On peut collectivement reprendre notre souffle : oui, les Canadiens feront les séries! Tandis que nos Habs se préparent à affronter les Capitals de Washington, la « troisième équipe » se prépare, elle aussi, à se lancer sur la glace, armée de chandails zébrés et d’un calme à toute épreuve.
Les salaires des joueurs de hockey sont connus de tous et font parfois grincer des dents. Mais qu’en est-il de ceux qui scrutent le jeu à la loupe?
Est-ce qu’un arbitre de la LNH roule autant sur l’or qu’un joueur de hockey?
La réponse courte : non, mais ils ne sont pas à plaindre non plus.
La troisième équipe sur la glace
Avant de parler chiffre, il faut faire la distinction entre les deux catégories d’officiels : les arbitres et les juges de ligne. Ensemble, ils forment une escouade de quatre qui patinent avec (presque) autant de cardio que les joueurs.
« On est une équipe indispensable pour le bon déroulement du jeu », explique Sylvain Losier, juge de ligne pour la Ligue de hockey junior Maritimes Québec (LHJMQ) depuis 32 ans.
Les arbitres gèrent les punitions et la sécurité, tandis que les juges de ligne s’occupent des mises au jeu, des hors-jeux et signalent les infractions si les arbitres ne les ont pas vues.
Son mantra est clair : « Si les joueurs n’ont pas besoin de nous, notre but c’est de se faire le plus discret possible ».
Une déclaration qui en dit long sur son rôle : être partout sans se faire remarquer. Ni héros ni vedettes. Juste les garants d’un jeu fluide, juste, et sécuritaire.
Beaucoup d’appelés, très peu d’élus
Les officiels de la LNH sont peu nombreux. On parle ici de 35 arbitres et 35 juges de ligne. Ils sont la crème de la crème.
Pour ce qui est de la LHJMQ, le nombre est presque aussi restreint, avec 50 arbitres et 50 juges de ligne.
Ce sont ceux qui sont parvenus à parfaire un mélange de confiance en soi et de sang-froid, même quand deux équipes de joueurs et d’entraîneurs te crient dans le casque, explique Dan Hanoomansingh, le responsable des officiels chez Hockey Canada.
Côté contrat, les officiels de la LNH sont représentés par la NHLOA (l’Association des officiels de la LNH) et la LNH prend en charge le reste : « horaires, vols d’avion, assignations de matchs et formations », énumère Dan.
Pour ce qui est de la question qui nous brûle les lèvres, dans une saison comprenant 82 matchs, les arbitres en supervisent en moyenne 73 et leur salaire débute aux alentours de 230 000 $.
D’après la NHLOA, le salaire des arbitres peut atteindre jusqu’à 545 000 $, selon l’expérience. Les juges de ligne évoluent dans une fourchette plus basse, entre 150 000 $ et 330 000 $.
Pour comparaison, les salaires des joueurs du CH vont de 812 500 $ (Michael Pezzetta) à 10 millions $ (Nick Suzuki), avec une moyenne de 3,5 millions $ par saison.
Bien qu’il n’existe aucun lien officiel entre la LNH et Hockey Canada, le système est bien rodé : « Beaucoup d’officiels qui travaillent dans la LNH sont issus de notre programme ou du programme de USA Hockey », explique Dan.
Le sommet chez Hockey Canada? Les Championnats du monde de hockey sur glace. Dan cite l’exemple d’Elizabeth Manha, une Montréalaise qui se trouve actuellement en Tchéquie pour les Championnats du monde féminin.
Hors LNH : l’amour du jeu, plus que du chèque
Ces montants ne reflètent cependant pas la réalité de ceux et celles qui œuvrent en dehors de la LNH.
« Il y a clairement un grand saut salarial lorsqu’on passe du niveau amateur au niveau professionnel », note Dan.
Pour les catégories plus jeunes, comme les U7 ou U9, on parle d’une quinzaine de dollars par partie. Ensuite, les salaires augmentent avec l’expérience.
Sylvain nuance les chiffres : « Souvent, les gens s’étonnent en apprenant qu’un arbitre dans la LHJMQ peut toucher environ 350 dollars par match. Ça semble beaucoup. Mais si on prend du recul, on réalise qu’une bonne partie de ce montant sert à couvrir toutes les dépenses nécessaires pour pouvoir être sur la glace. »
En dehors de la LNH, les officiels déboursent de leur propre poche pour leur équipement. Et ça monte vite : « Une paire de patins, pour moi, c’est facilement 1 200 dollars, aux deux ou trois ans », avoue Sylvain.
« En dehors de la LNH, pratiquement tous les officiels que vous voyez en Amérique du Nord ont un autre emploi », explique Dan.
C’est le cas de Sylvain qui a été pompier pour la Ville de Montréal pendant 27 ans, avant de troquer son casque rouge pour la craie et le tableau et de devenir enseignant.
Même dans les ligues de haut niveau, on reste pour la passion plutôt que le chèque. Cette passion qui, chez Sylvain, lui « coule dans les veines » après 32 ans, et qui, chez Dan, ne faiblit pas, après 21 ans d’arbitrage : « Chaque année a été une bonne année. »
L’envers du sifflet
Cette passion devient souvent une bouée de sauvetage pour les arbitres, dont la résilience est mise à l’épreuve dès le plus jeune âge.
« Il y a toujours un match dont tous les arbitres vont se rappeler », lance Kylian, 25 ans, et qui arbitre depuis ses 12 ans.
Imaginez : à 14 ans, vous devez prendre une décision cruciale sous les regards accusateurs d’adultes qui attendent que vous déterminiez l’avenir de leur Sidney Crosby en devenir.
Pour certains, s’engueuler avec des parents, c’est trop et certains s’arrêtent là. « J’ai des amis qui ont lâché après ce match », confie Kylian. « Soit t’arrêtes, soit tu comprends ce que c’est, l’arbitrage, et tu t’endurcis. »
Et cette pression-là, elle s’accroche, explique Sylvain : « Des fois, les gens vont dire : “Il me semble que ça a été long avant que l’arbitre décide.” Mais c’est long pour toi, qui es assis dans les estrades, ou devant ta télé, mais pour nous, ça se passe en une fraction de seconde! »
Une étude canadienne publiée en 2022 révèle d’ailleurs que le plus gros facteur de stress chez les arbitres n’est pas les insultes, mais plutôt la peur d’avoir pris la mauvaise décision.
Dan, lui, confirme que cette pression latente, cette peur de mal faire, est ce qui revient le plus dans les témoignages des officiels. Bien plus que les débordements verbaux.
« Moi, des erreurs, j’en fais encore », avoue Sylvain. « Je tente de les minimiser, mais l’important, c’est de comprendre pourquoi on les a faites et d’en tirer des leçons. »
Pour gérer cette pression, Sylvain parle des « variables contrôlables » : la connaissance des règlements, la connaissance des procédures, la forme physique et l’habileté sur patin.
Parce que non, l’arbitrage ne se résume pas à lever le bras et surveiller les hors-jeux. Il faut aussi savoir lire les émotions : « On va observer attentivement si certains joueurs montrent des signes d’émotion forte », explique Sylvain.
Et lorsqu’il faut intervenir, l’arbitre doit désamorcer la situation, verbalement ou physiquement, tout en gardant son calme.
Bref, il faut autant d’intuition que de technique. Qui aurait cru qu’il fallait presque un doctorat en psychologie pour arbitrer?
L’école sur la glace
« C’est une école de vie », dit Sylvain. On y apprend à communiquer, convaincre, garder son calme, et surtout, faire preuve d’humilité : « Je me suis trompé, c’est mon erreur. » Un réflexe essentiel dans ce métier où chaque décision compte.
Alors, pendant la prochaine game des Canadiens, pensez à la « troisième équipe » sur la glace – celle qui veille à ce que le jeu reste juste et sécuritaire, tout en se faisant huer par des partisans qui ont bu l’équivalent de leur poids en Molson.