téléthon Enfant-Soleil, mais j’ai à cœur les problématiques liées à la dépendance aux drogues. Cette fille qui a fait une overdose dans la ruelle en 2008, c’est aussi mon ami d’enfance accro aux opiacés de prescription, c’est aussi ton oncle alcoolique, c’est aussi tous mes ami.e.s qui consomment de la coke sans trop savoir ce qu’il y a vraiment dedans, c’est aussi la petite sœur de ta cousine qui s’est ramassé à l’hôpital après un bad trip de E.
Faites attention à vous et à vos proches, là là.
Pour plus d’informations sur les services d’injection supervisée SIS, c ’est par ICI!
Le site fixe de Cactus est situé au 1244 rue Berger. Il est ouvert dimanche au jeudi de 14h à 4, ainsi que que du vendredi au samedi de 14h à 6h. La salle d’injection ouvre à 16h tous les jours.
Pour lire un autre texte de Marie Darsigny: «La crise des opioïdes n’est pas une blague».