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Combien ça gagne, une psychoéducatrice?

Morsures et coups de poing = un petit mardi au bureau!

Par
Maude Gauthier
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Est-ce qu’on envie les travailleurs du système scolaire? Vous savez, un bon fonds de pension, des assurances, trois mois de congé par année… tout ça semble idyllique!

Quatre95 vous a déjà parlé des enseignants. Mais qu’en est-il des autres postes à l’intérieur d’une école?

Ma sœur travaille comme agente de réadaptation dans une école primaire (ça veut dire psychoéducatrice qui n’a pas sa maîtrise). Elle s’occupe de classes adaptées (encadrement psychosocial). Son quotidien: les élèves avec des difficultés de comportement, des troubles d’adaptation ou d’autres troubles (comme le fameux TDAH, le trouble d’anxiété généralisée, le syndrome Gilles de la Tourette, etc.).

J’en ai profité pour lui tirer les vers du nez.

Ça fait quoi, un agent de réadaptation?

Attention, la liste de tâches est plutôt longue!

Objectif: identifier des facteurs de risque et de protection.

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Dans son école, elle observe les difficultés d’adaptation et les capacités adaptatives des élèves. Elle les évalue dans plusieurs sphères: cognitive, environnementale, familiale, émotionnelle, relationnelle. Objectif: identifier des facteurs de risque et de protection.

Laurie (c’est son nom) crée des protocoles d’intervention personnalisés et participe à l’élaboration des plans d’intervention. Elle effectue des suivis individuels auprès de ces enfants. Elle anime des ateliers de prévention, à des petits ou à des grands groupes. Le protocole consiste à identifier la courbe de crise d’un enfant, dans le but de voir les signes précurseurs et d’intervenir avant qu’il ne se désorganise.

Elle fait le pont avec des intervenants externes, comme le pédopsychiatre, la DPJ, les services du CISSS, etc.

Son rôle consiste aussi à conseiller les enseignants et les techniciens en éducation spécialisée (TES). Elle intervient ponctuellement pour gérer des crises, en soutien aux profs et aux TES en détresse. En équipe, ils élaborent et mettent en place des moyens et des outils pour aider les élèves.

Est-ce qu’on fait ça pour l’argent?

En tant que société, on se dit qu’on valorise les enfants. Mais force est de constater qu’on l’échappe sur une base assez régulière!

Est-ce qu’on soutient adéquatement les travailleurs du milieu? Pas toujours.

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En quelques mots: sous-investissements chroniques dans les services sociaux comme la DPJ, avec les histoires d’horreur qui font les manchettes, tout comme dans les écoles, dont on a parfois l’impression que le plafond va nous tomber sur la tête. Est-ce qu’on soutient adéquatement les travailleurs du milieu? Pas toujours.

Dans les commissions scolaires, le salaire d’une agente de réadaptation ou d’une psychoéducatrice tourne autour de 45 000$ à temps plein en commençant et monte jusqu’à 80 000$ avec l’expérience. La différence entre les deux postes est minime, mais avoir le diplôme et être membre de l’Ordre des psychoéducateurs peut vous aider à obtenir un poste permanent, surtout en ville. Dans les régions, et ça peut varier d’un endroit à l’autre, on trouve environ 50% de psychoéducateurs et 50% d’agents de réadaptation.

Selon Laurie, on ne choisit pas ce métier pour le salaire et les conditions. «Pour un salaire similaire, vendre des chars ferait aussi l’affaire.» On le choisit parce qu’on croit qu’il y a certains enfants qui ont besoin de soutien supplémentaire pour être dans leur zone proximale de développement et avoir un cheminement scolaire favorable selon leurs capacités.

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Mieux vaut avoir une bonne vessie

«Pas le temps de pisser!»

Quand je l’interroge sur ses conditions de travail, elle me répond: «Pas le temps de pisser!»

Une journée typique est constituée des activités et des suivis prévus, puis des imprévus qui vont presque inévitablement survenir. Combien d’enfants peut-elle voir en une journée? «Entre 5 et 30, ça dépend de ce qui se passe et s’il y a des groupes.» Elle m’a aussi demandé de préciser que si elle ne travaillait pas dans une école spécialisée, voir 30 enfants dans une journée n’arriverait vraiment pas très souvent. (On ne veut pas vous décourager non plus, si vous aviez l’intention de choisir cette branche.)

Utilisation de l’agressivité 101

Un enfant «utilise l’agressivité» pour exprimer un mal-être, un besoin, une émotion. Parce que Laurie prend soin de corriger mon vocabulaire défectueux lorsque je lui parle de «comportements problématiques»; on parle plutôt de «comportements perturbateurs», semble-t-il. Mais tout le monde comprend ce que j’entends par là: morsures, crachats au visage, coups de poing au ventre. Bref, un petit mardi au bureau!

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Le travail des psychoéducatrices est d’agir sur les causes et non sur le comportement comme tel, qui en est juste le symptôme.

Ainsi, quand un enfant vous tape, c’est une agression. L’objectif est alors de «trouver» la ou les raisons de ces comportements. L’utilisation de l’agressivité, les comportements d’opposition (par exemple, faire le mort ou fuir) proviennent de difficultés émotionnelles, comme une mauvaise gestion de la colère, de problèmes d’estime de soi et de grosses difficultés à l’école, pour ne nommer que quelques exemples. Le travail des psychoéducatrices est d’agir sur ces causes et non sur le comportement comme tel, qui en est juste le symptôme.

Comment mesurer l’impact de leur travail dans ce contexte?

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Le fruit de leurs efforts

À la voir aller, j’ai l’impression que c’est dur de voir le fruit de ses efforts quand on travaille dans ce milieu. Les enfants ont de grandes difficultés et ne s’améliorent pas rapidement, en une courte période de temps. Ils vont, en grande majorité, traîner des difficultés de comportement jusqu’à l’âge adulte.

Selon Laurie, «si le dossier ‘avance’, si elle obtient un service ou des moyens qui fonctionnent dans l’année, c’est un win». Par exemple, ça peut être une famille qui avait besoin de service psychosocial et qui l’a obtenu et ça ira dorénavant un peu mieux pour eux. Travail accompli!