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Combien ça gagne, une éducatrice en garderie?
On ne se fera pas de cachette : être éducatrice en garderie, ce n’est pas une vocation qui a nécessairement la cote. En effet, selon des données du ministère de la Famille obtenues par Radio-Canada, près de 3 000 d’entre elles ont quitté le réseau en 2021-2022. C’est l’équivalent de dire que 10 % des éducatrices de toute la province ont quitté leur poste en l’espace de quelques mois. Ça frappe.
Ceci étant dit, en janvier 2023, on apprenait que Québec préparait une vaste campagne de recrutement pour revaloriser le métier auprès des futur.e.s étudiant.e.s. Notamment, de nouveaux programmes de bourses ont été lancés, et une allocation de 475$ par semaine est offerte dans certains cas.
Alors, combien ça vaut, prendre soin de nos p’tits « bouts d’chou », au quotidien ?
Pour y répondre, il faut préalablement comprendre les différents milieux de garde et la formation d’une éducatrice. Voyez ceci comme un détour par les chemins de campagne afin de mieux savourer l’arrivée!
Une question de milieu de vie
Tout d’abord, au Québec, quatre types de services de garde sont reconnus et souvent, les salaires en dépendent.
Attention, alerte aux acronymes!
D’abord, il y a les centres de la petite enfance (CPE). Gérés par un conseil d’administration, ce sont des organismes sans but lucratif ou des coopératives.
Ce type de milieu permet généralement aux parents de profiter de la contribution réduite. Cette dernière est indexée annuellement et, depuis le 1er janvier 2024, elle se chiffre à 9,10 $ par jour, par enfant.
Il y a ensuite les garderies. Elles peuvent être subventionnées (GS) ou non subventionnées (GNS), mais dans les deux cas, elles exercent leurs activités dans un but lucratif. Entre les deux types, la différence réside dans les frais de garde que les parents devront débourser. Dans les GS, les parents peuvent profiter de la contribution réduite, tandis que dans les GNS, les frais de garde sont déterminés par l’administration.
Finalement, il existe les services de garde en milieu familial, c’est-à-dire que la responsable en services éducatifs en milieu familial (RSE) exerce son métier dans une résidence privée. (Je salue d’ailleurs la mienne, Claire! Pas besoin de le dire, je sais que j’étais un enfant parfait.) Dans la plupart des cas, on parle ici de places subventionnées. On va revenir plus tard sur ce cas en particulier.
« Accouche, qu’on baptise, Marc! », me dirait bien promptement ma mère si elle me voyait aller avec cette mise en contexte.
Un dernier facteur reste cependant à considérer avant de parler de vos « bidous ».
… et de qualification
En effet, la formation de l’éducatrice fera bien évidemment varier sa rémunération.
D’abord, celle-ci doit soit posséder un DEC d’éducation à l’enfance ou une AEC en petite enfance combinée à trois ans d’expérience pour être reconnue comme étant qualifiée.
Une intervenante qualifiée aura un meilleur taux horaire qu’une intervenante non qualifiée, puisqu’il existe deux échelles distinctes. Par exemple, une éducatrice qualifiée au premier échelon recevra un salaire de 21,60 $ de l’heure et si elle ne l’est pas, il sera plutôt de 18,52 $ de l’heure. À titre comparatif, à son échelon le plus élevé, l’éducatrice qualifiée touchera une rémunération de 30,03 $ de l’heure, tandis que si elle ne possède pas la formation, elle ne sera que de 27,78 $.
Si on fait un calcul rapide, on s’aperçoit qu’une éducatrice qualifiée, à son échelon salarial le plus élevé, touchera un salaire annuel brut de 62 462 $ en travaillant 40 heures par semaine. Si elle n’est pas qualifiée, elle touchera plutôt 57 782 $.
Sinon, tous les chiffres concernant les échelons se retrouvent ici. Il faut savoir que ces montants datent de la dernière convention collective qui est échue depuis le 31 mars 2023. Depuis, les négociations sont au point mort selon la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ).
Enfin, la paie qui rentre aux deux semaines!
Oui, nous y sommes! Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’échelle salariale mentionnée précédemment concerne les éducatrices en CPE et celles en garderie subventionnée. Dans les GS, elle est plutôt proposée à titre indicatif, à moins qu’elle ne soit incluse dans une convention collective. Dans ce cas-ci, elle devient alors la norme.
Vous comprendrez donc que pour les éducatrices œuvrant dans une garderie privée non subventionnée (GNS), c’est un peu la loi de la jungle qui s’applique.
J’exagère un peu, mais ce que j’essaie de dire, c’est que les propriétaires décidant des frais de garde pour les parents décident également de la rémunération de leurs employées.
Valérie Grenon, présidente de la FIPEQ-CSQ, m’explique que dans ce type de milieu : « La direction est là pour faire du profit ». Selon elle, « c’est là que ça devient un enjeu pour les éducatrices, parce qu’elles pourraient être dans une “entreprise” qui veut faire un maximum de profit et qui paie donc moins ses intervenantes ».
C’est un peu ce qu’a vécu Vanessa Lachapelle, qui travaille depuis 12 ans dans une garderie privée non subventionnée de Lachenaie. « Quand on a débuté, on n’avait rien, rien, rien… », me lance-t-elle en prenant soin de mettre l’accent, vous aurez compris, sur le « rien ». En gros, chaque GNS a sa façon de procéder pour établir une rémunération et elle peut différer en fonction de chaque établissement.
Dans leur cas, Vanessa et ses collègues ont réussi à bâtir par elles-mêmes une échelle salariale à la suite de la dernière négociation des CPE. « Elles ont gagné en salaire. Bien nous on a dit “ça n’a même plus de sens ce que vous nous donnez par rapport à ce que c’est rendu en CPE […] vous allez perdre tout votre staff” ».
En effet, disons que la pénurie de main-d’œuvre pèse dans la balance. Le contexte actuel ne favorise pas beaucoup la diminution du salaire des éducatrices. « Sinon, elles vont juste aller ailleurs », m’explique Valérie Grenon. C’est pourquoi certains de ces milieux décident de calquer l’échelle salariale en vigueur en CPE et en GS.
C’est le cas de l’employeur de Cassandra Urbain, qui termine actuellement sa 8e année dans le réseau. Dans son milieu actuel, la direction s’arrange pour qu’elle soit payée à l’échelon qui correspond à son expertise. « Avant, je travaillais dans une autre garderie privée, puis ce n’était pas du tout le salaire que j’étais censée avoir, c’était n’importe quoi. Ça varie vraiment d’une garderie à l’autre », résume-t-elle.
Quand la maison devient la garderie
On s’attaque maintenant au dernier acronyme : les responsables en milieu familial (RSE). Ici, tout est une question d’enfants, et non d’heures. Dans un milieu subventionné, la RSE reçoit 38,87 $ en subvention par enfant, auquel on ajoute la contribution réduite provenant des parents. (La RSE touche 7$ du 9,10$!) Vous aurez compris qu’en milieu familial non subventionné, l’éducatrice décidera de ses propres frais de garde. Elle peut recevoir un maximum de six enfants, dont un maximum de deux poupons (moins de 18 mois). Cela peut monter jusqu’à neuf si une personne l’assiste.
Quand je mentionne que ce n’est pas une question d’heures pour elles, c’est qu’elles sont considérées comme des travailleuses autonomes et le montant qu’elles reçoivent par enfant inclut toutes les dépenses d’opération. Ici, on peut penser à la nourriture, au matériel de bricolage, aux jouets! « Une fois toutes ces dépenses-là faites, il lui reste une partie, qui correspond à son salaire », m’explique Mme Grenon.
Afin de maximiser ce salaire, certaines opteront pour la débrouillardise et feront appel à leur Josée di Stasio intérieure. « Si une RSE décide d’acheter des plats tout faits versus une qui décide de prendre son samedi pour cuisiner pour toute la semaine, c’est possible qu’elle sauve des sous, en bout de ligne! », ajoute la présidente de la FIPEQ-CSQ.
Donc, quel est le salaire d’une RSE? C’est assez difficile à évaluer, comme on ne connaît pas les dépenses d’opérations de chacune et que celles-ci peuvent varier.
Toutefois, selon les estimations de la FIPEQ-CSQ, elles gagneraient en moyenne 50 000 $ par année en travaillant environ 50 heures par semaine. On m’explique que la hausse du coût du panier d’épicerie a beaucoup nui à leur salaire au cours des dernières années, étant donné que leurs dépenses sont prises à même leur subvention.
Voilà, si je vous résume ça, quand on se questionne sur le salaire des éducatrices, il faut d’abord s’interroger sur le milieu de garde et la formation de celles-ci. Mais avant tout, on me rapporte que c’est avant tout une vocation, de prendre soin de nos « bouts d’chou »!