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Combien ça gagne, un «bouncer»?
Qui est en contrôle de votre soirée en boîte de nuit? Ça semble simple comme question : la personne qui a initié les plans, ou encore celle dont c’est l’anniversaire. On pourrait même argumenter que, en quelque sorte, c’est le DJ qui est responsable du succès de votre sortie.
Mais ça serait d’oublier la personne qui vous laisse rentrer.
Le bouncer, c’est le vrai roi du spot, la personne qui s’assure que tout se passe bien. Au-delà de simplement vérifier l’identité des clients, refouler les gens trop soûls ou mal habillés pour la situation, c’est surtout un vibe check dont est responsable le portier. Laisser rentrer le mauvais type de client.e.s, c’est mettre en péril toute la soirée, et possiblement la réputation de l’établissement.
« On est un filtre, on s’assure que les gens qui rentrent respectent l’esprit du bar ou de l’événement. »
Alors qu’on se remet à sortir et que leur travail revient à l’essentiel depuis la disparition du Vaxicode, on s’est demandé : combien ça gagne, au juste, un bouncer? Mike* (le prénom est fictif, mais la personne est bien réelle) a porté plusieurs chapeaux dans l’industrie du nightlife, mais il s’est surtout forgé une réputation en tant que videur dans certains des bars, clubs et événements parmi les plus prisés de Montréal dans la dernière décennie.
Pas important d’être imposant
« Je mesure 5’ 8”, donc je suis plus petit que la plupart des bouncers, estime Mike. Ça fait que le monde, surtout les gars en fait, me prennent moins au sérieux. C’est un désavantage, parce qu’ils s’essayent plus, mais c’est un avantage parce qu’ils ne s’attendent pas à ce que je les maitrise aussi facilement. »
Maitriser, m’explique Mike, est vraiment le mot d’ordre dans le monde des bouncers. Les gens qui tenteraient de les attaquer, bien entendu, mais surtout les situations potentiellement dangereuses ou désagréables. « On est un filtre, on s’assure que les gens qui rentrent respectent l’esprit du bar ou de l’événement. Il y en a qui croient que tout peut être réglé avec du cash, qu’en me donnant un bon tip ils vont pouvoir rentrer. Mais si t’es pas assez cool pour rentrer, c’est une question de personnalité, argent ou pas! », explique le jeune trentenaire.
Il y a un cours pour ça
Il y a plusieurs portes d’entrée pour entrer dans le métier, selon Mike. Pour sa part, c’est d’abord comme valet dans un restaurant sur la Rive-Sud de Montréal que sa carrière a commencé. « Malgré le fait que je ne sois pas grand, j’ai toujours été assez baquet, et j’ai longtemps joué au football américain. Un soir, un client régulier au resto où je travaillais comme valet m’a demandé si ça m’intéressait de prendre des contrats de sécurité pour des événements privés. Ça payait un peu mieux que valet, et ça m’évitait de devoir courir à gauche et à droite. Ça m’a plu, je suis quelqu’un de calme et de posé en général, donc c’était un bon vibe pour moi. »
« Le physique est important pour bien pouvoir faire sa job, mais c’est 95% du travail social et mental. »
Après quelques soirées privées et une situation qui aurait pu dégénérer s’il n’était pas intervenu rapidement, Mike a décidé d’obtenir son permis d’agent de gardiennage. Offert par le Bureau de la sécurité privée, ce permis est obligatoire depuis 2010 pour toute personne souhaitant travailler comme videur dans un établissement, sous peine d’amende. « C’est seulement quelques heures de formation, mais ça t’apprend vraiment les bases du métier. C’est pas juste d’être fort et imposant ; c’est sûr que ça aide, mais personne ne devient bouncer pour le plaisir de se pogner avec le monde. Le physique est important pour bien pouvoir faire sa job, mais c’est 95% du travail social et mental », dit le videur d’expérience.
On en voit de toutes les couleurs!
Comme vous pouvez vous en douter, après près d’une décennie de métier, Mike déborde d’anecdotes de soirées et de clients cauchemardesques. Au-delà des habituelles querelles de bar (« Beaucoup de gars qui se battent pour des filles qui veulent rien savoir d’eux »), il y a aussi des gens qui essaient d’entrer avec des armes sur eux ou des client.e.s déjà trop soûls à leur arrivée.
« Une fois, il y a même un gars qu’on avait sorti parce qu’il dérangeait les clients, raconte Mike. Quelques minutes plus tard, des gens se sont plaints que ça sentait l’essence dans le bar. On a trouvé le gars derrière, il était en train de verser du gaz autour du bar ! »
« j’ai l’air de rien comme ça, mais quelqu’un qui s’essaie aura vite affaire à moi, je suis rapide pour régler les situations. »
Bien que ce soit un métier qui peut, à la longue, devenir payant, plusieurs bouncers ont des emplois plus communs durant le jour. Musiciens, tatoueurs ou même athlètes. « Il y a aussi beaucoup de gens qui travaillent comme agents de sécurité dans des magasins ou des buildings ». Mike a un poste régulier, à salaire annuel, dans un bar du Vieux-Montréal qui lui permet de ne faire que ça, bien qu’il caresse le rêve d’un jour « faire la palette avec les streams » de jeux vidéo sur Twitch.
Un bon side gig
Pour ceux qui voudraient se lancer à temps plein, il explique que le salaire dépend de plusieurs facteurs. L’âge, le physique, l’expérience et le carnet de contacts ont tous un effet sur la rémunération d’un videur, mais il estime que la moyenne varie entre 15$ et 25$ de l’heure, selon l’endroit et la soirée.
Certains bars et restaurants partagent leurs pourboires avec les videurs. Dans certains établissements plus cossus, ou encore dans des endroits comme les bars de danseuses nues, les gens donnent un pourboire au portier, et ça peut devenir une partie non négligeable de ses revenus.
« C’est un peu comme être serveur, conclut Mike. C’est beaucoup plus facile quand t’es jeune, tu supportes mieux la fatigue et le fait d’être debout toute la soirée. Mais si tu aimes vraiment ce que tu fais, tu acquiers des compétences différentes qui te permettent de progresser et te faire un nom, pour pouvoir faire ce métier-là longtemps. Moi, c’est parce que j’ai l’air de rien comme ça, mais quelqu’un qui s’essaie aura vite affaire à moi, je suis rapide pour régler les situations. C’est ma carte de visite, mon move spécial ! »