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Combien ça gagne, un enseignant?

A+ ou D- pour le salaire?

Par
Arianne Maynard-Turcotte
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C’est assez facile de savoir combien gagne un prof. On a tous une tante, un père ou un neveu qui travaille dans une école. On a simplement à lui demander: «combien ça gagne, un prof?» pour se faire répondre «pas assez!!!!» et ensuite écouter une diatribe sur les vacances pas payées, la charge de travail énorme, le manque de reconnaissance et tout le tralala.

Mais si vous voulez vraiment connaître le salaire des enseignants, des tableaux indiquant les échelles salariales sont disponibles sur le site de chaque commission scolaire: c’est du domaine public. En date de 2020, un enseignant qui a une tâche complète débute à 42 431$ par année et plafonne après 17 ans de carrière à 82 585$.

21%, 30%, 42%

Ces chiffres pourraient être des notes d’élèves poches, mais ce sont aussi des pourcentages de tâches. Quand un enseignant occupe un poste à temps plein, on dit qu’il a «un 100%». Ce sont uniquement eux qui gagnent réellement les montants indiqués par les échelons (quand ils sont permanents).

Autour de 42% des enseignantes et enseignants ont un statut précaire, et ça grimpe à plus de 70% quand on parle de ceux qui enseignent aux adultes ou à la formation professionnelle.

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L’affaire, c’est qu’enseigner, c’est pas aussi simple que faire un bac et se trouver une job après. Autour de 42% des enseignantes et enseignants ont un statut précaire, et ça grimpe à plus de 70% quand on parle de ceux qui enseignent aux adultes ou à la formation professionnelle.

Les enseignants précaires au secondaire doivent bien souvent cumuler les pourcentages de tâches pour tenter de se rapprocher le plus possible d’un salaire complet, tout en complétant avec de la suppléance, s’ils le désirent. Dans ce cas-là, ils sont soumis au taux horaire de suppléance, qui est étonnamment plus avantageux que le salaire annuel d’un prof permanent.

Temps versus argent

D’après Andrée-Anne, enseignante permanente au primaire, «côté salaire, il peut être avantageux de faire de la suppléance en autant que ce soit à tous les jours ou d’avoir un contrat. La raison principale est que ces enseignants-là ont droit au chômage lors des vacances».

Mais le plus grand avantage est certainement quand on commence à calculer les heures travaillées en fonction du salaire. Andrée-Anne estime travailler environ 42 heures lors d’une semaine «normale» (et pas mal plus en début et en fin d’année ainsi qu’à la fin de chaque étape). La semaine de travail des profs est théoriquement de 32 heures, elle travaille donc un minimum de 10 heures non rémunérées par semaine.

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«Niveau temps, faire de la suppléance est souvent avantageux puisque les suppléants n’ont pas à réaliser la tâche complète – faire des bulletins, rencontrer des parents, siéger sur des comités, corriger des évaluations, etc. Toutefois, ils n’ont pas la sécurité d’emploi ni le lien privilégié avec un groupe d’élèves. Les journées sont remplies de gestion de classe et de comportement, et chaque jour, tout est à recommencer», nuance-t-elle.

C’tu assez?

La grande question. 42 000$ par année quand on commence une job, c’est pas pire. Cela dit, autant au début qu’à la fin de leur carrière, les enseignants du primaire et du secondaire au Québec sont bons derniers au pays en matière de rémunération, selon Statistique Canada.

Quand on demande à Karl, enseignant précaire au secondaire, si les enseignants sont assez payés, la réponse est simple: «Absolument pas, si on regarde l’importance collective et le nombre de responsabilités incombant au corps enseignant. Actuellement, le nombre d’échelons (17) est une aberration. Peu importe le salaire dans les dernières années de pratique, c’est pendant les nombreuses premières années que ces enseignantes et enseignants perdent en valeur économique comparativement aux autres métiers avec des responsabilités et exigences de diplomation semblables.»

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Par contre, Andrée-Anne croit que «quand on se compare à d’autres emplois comparables (nécessitant un baccalauréat), le salaire est semblable. De plus, nous avons de nombreux avantages sociaux et une sécurité d’emploi». Par contre, elle est consciente que sa situation est particulière: «Au préscolaire-primaire, j’ai été très peu longtemps précaire – un an seulement. Toutefois, je sais que pour d’autres champs d’enseignement le processus est très long et peut prendre des années. J’aurais trouvé cela difficile», explique-t-elle.

Combien dépense un prof?

Andrée-Anne, pour équiper sa classe de primaire, a fait le calcul: «En début de carrière, je n’avais pas beaucoup de matériel alors je dépensais plus de 1000$ de mes poches chaque année. Depuis quelques années, cela tourne autour de 500$ annuellement.»

Karl, qui cumule les contrats au secondaire, estime avoir dépensé environ 350$ par année. «Toutefois, c’est sans compter un ordinateur portable suffisamment performant acheté pour environ 2000$ lorsque j’ai compris qu’on ne m’en fournirait aucun alors qu’on me demandait d’enseigner pendant un an les arts multimédias», précise-t-il.

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En juin 2018, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a émis une directive interdisant aux écoles de faire payer une panoplie de fournitures par les parents. Après de nombreuses plaintes, le ministère a débloqué 27 millions de dollars afin de compenser la perte, soit environ 27$ par élève.

Les fameuses vacances forcées

La rémunération et la prestation de travail sont établies sur la base des 200 jours du calendrier scolaire et réparties durant l’année. Ce qui veut dire que les enseignants ne sont pas payés pour leurs vacances «forcées».

Selon Karl, le fait que les vacances devraient être payées ne fait aucun doute: «Aucun regroupement d’enseignant.e.s ne s’est jamais fait demander si les profs voulaient être en vacances l’été, ce fut imposé. L’enseignement est de facto un emploi saisonnier. Pourtant, l’argument veut que notre 4% de vacances soit inclus dans notre salaire des 10 mois de travail. Selon la même logique, les journées fériées sont considérées des vacances. Tout comme la période de coupure forcée du travail l’été, toutes ces vacances devraient être payées», tranche-t-il.

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