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Combien ça gagne un préposé aux bénéficiaires?

Un métier valorisant pour une reconnaissance... discutable.

Par
Edouard Ampuy
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Les préposés aux bénéficiaires. Si on ne savait pas ce que c’était dans le monde pré-COVID je pense que maintenant on est tous à la page.

Longtemps les oubliés du système de santé auxquels on associait les termes «précarité» ou «pénurie de main-d’œuvre», les préposés ont été au front pendant plusieurs mois et leur rôle central dans le système de santé a été mis en relief.

Le premier ministre François Legault a même promis d’offrir un salaire de 26$ l’heure aux nouveaux préposés aux bénéficiaires formés en urgence l’année dernière.

Mais en dehors de ça, c’est quoi les conditions des préposés? On est allé en discuter avec eux.

Avoir le cœur à la bonne place

Aleks Joncas est préposé depuis 2013. Il a d’abord travaillé dans le privé avant d’intégrer un CHSLD, où il exerce depuis novembre. Ce métier, il le fait avec le cœur. «T’as besoin des qualités nécessaires comme l’empathie et l’humanité.»

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Comme il le dit, il vaut mieux l’avoir dans l’ADN, car si c’est valorisant au quotidien, c’est également un métier difficile physiquement et moralement. «Il y a les résidents qui meurent, ça finit dans une bâche en plastique, et ils partent à la morgue», décrit sans détour Aleks.

La crise de la COVID-19 est venue ajouter une couche de difficultés supplémentaires avec des protocoles d’hygiène très serrés, et le port constant des masques. «On a des maux de tête ou maux de dents. On étouffe.»

Et encore, Aleks travaille dans un CHSLD qui n’a connu aucune éclosion de COVID-19.

Le métier et la formation

Si on se destine à cette carrière, il faut comprendre qu’il existe des différences entre le privé et le public.

«Sans nous, l’infirmière ne pourrait pas savoir si le résident va bien ou mal, s’il a de la souffrance. On est les yeux et les oreilles des infirmières.»

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Dans le public, les préposés sont focus sur les soins aux résidents. Ils s’occupent de la toilette de base, d’habiller la personne ou de la faire manger. La distribution de la médication comme l’insuline ou les pilules est assurée par les infirmières. «Sans nous, l’infirmière ne pourrait pas savoir si le résident va bien ou mal, s’il a de la souffrance. On est les yeux et les oreilles des infirmières», décrit Aleks.

Dans certains centres hospitaliers, il est possible de faire des formations pour prendre des responsabilités supplémentaires. Préposée à l’hôpital de Mont-Laurier, Sylvie Mayer fait par exemple des électrocardiogrammes ainsi que la vidange des sondes urinaires et des tubes naso-gastriques.

Lorsqu’un préposé travaille au privé, il s’occupe de l’hygiène du résident, des tâches ménagères, il peut aussi lui préparer la nourriture. À l’inverse du public, un préposé peut faire des actes délégués, comme donner la médication.

Pour devenir préposé dans le public, il faut (normalement) un diplôme obtenu après avoir suivi un DEP de 870 heures. Pour le secteur privé, les exigences sont moindres. «Dans le privé, on peut voir toutes sortes de monde. J’ai déjà vu des gens sans diplôme qui bossaient en tant que préposé», explique Aleks.

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Le salaire et les primes

Là encore, des différences sont visibles selon où on se trouve.

Dans le secteur privé, la rémunération varie selon les établissements. On peut commencer à 12,50$ de l’heure dans l’un et à 16$ l’heure dans l’autre. «J’ai travaillé dans un centre au salaire minimum et vu les tâches que j’avais à faire, c’est très peu», soutient Aleks.

«J’ai une collègue, ça fait une trentaine d’années qu’elle travaille pour le public et elle est toujours à 22,35$ l’heure.»

Dans le public, le salaire actuel commence à 20,55$ l’heure. Il y a ensuite cinq échelons qui peuvent amener jusqu’au salaire maximum de 22,35$ l’heure, après ça, il n’y a plus d’augmentation. «J’ai une collègue, ça fait une trentaine d’années qu’elle travaille pour le public et elle est toujours à 22,35$ l’heure», dit Aleks. Le gouvernement a récemment affirmé vouloir bonifier le salaire des préposés du public pour qu’il atteigne 26,89 $ l’heure.

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Il existe aussi toute une batterie de primes selon si travaillent de nuit, de fin de semaine, ou dans les environnements comme en psychiatrie. Avec la COVID-19, des primes temporaires sont apparues.

Est-ce que c’est assez ?

Aleks et Sylvie sont catégoriques: non, ce n’est pas assez.

«On mérite amplement un salaire décent, on fait un travail à la fois valorisant, mais aussi ingrat, ce n’est pas tout le monde qui va ramasser de la marde!», s’exclame Aleks en s’excusant pour son langage. Sylvie concède même que dans les conditions actuelles, elle ne recommande pas ce métier.

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Il faut également revoir le ratio préposé/résident. Un professionnel pour 15 ou 25 personnes ce n’est pas possible. «Comment on peut lui faire les soins correctement, pour qu’elle soit top shape, numéro un?», questionne Aleks.

Les deux s’entendent pour dire qu’un salaire de base de 26$ l’heure, plus les primes, parait convenable. Aleks a également pensé à un incitatif: «Si on nous enlève l’impôt sur le temps supplémentaire, ça aurait réglé une couple de problèmes.»

Leur avis sur la formation pour 10 000 préposés

Pour Sylvie la formation est trop courte. Elle avoue aussi être assez fâchée par cette annonce. «J’ai 22,35$ de l’heure et 15 ans d’expérience et il ne veut pas nous augmenter. Par contre ils offrent 26$ de l’heure à des personnes avec zéro expérience et juste trois mois de formation, c’est insultant», juge-t-elle.

«Je ne sais pas si tous les gens vont venir pour les bonnes raisons.»

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Aleks est un peu plus modéré. S’il reconnait que l’initiative est bonne à la base, il souhaite que la sélection des candidats soit faite rigoureusement. «Je ne sais pas si tous les gens vont venir pour les bonnes raisons.»

On en saura plus à partir de septembre. En attendant, on ne peut qu’espérer que les préposés déjà en place avant la pandémie, les passionnés qui ont vécu la crise de plein fouet, seront reconnus à leur juste valeur. Sans oublier que ça fait des années qu’ils en font la demande.