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Coco Belliveau, pansexuelle, visible

L’humoriste veut être le modèle dont elle aurait eu besoin plus jeune.

Par
Sarah-Florence Benjamin
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Coco Belliveau est humoriste, artiste multidisciplinaire, et une grande fan de la série Bridgerton. Elle a beau enchaîner les épisodes, c’est trop peu souvent qu’elle voit sa propre histoire montrée à l’écran.

Encore en 2022, les femmes de la diversité sexuelle sont peu visibles dans l’espace public et les médias. Une tendance que Coco Belliveau espère pouvoir changer en tant que porte-parole de la 40e Journée de la visibilité lesbienne, qui aura lieu le 26 avril prochain.

Et par « visibilité lesbienne », on entend tout ce qui touche les femmes de la diversité sexuelle, peu importe leur orientation, qu’elles soient lesbiennes, bisexuelles, asexuelles, en questionnement ou pansexuelles, comme c’est le cas pour la porte-parole.

En toute candeur, l’humoriste se confie sur son expérience de la lesbophobie, ses espoirs pour l’avenir et son gros kick sur Manon Massé.

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Qu’est-ce qui t’a motivée à devenir porte-parole de la Journée de la visibilité lesbienne?

C’est une cause qui m’a toujours tenu à cœur. Moi-même, je suis arrivée sur le tard à propos de ma sexualité, parce que je n’avais aucun exemple positif autour de moi. La lesbophobie que je vivais m’a fait faire beaucoup de déni. Au secondaire, je me faisais traiter de « gaie » à cause de mon habillement ou de ma façon d’agir, et je ne voulais pas l’être, parce que c’était juste une insulte. Quand t’es isolée, tu ne sais pas ce que tu vis, c’est normal.

Maintenant, je vois aller ma petite sœur, qui fait aussi partie de la diversité sexuelle, et elle fait plein d’actions concrètes pour rejoindre les autres jeunes LGBTQA+ à son école, pour leur donner de la visibilité et un endroit sécuritaire. J’avais envie de moi aussi faire quelque chose. Je suis quelqu’un qui a souvent pris parole pour moi : maintenant, je prends la parole pour les autres. J’aimerais ça être ce dont j’aurais eu besoin dans mon petit village au Nouveau-Brunswick, dans le temps.

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C’est quoi, la lesbophobie?

C’est une discrimination qui touche toutes les femmes qui aiment les femmes, qui se base sur leur sexualité. Donc ça touche les femmes lesbiennes, pansexuelles, bisexuelles, queer, etc. Ça peut prendre la forme d’attitudes négatives, de discrimination, de rejet, d’invisibilisation, mais aussi de haine et de violence. C’est à l’intersection entre l’homophobie et le sexisme, donc c’est comme un épisode crossover, mais vraiment pas le fun.

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Pour les 40 ans de la Journée, le Réseau des lesbiennes du Québec a lancé la campagne « Invisibiliser, c’est discriminer ». Comment ces deux phénomènes sont-ils liés selon toi?

Imagine pendant un moment que c’est le monde à l’envers, que dès que tu ouvres la télé, tout ce que tu vois, c’est des lesbiennes. Donc toi, si t’es pas lesbienne, il faut que tu te projettes sur quelque chose qui ne te ressemble pas, mais tout le temps, parce qu’il n’y a jamais personne comme toi dans l’histoire.

Et comme tu ne te vois jamais représentée, tu te dis que ça doit être parce que ce n’est pas normal, ce que tu ressens. On ne peut pas inventer des exemples dans notre tête tout le temps, on a besoin de voir aussi!

Qu’on assume que tout le monde est hétéro jusqu’à preuve du contraire, ça devient fatigant à la longue. Ça t’oblige à faire des coming out continuels. Juste par exemple, inviter ta blonde au party de Noël du bureau. Tu ne sais pas comment ton boss va réagir, tu ne sais pas si ça va être malaisant, ou s’il va y avoir des conséquences réelles au fait de t’exposer. On veut être visibles, mais on n’est pas toujours en sécurité quand on l’est.

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Imagine juste pouvoir rentrer dans une pièce comme ça, sans te poser de question, sans te demander comment t’es perçue : wow! À la longue, ça devient fatigant de devoir faire ta petite danse pour le reste de la société pour éviter de passer ta journée à recevoir des micro-agressions. Il faudrait que tout le monde assume que tout le monde est gai jusqu’à preuve du contraire, juste un petit peu, question d’égaliser, me semble.

Être représentée, OK, mais est-ce que toute représentation est nécessairement bonne?

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Il y a des tendances qui reviennent souvent quand on voit des femmes de la diversité sexuelle dans les médias. Soit c’est toujours des filles super sexy montrées de manière très pornographique ou des femmes très masc/butch qui sont censées faire peur, et rien entre les deux. Il manque encore pas mal de diversité dans les représentations. Donnez-moi une madame que ça fait 65 ans qu’elle est avec sa blonde, ou une fille grosse comme moi!

Elle est où mon histoire à la Bridgerton où tout finit par fonctionner à la fin? J’aimerais des histoires où ça fait juste adonner que les personnages sont lesbiennes, mais que ce n’est pas vu comme un obstacle. Un moment donné, quand toi-même tu vis de la lesbophobie, c’est frustrant de voir que toutes les représentations dans les médias tournent autour du fait que c’est difficile d’être lesbienne.

C’est toujours : « C’est normal, dans le temps, ce n’était pas autant accepté. » Il est où, alors, mon film qui se passe dans le futur où tout le monde est gai et que c’est OK?

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Si tu pouvais faire disparaître un mythe à propos des femmes de la diversité sexuelle, lequel ce serait?

Je suis tellement tannée que les gens demandent : « C’est qui le gars et c’est qui la fille? » Y’en a pas de gars, c’est le but!

Mais tu finis par l’entendre tellement souvent que tu l’intègres dans tes relations. On essaie de forcer la même dynamique des relations hétéros sur les relations queer, alors que ce n’est pas la même chose du tout. Arrêtez de chercher c’est qui qui porte les pantalons, tout le monde porte des pantalons!

Si tu devais nommer une femme de la communauté lesbienne qui t’inspire, qui ce serait?

Manon Massé, je trippe tellement sur Manon Massé. Je veux jouer Manon Massé dans un futur biopic. J’ai un gros crush et je suis totalement sérieuse, j’ai des papillons dans le ventre quand je pense à elle. Vous, au Québec, vous l’avez eu toute votre vie, mais moi, j’aurais eu besoin d’une Manon Massé d’où je viens. Elle est de tous les combats qui me tiennent à cœur et elle est toujours là pour les autres. Vraiment, elle m’impressionne tellement!

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Il y a tellement de monde que je voudrais nommer, tout le monde au Réseau des lesbiennes du Québec, Judith Lussier, Calamine, Sarahmée! Il y a encore tellement de richesse et de talent dans cette communauté qu’on ne voit pas. Il faut que les gens nous voient et comprennent qu’on n’est pas si différentes. Plus le public sera exposé à une diversité de personnes, plus ça sera normalisé.

Et quand quelqu’un qui n’a jamais rencontré de lesbienne de sa vie va finalement en rencontrer une, ça ne sera pas son premier contact de toute son existence. C’est la mission que je me suis donnée, mais il y a une responsabilité des médias de faire rayonner cette communauté incroyable.