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Combien tu cours?

Par
Eugénie Emond
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Je ne suis pas allée au marathon de Montréal la semaine dernière. La dernière fois, je m’étais retrouvée malgré moi dans le peloton de tête, volant sur le pont Jacques-Cartier.

Mes hanches n’avaient pas tenu le coup et plusieurs gazelles exaspérées avaient dû me contourner. Je me suis tapée un 42 kilomètres organisé une seule fois, à Baltimore il y a deux ans. Petite sœur était venue avec moi et on avait photocopié mon dossard pour ne pas qu’elle ait à débourser les 100$ que coûte l’inscription qui donne droit à un chandail en spandex, une puce électronique pour chronométrer la course, une médaille, des encouragements de bénévoles aux aspirations douteuses (si c’était si facile, on le ferait aussi!!!), une bière à l’arrivée, mais surtout, le privilège de courir en compagnie de milliers de WASP sans saveur ( le outfit tue dans l’œuf toute pointe d’excentrisme) venus d’un peu partout à travers le pays.

Baltimore est la plus grosse ville du Maryland, une ville où près de 70% de la population est afro-américaine et où la grande majorité ne court pas. Et contrairement aux Jeux Olympiques d’Athènes, on n’a pas pris soin de reléguer les indigents aux catacombes pour faire bonne figure; Baltimore les laisse nous narguer tout au long du parcours. Bien. J’ai songé durant 10 kilomètres joindre leurs rangs et être ainsi délestée de l’image du fringant coureur qui, prétextant l’exploit, jette à la rue des milliers de bouteilles d’eau à peine entamées, des sacs de croustilles et autres glucides emballés.

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Mais courir 42 kilomètres n’est pas un exploit, des millions de gens le font maintenant chaque année. C’est même un peu ennuyant. Ça demande de la patience, de la persévérance et un soupçon d’autisme. L’épreuve est heureusement en voie d’être désacralisée si ce n’est pas déjà fait, mais je me demande tout de même si le sport traversera la mode et si la fioriture n’aura pas un jour raison de lui.

Le marathon de Baltimore en est un comme bien d’autres, comme le deviendra aussi sans doute celui de Montréal sur lequel un groupe américain a déjà étendu les tentacules. Un marathon sans saveur où la course n’a plus vraiment sa place. Mais Baltimore était surtout pour moi un marathon d’orgueil, une chose à cocher sur la liste et qui m’a permis de rester en silence les yeux hors focus et le dos un peu voûté quand on se met à parler course.

Ça fait aussi taire l’interlocuteur qui me demande durant combien de temps je cours, combien de kilomètres, quel soulier je porte, quel gel j’ingère. Je sais pas, l’ami. La course est une dépendance. C’est une affaire personnelle et il faut manquer de pudeur pour en parler de vive voix. Le dépassement de soi ne regarde personne d’autre que soi. Ça permet, entre autre bénéfice, d’être plus performant au travail et fait ainsi de PKP un être redoutable (à lire si vous arrivez à retrouver: Un bulldozer nommé Péladeau, paru l’année dernière dans l’Actualité et où on décrit, entre autre, l’arrivée de l’homme au travail en cuissard). À l’inverse, Jean Charest, que je soupçonne de faire de la couperose, ne connait pas ce principe. Et puis pour encourager les autres à emboîter le pas, rien de mieux que d’avaler les kilomètres sans dire un mot.

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Ce qui me dérange, c’est la façon dont on promeut le sport et faisons courir le bruit (je sais, oui). Si la quantité de participants augmente chaque année au Marathon de Montréal, le nombre d’obèses aussi est en pleine croissance et j’y soupçonne effrontément une corrélation. Remarquez, être obèse, je crois que je me commanderais un sceau de poulet frit que j’irais manger à grand bruit et avec un air de défi à la ligne de départ du marathon de Baltimore le 15 octobre prochain.

Et pour les débutants, je vous recommande ce gadget : la montre Garmin, idéale pour calculer vos trajets.