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Ce sont eux qui livrent nos lettres et nos colis. Qui tiennent entre leurs mains des nouvelles de notre cousine exilée en Europe qui envoie encore des cartes postales ou notre nouveau gadget acheté en ligne.
On leur fait confiance avec des mots ou des objets parfois précieux. Sans qu’on s’en rende compte, on leur donne un accès privilégié à notre quotidien.
Avec la pandémie, ils sont entrés dans les rangs des travailleurs essentiels, bravant le monde extérieur pour qu’on n’ait pas à le faire. Et à l’approche du temps des Fêtes, on compatit avec ceux qui risquent de crouler sous la quantité astronomique de cadeaux achetés sur le web.
Mais qui sont ces gens aux mollets d’acier qui parcourent des kilomètres chaque jour? On a parlé avec Catherine, factrice depuis maintenant neuf ans, de son travail au quotidien, de ce que ça prend pour faire cette job–là et, évidemment, de la paie qui vient avec.
Sur appel, permanente ou relève
Au début, la majorité des factrices et facteurs sont sur appel. C’est là qu’a commencé Catherine, comme tout le monde, au bas de l’échelle. «On m’appelait à 5h le matin et on me disait: bon aujourd’hui tu t’en vas à Saint-Léonard ou tu t’en vas au centre-ville. Donc il faut être capable de s’adapter rapidement.»
«Tu as la chance d’avoir de très très belles routes. Des “routes de vieux” qu’on appelle. Mais des fois il y a aussi moins de choix.»
Après deux ans, Catherine a obtenu sa permanence, ce qui veut dire qu’elle a maintenant des heures garanties du lundi au vendredi et un trajet bien à elle. «J’ai la même route depuis deux ans, mais j’ai des amis qui sont facteurs depuis plus longtemps que moi et qui restent “relève” par choix», me lance la factrice.
Les «relèves», ce sont des gens assignés à un certain bureau de poste, donc à un secteur, mais pas à une «route» en particulier. Leur trajet de la journée varie donc en fonction des routes libres selon les vacances et congés des autres employés. «Il y a aussi des concours où tu appliques pour certaines routes et ça fonctionne par ancienneté.»
L’avantage d’être relève? «Tu as la chance d’avoir de très très belles routes, m’explique Catherine. Des “routes de vieux” qu’on appelle. Mais des fois il y a aussi moins de choix, moins de vacances et tu peux te ramasser avec des routes moins belles.»
Trouver route à son pied
Attends, des routes de vieux? C’est quoi ça? «Ce sont souvent des routes moins physiques. Par exemple au centre-ville où il y a des tours à bureaux. Il y a beaucoup de courrier, mais ça va tout à la même place. Donc tu tries deux, trois heures au bureau et après ta livraison ça s’en va tout aux mêmes points, donc ce n’est vraiment pas long», explique Catherine.
Parce que les jours se répètent, mais les routes, elles, ne se ressemblent pas. Tous les trajets commencent au centre de tri où Catherine et ses collègues classent les lettres et les colis qu’ils auront à distribuer dans la journée.
«Moi, je trouve ça plus dynamique en ville, mais je connais d’autres personnes qui haïssent ça pour mourir.»
Pour Catherine, l’exercice dure une heure seulement, environ. Ensuite, elle se met en marche. «Nos routes sont toutes évaluées pour être faites en huit heures, selon le volume de courrier, la distance de la route, etc. On est tous différents. Moi, la route que j’ai me convient, mais on a tous nos rythmes», m’explique celle qui avoue être assez rapide.
Catherine préfère aussi les routes urbaines: «En banlieue ce sont des maisons seules avec beaucoup de marche, tandis qu’en ville ce sont des appartements super condensés avec des escaliers, mélangés avec des entreprises. Moi, je trouve ça plus dynamique en ville, mais je connais d’autres personnes qui haïssent ça pour mourir.»
Gérer son propre temps
On s’entend, la job de factrice, ce n’est pas pour tout le monde. Avec le côté physique et les aléas de la météo (en neuf ans, Catherine a eu droit à un seul congé-tempête), ça peut être plus difficile qu’on ne le pense.
Si certains réussissent à finir leur run plus tôt et profiter du reste de leur journée, d’autres doivent souvent faire du temps supplémentaire. Et c’est pire quand les Fêtes arrivent.
«C’est moi qui gère mon propre temps aussi et ça pour moi c’est le plus bel avantage.»
Mais Catherine, elle, y trouve son compte. «Moi personnellement, j’aime ça travailler dehors, travailler physiquement, etc.» Elle apprécie surtout le fait d’être en contrôle de son horaire et avoue aimer faire ses petites affaires.
«Je travaille avec beaucoup de monde intéressant. Je commence donc ma journée en jasant avec les gens, mais après je vais faire mes affaires toute seule. C’est moi qui gère mon propre temps aussi et ça, pour moi, c’est le plus bel avantage».
Et le salaire finalement?
Pour Catherine, livrer des lettres et des colis est une deuxième carrière. «C’est souvent le cas pour beaucoup, m’explique-t-elle. J’étais en horticulture avant. J’aimais travailler dehors, mais c’était saisonnier.»
Après un processus d’embauche de deux mois, des tests d’aptitudes générales, de conduite et de condition physique, elle obtient finalement l’emploi. À l’époque elle commençait à 23$ de l’heure, mais ça a changé depuis.
«Mais essaie de trouver un emploi de jour la semaine, à ce salaire-là, qui demande juste un secondaire 5 et un permis de conduire.»
«Aujourd’hui, les gens commencent à 21$. Mais essaie de trouver un emploi de jour la semaine, à ce salaire-là, qui demande juste un secondaire 5 et un permis de conduire», m’explique la factrice qui a maintenant un taux horaire de 28$, l’échelon le plus élevé pour son poste.
Son salaire lui convient, d’autant plus qu’en étant permanente, ses 40 heures sont garanties chaque semaine. Mais elle avoue que plusieurs de ses collègues cumulent le temps supplémentaire pour faire un peu plus de sous.
«Certains en font tous les jours, s’ils peuvent. Il y a toujours des gens absents. Chaque matin, on découpe les routes qui sont “à terre” en portions et les gens se portent volontaires», explique-t-elle.
Un métier qui «déride»
Mais au-delà du salaire et des avantages (trois semaines de vacances dès le départ et de «vraiment bonnes» assurances), Catherine pense avoir trouvé l’emploi pour elle. «Ça déride! Ça fait bouger et voir du monde», me dit-elle.
Durant la première vague de la pandémie, elle était contente de sortir et de pouvoir continuer à travailler. «Je ne me serais pas vue rester encabanée pendant des mois. Et là je le vois chez les gens, c’est dur la deuxième vague.»
Elle révèle même que plusieurs de ses amis qui ont perdu leur emploi pendant la crise se sont tournés vers le métier de facteur.
«C’est sûr qu’aujourd’hui ça prend quelqu’un qui est en bonne condition physique. Qui est organisé dans sa tête, parce qu’on fait tellement d’arrêts, quelqu’un qui est quand même solitaire aussi, explique Catherine. Mais je pense qu’il y a beaucoup de gens qui peuvent le faire.»