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Combien ça gagne, un planteur d’arbres?

L’argent ne pousse pas dans les arbres, mais ça rapporte d’en planter!

Par
Billy Eff
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Quand on grandit au Canada, on a forcément un camarade de classe qui, après le cégep, décide de faire le saut et passer une saison dans l’Ouest à cueillir des fruits, devenir instructeur de snowboard ou surtout, planter des arbres. Passer des heures le dos courbé sous le soleil tapant ou la pluie battante, six jours par semaine pendant des mois, c’est un travail long, ardu et certainement pas fait pour tout le monde.

Jean-Christophe fait partie de ceux qui l’ont fait un été et ne sont jamais repartis. Originaire de Montréal, cela fait maintenant plus d’une décennie qu’il travaille sur des plantations dans le nord rural de la Colombie-Britannique. Après plusieurs saisons comme planteur, il est maintenant superviseur, ce qui est bien moins éreintant. Chaque jour, il embarque dans un camion ou un hélicoptère et mène son équipe repeupler les forêts.

De son propre aveu, ce n’est pas un métier où l’on survit si on n’a pas faim d’argent. Alors combien ça gagne, un planteur?

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Un travail peu considéré

Pour Jean-Christophe, l’aventure commence lors d’un voyage en vélo à Victoria. Ayant été messager à vélo à Montréal plusieurs années, il a une passion pour le cyclisme et est habitué à se dépasser. « Je me suis tenu avec les bonnes personnes et quelqu’un m’a proposé un poste dans un camp. Je crois qu’être messager m’avait donné les bons skills pour ça et c’est quatre fois plus payant! »

Mais il avoue qu’il n’a pas immédiatement vu ce métier comme étant une carrière viable. « Personne ne sait vraiment qu’il va faire ça, personne ne se dit : “J’adore me promener avec des arbres dans la forêt”. Mais à un moment donné, ça fait cinq étés de suite que tu reviens et tu commences à devenir plus à l’aise », explique le superviseur de 30 ans. « Ce qui est le fun, c’est que tu ne sais jamais qui va faire ça longtemps ou non, ou qui sera bon. Des fois, tu vois une toute petite fille arriver et tu te dis que ça ne le fera pas, mais elle devient vite la meilleure du camp. Et d’autres, t’as un Monsieur Muscles qui arrive et dit qu’il va torcher tout le monde, mais il ne survit pas une saison. »

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Une journée typique pour un planteur dans l’équipe de Jean-Christophe débute vers 5h du matin, lorsqu’on se dirige à la tente du mess où les cuisiniers auront préparé un simple buffet déjeuner et des lunchs à amener avec soi vers sa patch, soit l’étendue que l’on aura à peupler cette journée-là. Selon la distance, on s’y rend en pick-up ou, pour les endroits plus éloignés ou durs d’accès, en hélico. On plante de 8h à 17h, puis c’est de retour au camp pour un souper bien roboratif.

« Avec un peu de chance, les kids ne boivent pas trop le soir et vous recommencez la même chose le lendemain, sur un horaire de trois jours de travail pour un jour de repos. »

Into the Wild

Je lui demande si ça devient parfois énervant de devoir dealer avec les aléas de la nature, surtout pour un citadin comme lui. Mis à part les importants écarts de température et les piqûres de moustiques inévitables, la nature est cependant supportable. Mais elle peut faire peur, comme la fois où son (petit) chien a dû se dresser entre sa blonde et un ours brun qui tentait de s’approcher un peu trop près.

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Vraiment, le plus compliqué, c’est la solitude, selon lui. Être essentiellement seul dans le bois avec ses pensées et un millier d’arbres à planter, c’est un travail répétitif et la charge mentale peut devenir lourde. Heureusement, la proximité avec la base du camp et le fait d’être reclus tous ensemble fait qu’on crée avec son équipe un lien très fort.

« Chaque été, tu arrives et tu te refais une vie avec une nouvelle team de 60 personnes pendant 100 jours. Ce que j’aime avec les camps, c’est la diversité des gens. Pas seulement au niveau culturel ou ethnique, mais en termes de personnalité. Un immigrant allemand se retrouve avec un vieux Queb’ qui a connu une vie difficile et deux jeunes Australiennes qui viennent s’enfuir un été. Il y a une grosse mixité de backgrounds et tout le monde n’a pas le choix de s’entendre. On se voit tous les jours, on rit et on pleure ensemble, on se voit à notre pire, sans douche ni maquillage, et tout le monde pue! »

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Une rémunération proportionnelle

Parmi tous les métiers qu’on a traités dans cette série, être planteur est peut-être celui où le facteur humain est le plus important lorsque vient le temps d’être payé. « Les gens entendent souvent que ça peut rapporter, mais c’est vraiment une courbe d’apprentissage. Il ne faut pas venir ici et s’attendre à avoir une première année incroyable. Ton premier été va être passé à apprendre la mécanique et l’optimisation de tes mouvements. »

Selon la compagnie, l’emplacement et le type d’arbre, un planteur peut espérer entre 10 et 25 centimes par arbre planté. Une fois qu’on est superviseur de camp, on reçoit un salaire quotidien de plusieurs centaines de dollars qui augmente encore lorsqu’on devient contremaître.

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Les planteurs, eux, ont un certain contrôle sur leur salaire, car ils sont payés par arbre planté. « Si t’es capable d’en planter 100 par heure, tu feras le double du salaire de la personne à côté de toi qui ne peut en faire que 50 par heure. Je ne pourrais pas vraiment te dire quelle est la paie moyenne, parce qu’aucune des réponses que je donne ne mettra tout le monde d’accord. Ça dépend vraiment des habiletés de la personne. » Timidement, il suggère qu’un planteur moyen peut gagner entre 200 $ et 500 $ par jour.

Savoir rester équilibré

Il rappelle aussi que c’est un travail saisonnier, ce qui demande une certaine ouverture à vivre une vie atypique. Pour lui et sa copine, dont le couple s’est formé sur un camp, c’est idéal.

« C’est work hard, play hard! Tu grind comme un malade tout l’été et si tu fais bien les choses, tu peux vivre de ce que t’as fait l’été toute l’année. »

Toutefois, il explique que la plupart des gens choisissent de se ménager un peu et d’avoir un revenu plus constant, souvent en trouvant d’autres jobs saisonniers l’hiver sur les stations de ski environnantes, par exemple. En tant que travailleur saisonnier, on est aussi éligible à certaines prestations de l’assurance-emploi dans la saison off.

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Choisir son aventure

Pour sa part, le couple a depuis quelques années la même habitude : partir chaque janvier dans un pays différent pendant quelques semaines afin de le visiter à vélo. Dans leur cas, il leur faut un vélo modifié pour pouvoir transporter Basquiat, leur chien, tout au long de leur périple.

À peine revenus de ces deux mois à sillonner à bicyclette le Costa Rica qu’ils se préparent déjà pour aller ouvrir le camp. Les positions cet été ont été plus compliquées à combler qu’à l’habitude, pénurie de main-d’œuvre oblige. Durant la pandémie, ils recevaient tout plein de citadins qui souhaitaient fuir la ville pour aller dans le charmant nord de la Colombie-Britannique, où la vie rurale poursuivait son cours malgré la pandémie mondiale.

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« Quand t’es là, le reste du monde n’existe pas. C’est vraiment compliqué d’expliquer cette expérience à quelqu’un qui ne l’a jamais fait. Le plus important, si tu veux vraiment faire ça, c’est d’être quelqu’un de raisonnable et balancé, qui accepte ce qui est hors de son contrôle », estime Jean-Christophe. S’il pleut, c’est pas de ta faute, si le gars à côté de toi est stressé, c’est pas de ta faute. Tu dois te rappeler de ce que tu peux faire ou non et rester concentré sur ton ouvrage. Parce que dans une journée, l’écart entre le plus performant et le moins performant se chiffre en centaines de dollars. »