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Combien ça gagne, un croupier?
Antoine* (nom fictif) et Chantale ont travaillé respectivement pendant 4 ans et 23 ans en tant que croup.ier.ière aux tables de black jack du Casino de Montréal. Un poste jugé « essentiel », parce qu’il assure l’animation des tables de jeux, du comptage des jetons et du respect des règles.
« Ça prend une excellente dextérité manuelle. Il faut aussi exceller en calcul. Mais ce qui est le plus important, c’est d’offrir un service à la clientèle hors pair. C’est un lieu de divertissement, la clientèle doit vivre un wow! », témoigne Chantale.
« À ses débuts, le casino engageait des croupiers qui se tenaient debout sans sourire. Maintenant, on veut que les clients passent une bonne soirée et qu’ils reviennent. »
Selon la conseillère principale à la Direction des relations médias, Elise Paquet-Morin, le métier de croupier s’apparente effectivement à une « performance ». « On dit que les croupiers entrent en scène, donc il y a un show », explique-t-elle.
Devenir croupier
Le processus commence par une application via le site internet, raconte Antoine. S’ensuit alors une entrevue durant entre trente minutes et une heure au cours de laquelle on pose des questions au.à la candidat.e sur des mises en situation gardées confidentielles.
Antoine raconte aussi être passé par un examen médical, notamment pour écarter tout problème de vue ou toute forme de daltonisme (une anomalie de la vision qui empêche de percevoir certaines couleurs).
Après avoir enchaîné avec succès cette série de tests, une formation intensive d’un mois attend les futurs croupiers. « De 5h à 11h le soir, on pratique les procédures, les multiplications, la manipulation des jetons, etc. Après, tu passes un examen sur tout ce que tu as appris », explique Antoine.
« Au début, l’école des croupiers, c’est très stressant. Je m’en rappellerai toute ma vie. La première fois que t’es seule à ta table, tu as beaucoup de choses à gérer. Ça m’est arrivé de faire des erreurs », complète Chantale.
Faire une erreur de calcul, ramasser une mise gagnante ou au contraire payer un client alors qu’il a perdu, sont des erreurs que peuvent potentiellement commettre les croupiers. « Il faut toujours appeler son superviseur qui ira revoir les bandes vidéo pour confirmer ce qui a été fait. C’est un processus très rigoureux », ajoute Elise.
Une job payante?
Le salaire d’un croupier peut varier, selon qu’il soit « occasionnel » (sur appel) ou « permanent ». « Dans mon cas, j’étais occasionnel. Je gagnais 18 dollars de l’heure et je n’avais pas les assurances. Au total, ça devait correspondre à environ 25 dollars de l’heure », se remémore Antoine.
Par contre, la paye peut varier considérablement en fonction du nombre de croupiers en poste simultanément et des pourboires versés par les clients. « Ça peut aller entre 25, 35 et même parfois 50$ de l’heure pendant les gros événements, comme la F1 ou le jour de l’an », estime Antoine.
Chantale, quant à elle, a un statut permanent et touche 29$ de l’heure en plus de récolter environ 15$ de l’heure en pourboires. Cela fait donc un total de 44$ de l’heure pour cette croupière qui cumule maintenant 23 années d’expérience.
D’après la convention collective des casinos du Québec, il existe 7 échelons pour le poste de croupier. En 2024, le salaire d’un croupier oscille entre 18,53 et 28,95 dollars de l’heure, selon les paliers. À ce revenu s’ajoutent les pourboires dont la médiane est estimée à 3,7$ de l’heure et 1$ de l’heure supplémentaire à partir de 11h du soir.
Vie nocturne
Antoine explique avoir été engagé alors qu’il était étudiant. « Je faisais de 20 à 25 heures aux deux semaines, mais seulement la fin de semaine. Je travaillais aussi parfois à temps plein, par exemple pendant l’été ou les vacances de Noël. Là, ça tourne entre 35 et 40 heures par semaine. Ça peut même aller jusqu’à 60 heures. »
En début de carrière, les heures sont généralement imposées, surtout pour les postes occasionnels et sur appel.
« On m’appelait et j’avais deux choix : de 5h du soir à 5h du matin ou de 10h du soir à 10h du matin. »
Oui, ce sont des horaires qui amènent, des fois, les employés à travailler en décalage avec le traditionnel 9 à 5. « Avant la pandémie, le Casino ne fermait jamais, donc mes horaires variaient beaucoup. Le pire quart de travail que j’ai fait, c’est celui de minuit jusqu’à 10h du matin. C’est comme le monde à l’envers. C’était très rare, des shifts de jour. C’était plus souvent la nuit, comme 7h30 à 3h30 du matin, par exemple », raconte-t-il.
De son côté, Chantale explique qu’elle a dû attendre « un certain temps » avant d’avoir des shifts de jour.
Pour le meilleur et pour le pire
« J’aime bien le Casino, il y a vraiment une belle ambiance. Mais travailler et être client, c’est pas la même chose », raconte Antoine.
D’après lui, s’il y a des soirs où « tout va bien », il y aussi des soirs où des clients jouent davantage sérieusement. « [Ici], c’est plus une dépendance et c’est dommage, de voir ces choses-là. À la longue, ça m’a beaucoup affecté », explique-t-il.
Selon Statistique Canada, une majorité de personnes qui jouent à des jeux de hasard et d’argent le font sans que ça n’affecte leur vie – mais une minorité en subit des effets néfastes. En 2019, l’organisme Jeu : aide et référence estimait qu’au Québec, environ 7% des joueurs font face à des enjeux de santé mentale et/ou physique ainsi que des problèmes sociaux et financiers. En 2024, l’organisme a d’ailleurs vu augmenter de 21% son nombre d’appels à l’aide par rapport à l’année précédente.
L’ex-croupier garde quand même de bons souvenirs de ces moments passés à animer les tables de black jack. « Un soir, quelqu’un est venu à ma table. Le gars n’avait jamais joué, a misé 1$, et il est tombé sur la plus grosse combinaison qu’il pouvait avoir. Il a gagné 1000$. Il était vraiment content. Il disait : “Oh mon dieu, ça me paye mon voyage. Je pourrais partir avec mes amis!”. C’est le fun à entendre. »