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Hier soir, c’était le Gala des Prix Gémeaux. Des dizaines d’artisans de la télé ont été récompensés, dont l’équipe d’Urbania, qui produit l’émission web « Deux steamés ». Outre celui des acteurs et des réalisateurs, le travail de plusieurs auteurs a été souligné. C’est vrai qu’on a des maudites bonnes séries au Québec, bien écrites et bien ficelées.
La question du jour : ne pourrions-nous pas engager un des scénaristes primés hier pour qu’il réécrive le scénario de ce qui se passe présentement dans les domaines de la politique et de la construction ? Parce que la trame actuelle laisse drôlement à désirer.
La saga du rapport Duchesneau, mettant en vedette Jean Charest, la mafia et les big shot de la construction, est d’une prévisibilité absolument décevante. Nous savons tous comment ça va se terminer : le premier ministre va faire à sa tête jusqu’au bout, n’écoutera ni la population ni les députés de l’opposition et s’abstiendra de mettre sur pied une commission d’enquête. Évidemment, il va encore moins démissionner ou déclencher des élections, comme l’exigent le PQ et Québec Solidaire.
L’idée à la base de cette histoire est elle-même plutôt fade : de la collusion et de la corruption, franchement, c’est du déjà-vu. Charest lui-même l’a dit : « La réalité est que, dans le domaine de la construction, c’est un phénomène qui existe partout dans le monde. » On aurait pu se forcer côté originalité. Pourquoi se contenter de copier ce qui se fait partout ailleurs ? Pourquoi ne pas plutôt essayer de se démarquer du lot et de faire les choses différemment ? Ça manque de guts cette affaire-là, ça ne renouvelle pas le genre, bref, ça donne juste envie de se faire rembourser son ticket (ou toutes les taxes et les impôts qu’on a payés au cours des dernières années, c’est selon).
Non seulement le scénario manque-t-il d’inventivité, mais qui plus est, il est truffé de dialogues insipides et sans profondeur. Exemple :
– Monsieur Charest, avez-vous au moins lu le rapport ?
– J’en ai lu les grandes lignes. Je ne l’ai pas parcouru au complet, parce que de toute façon, ce rapport n’est pas destiné au bureau du premier ministre. Nous ne devons pas nous immiscer dans l’enquête qui est en cours, cela pourrait lui nuire.
– Mais qu’entendez-vous faire pour régler le problème, à la lumière des allégations qui ont aujourd’hui été faites ?
– Cela renforce notre détermination à aller au fond des choses. Ça nous indique également que nous prenons les bons moyens pour y arriver.
– Autre question pertinente.
– Autre réponse pleine de bullshit.
– Autre question plus que légitime.
– Bullshit encore et toujours.
– Etcetera, etcetera.
Sérieusement, « aller au fond des choses » sans avoir lu le rapport, vous comptez faire ça comment, m’sieur Charest ? Vous jouez votre rôle sans conviction, sans nuances. Où sont les émotions, le senti ? Votre interprétation du premier ministre dépassé par les événements et prêt à tout pour rétablir l’ordre dans son gouvernement et, surtout, dans la société dont il est censé être le leader laisse sincèrement à désirer. On n’y croit pas.
Les tentatives maladroites pour intégrer un peu de suspense dans le synopsis de La saga du rapport Duchesneau sentent, quant à elles, le réchauffé aux micro-ondes. Qui a eu cette idée de placer des micros sous la table pour espionner l’unité anti-corruption ? Qu’on m’efface cette scène au montage, c’est d’un ridicule enfantin !
S’il vous plaît, messieurs et mesdames scénaristes, faites quelque chose. N’y en a-t-il pas un parmi vous qui serait intéressé à revamper ce mauvais film de série B qui joue en ce moment sur tous les écrans du Québec ? Si vous voulez, je suis prête à mettre la main à la pâte moi aussi, j’ai déjà quelques idées qui pourraient potentiellement rendre l’histoire plus croustillante. J’avais entre autres pensé qu’on pourrait faire intervenir Stephen Harper, il me semble que ça pourrait être drôle. Notre chef d’état qui s’apprête à faire passer une loi omnibus visant à durcir la loi criminelle canadienne, « afin de rendre nos rues et nos communautés plus sûres », pourrait amender son projet et ajouter des mesures s’attaquant aux criminels à cravates qui dirigent la Belle Province. Du jamais vu, enfin.
Et pour mettre encore plus de piquant, je m’étais dit qu’on pourrait faire tomber un bout de satellite sur l’Assemblée nationale à Québec, au beau milieu du film. Ça, c’est de l’inattendu, des rebondissements comme on les aime, non ?! Sinon, autre effet de surprise, on pourrait tout simplement organiser une manifestation monstre où le peuple envahirait les rues et crierait sa colère à la face de m’sieur Charest. On pourrait faire une couple de super beaux plans en plongée au-dessus de la foule, ça ferait swell.