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Combien ça gagne, un barbier?

Un emploi qui mélange psychologie, diplomatie et art!

Par
Billy Eff
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Il y a un endroit magique où les hommes se réunissent pour parler de choses importantes, où l’on peut tout dire sans crainte et sans jugement. Et, de manière plus importante, d’où ils ressortent changés, la plupart du temps pour le mieux. Non, pas le vestiaire de la salle de sport. Pas la taverne miteuse du coin non plus. Je parle du salon de barbier.

Demandez à n’importe quel gars de vous parler de la relation qu’il entretient avec son barbier et vous verrez des étoiles dans ses yeux. Un barbier, c’est presque comme un psy, mais il améliore ton look en plus. Et si pendant longtemps, on s’imaginait un vieux monsieur sage et grisaillant à la lame affutée quand on pensait à un barbier, une nouvelle génération a rendu la profession cool et trendy!

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On a donc parlé à Jeremy Wilde, propriétaire du Wilde Cutting Club à Westmount et élu meilleur barbier aux Prix Manology en 2018, pour lui parler de son travail et lui demander : combien ça gagne, un barbier?

Quatre95 : Salut Jeremy! Comment es-tu entré dans le monde de la coiffure pour hommes?

«Comme n’importe quel métier d’artisan, il faut payer son équipement, et mes clippers me coûtent calicement cher. »

JW : Par hasard, en fait! Je venais de sortir de l’école de photographie, et je me suis mis à recevoir des contrats pour des concours de coiffure. Je me suis rapproché de mon barbier de l’époque, et le monde de la coiffure m’a beaucoup intéressé, je trouvais ça cool. Créativement, je vois ça un peu comme un sculpteur devant un bloc de marbre. Je regarde les cheveux de quelqu’un et je me questionne sur tout ce que je pourrais créer avec. Je trouvais intéressant de repousser les limites de ce qui est normalement vu comme une nécessité, et d’y trouver un plaisir créatif.

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J’ai dit à mon barbier que je voulais me lancer là-dedans. Il m’a dit : « Prouve-moi que tu veux le faire. Va à l’école faire tes diplômes, reviens me voir après et je vais te montrer tout ce que t’as à savoir.»

Il y a une question que les plus vieux d’entre nous se posent : pourquoi est-ce que c’est rendu aussi cher une coupe de cheveux? Comment fais-tu pour déterminer le prix d’une coupe?

C’est vrai que c’est le genre de situation où les gens se souviennent d’un prix tel qu’il était et auquel ils se sont habitués. Mais ce n’est pas normal que mon épicerie coûte plus cher, que mon loyer coûte plus cher, mais que les gens s’attendent à payer une coupe 20 $ toute leur vie.

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La localisation va aussi influencer le prix. Je suis à Westmount, donc mes coupes coûtent forcément plus cher que si je faisais la même chose à Saint-Jean-sur-Richelieu. Ça a aussi à voir avec ta réputation, ton expérience. Et comme n’importe quel métier d’artisan, il faut payer son équipement, et mes clippers me coûtent calicement cher.

«Le barbier moyen peut toucher un revenu qui approche des 50 000 $ par année.»

Et je suis en constant apprentissage, je suis des formations tous les mois, je vais à des conventions. Il faut que je sois au courant des dernières tendances, des dernières techniques, pour pouvoir offrir la meilleure expérience à mes clients. Et si mon client veut la meilleure coupe avec toutes mes connaissances et mon expérience, ç’a un prix, car je paie pour mes formations.

Au-delà des coupes, comment est-ce qu’on peut faire de l’argent, en tant que barbier ?

Évidemment, plus tu fais de coupes, plus tu fais de cash! Une fois les pourboires pris en considération, le barbier moyen peut toucher un revenu qui approche des 50 000 $ par année.

Après, il y a plusieurs options, mais je crois que la meilleure est de faire de l’éducation. Par exemple, je suis récemment devenu artiste Redken, ce qui veut dire que je donne des formations au nom de la marque, sur comment utiliser ses produits, auprès d’autres coiffeurs. Donc si quelqu’un réussit à avoir un contrat du genre, ça augmente sa visibilité, sa crédibilité.

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Y a-t-il une coupe dont tu es particulièrement fier?

Il y en a plusieurs. Instinctivement, je pense à la fois où je suis allé à Londres, quand David Beckham m’a engagé pour styler les modèles au lancement de sa marque.

«J’ai des relations avec des gars qui n’ont personne à qui parler sauf moi.»

Mais, sans être cliché, je crois que je suis surtout fier des coupes où un gars random s’assoit dans ma chaise et qu’il a besoin de parler. Les gens ne se rendent pas compte à quel point on fait une différence dans la vie des gens. J’ai des relations avec des gars qui n’ont personne à qui parler sauf moi. Donc je suis beaucoup plus fier de faire une différence dans la vie d’un gars qui a besoin de parler, et je sais que je lui ai fait du bien. Il ressort et il est non seulement très beau, mais il se sent mieux! Ça peut tellement booster l’estime de quelqu’un.

As-tu déjà vraiment scrappé une coupe?

Il y en a une qui me donne encore des cauchemars à ce jour.

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C’était ma deuxième journée à un tout nouveau salon, et j’étais entouré de légendes de l’industrie. Il y avait un jeune dont je coupais les cheveux depuis quelque temps, et il est venu me voir ce jour-là, juste avant son bal de graduation.

Il voulait la même coupe que d’habitude, il l’aimait beaucoup et se trouvait beau avec. Il s’assoit dans ma chaise, je lui fais un dégradé, et pendant qu’on parle, je ne remarque pas que le guide de coupe sur ma tondeuse s’est détaché. Je lui avais rasé la moitié de la tête, j’ai vu ma vie défiler devant mes yeux!

«On est très chanceux de pouvoir faire ce métier, même si c’est difficile et demandant, surtout mentalement.»

J’ai essayé de la jouer cool, je lui ai suggéré qu’on lui fasse une coupe un peu différente, pour qu’il « pop » encore plus à son bal. Mais il continuait de me dire que non, il voulait sa coupe habituelle, qu’elle le rendait beau et confiant. J’ai finalement dû lui admettre que j’avais fuck up, j’ai tenté de faire du mieux que je pouvais pour le rendre beau, mais je n’étais pas très bon à faire des dégradés à l’époque. Donc un autre barbier a dû venir finir sa coupe pour moi.

Le kid est parti fâché, et il n’est jamais venu me revoir!

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Que donnerais-tu comme conseil à quelqu’un qui voudrait se lancer dans l’industrie?

Je lui dirais de ne pas faire ça pour le clout, ou parce que c’est un trend. C’est vraiment un très beau métier, très humain, où on fait de belles connexions avec des gens qu’on n’aurait sûrement jamais rencontrés autrement. On est très chanceux de pouvoir faire ce métier, même si c’est difficile et demandant, surtout mentalement. Il faut entretenir des conversations avec 10 personnes dans la même journée, et dans le contexte actuel, ça fait un an et demi qu’on parle 10 fois par jour de COVID.

On a des kids qui viennent depuis longtemps, on les voit grandir et évoluer. On fait réellement une différence dans la vie des gens, c’est tellement gratifiant.