« Jâai juste vu un film dâhorreur depuis le tournant du millĂ©naire. »
Jean-SĂ©bastien Girard ne se souvient pas du titre et sait pas trop non plus pourquoi il vient regarder Terrifier 3 avec moi, mais il est bien prĂ©parĂ©. Tel le Petit Chaperon rouge qui gambade allĂšgrement vers la maison de mĂšre-grand, il se laisse porter par lâescalier roulant (et le doux fumet de beurre) du cinĂ©ma Banque Scotia Ă MontrĂ©al. Avant quâon ne pĂ©nĂštre dans la salle, il mâexplique avoir quand mĂȘme fait ses devoirs et sâĂȘtre informĂ© sur ce qui lâattend.
Il est beaucoup trop calme pour un novice de lâhorreur. Câest louche.
La semaine derniĂšre, dĂšs sa sortie, Terrifier 3 sâest hissĂ© au sommet du box office nord-amĂ©ricain avec une rĂ©colte de 18,9 millions de dollars, soit neuf fois la valeur de son budget de production. Câest non seulement un exploit pour un film dâhorreur indĂ©pendant, mais ça lâest encore plus si lâon considĂšre quâil a dĂ©trĂŽnĂ© Joker : Folie Ă deux, un film de Warner Brothers qui aurait coĂ»tĂ© au studio la faramineuse somme de 300 millions de dollars, incluant les dĂ©penses de marketing.
Vous trouvez peut-ĂȘtre ça sadique, dâemmener quelquâun qui nâa rien demandĂ© voir un film gore et dĂ©pravĂ©, mais qui de mieux placĂ© pour un peu dâinfamie cinĂ©matographique que Jean-SĂ©bastien-le-pas-fin qui a rĂ©cemment semĂ© une « controverse » avec des blagues sur Dany Turcotte Ă Tout le monde en parle?
* rire diabolique *
« Jâai jamais pensĂ© que câĂ©tait du vrai monde. »
Par solidaritĂ© pour Jean-SĂ©bastien, je nâai pas regardĂ© les deux premiers Terrifier avant notre virĂ©e cinoche. Mais pour vous faire une histoire courte : la sĂ©rie raconte lâhistoire dâArt le Clown, sorte de croisement dĂ©moniaque entre Jason Voorhees et Marcel Marceau, qui laisse un vĂ©ritable charnier derriĂšre lui partout oĂč il passe. Loin de prĂ©tendre ĂȘtre du grand cinĂ©ma, le principal argument de vente de Terrifier est que chaque film se veut plus sanglant que le prĂ©cĂ©dent, et le scĂ©nariste et rĂ©alisateur Damien Leone sait tenir cette promesse.
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Dans Terrifier 3, Art le Clown revient dâune mort par dĂ©capitation (je vous jure!) pour tenter de dĂ©truire sa nĂ©mĂ©sis, la jeune Sienna Shaw. Par « dĂ©truire », jâentends torturer, assassiner et mutiler les cadavres de tous les gens quâelle aime jusquâĂ ce quâelle perde le goĂ»t de sâaccrocher Ă la vie. Devant ce spectacle de dĂ©pravation soutenue de deux heures, on perd le goĂ»t un peu aussi.
Comment Jean-SĂ©bastien sâest-il dĂ©brouillĂ© pendant ces deux heures de carnage infernal? Mieux que moi.
« Je regarde beaucoup dâĂ©missions mĂ©dicales », mâavait-il admis, juste avant la projection. « Dre Boutons, ça mâĂ©cĆure pas. Ben, câest dĂ©gueulasse, lĂ . Mais je regarde pareil. »
Lâanimateur de Jeannot BBQ et membre honorifique du lĂ©gendaire trio de La journĂ©e (est encore jeune) ne sâest donc pas offusquĂ© des multiples dĂ©membrements et kilomĂštres de viscĂšres humains exposĂ©s Ă lâĂ©cran. « Les intestins dans lâarbre de NoĂ«l, la tĂȘte Ă la place de lâĂ©toile au sommet, jâai trouvĂ© ça drĂŽle jusquâĂ un certain point. Je suis bĂ©bĂ© de mĂȘme. Dâhabitude, un film dâhorreur, ça bĂątit ses scĂšnes de peur. LĂ , câĂ©tait tellement trash tout le temps que jâai jamais pensĂ© que câĂ©tait du vrai monde. »
En fait, ce film est tellement triomphalement violent que ses moments les plus dĂ©rangeants (particuliĂšrement la scĂšne finale qui nous a affectĂ©s tous les deux) Ă©taient plutĂŽt conceptuels. Ce ne sont jamais le meurtre ou la blessure qui dĂ©goĂ»tent le plus, mais lâintention derriĂšre.
Notamment la cruautĂ© diabolique dâArt le Clown et de Victoria, sa sous-fifre. Surtout lorsque vient le temps de faire souffrir Sienna, la nouvelle protagoniste de la sĂ©rie. La souffrance physique, câest une chose. Mais Terrifier 3 cumule violences physique et Ă©motionnelle Ă lâĂ©cran comme peu de films lâont fait auparavant.
« Ăa faisait une heure et demie que je voyais des choses dĂ©gueulasses et ça ne me dĂ©rangeait pas tant. Toute cette indiffĂ©rence aurait dĂ» cumuler vers plus dâindiffĂ©rence, mais Ă un moment donnĂ©, câest devenu trop pour moi. Jâai dĂ» prendre quelques respirations pour faire passer mon mal de cĆur. »
Fan inconditionnel de true crime, Jean-SĂ©bastien sâest dĂ©jĂ questionnĂ© sur ce qui motive les gens Ă consommer du contenu morbide. AprĂšs tout, les boucheries dâArt le Clown font courir les foules.
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« Jâpense que personne ne rĂȘve dâĂȘtre Art le Clown dans la vraie vie, mais câest le cĂŽtĂ© transgressif de la chose qui sĂ©duit. Regarder, dans un contexte sĂ©curitaire, des choses quâon nâa pas le droit de faire dans la vraie vie, y a quelque chose de satisfaisant lĂ -dedans. Câest super clichĂ©, mais on se sent vivant. On se tortille sur notre chaise, y a quelque chose qui se passe », philosophe-t-il.
Tenez-vous-le pour dit, Terrifier 3 relĂšve plus de lâĂ©preuve dâendurance et du test dâempathie que de lâexploit cinĂ©matographique. Câest immoral, dĂ©goĂ»tant, rĂ©voltant, mĂȘme, mais on sort du visionnement avec la mĂȘme dĂ©charge dâadrĂ©naline quâun enfant de huit ans qui vient de traverser sa premiĂšre maison hantĂ©e.
Les clowns dĂ©moniaques de lâInternet
Morale de lâhistoire : Jean-SĂ©bastien Girard sait faire preuve de sang-froid. Ce mois-ci ni Art le Clown ni Guy A. Lepage ne sont parvenus Ă lâintimider. AprĂšs son baptĂȘme Ă titre de fou du roi de Tout le monde en parle, il revient sur lâexpĂ©rience.
« JâĂ©tais juste vraiment bien. JâĂ©tais content dâĂȘtre lĂ . Jâai regardĂ© lâĂ©mission, dimanche, et je me suis dit : âAh, jâsuis pas lĂ . Câest plate.â On dirait que je suis dĂ©jĂ attachĂ© Ă ce bateau », me confie-t-il autour dâun cafĂ© aprĂšs le film.
« Par contre, il nây a rien qui suscite autant de violence que Tout le monde en parle », souligne Girard, qui sâest gardĂ© de lire ce quâon disait de son passage Ă lâĂ©mission.
Avant dâen devenir un des fous du roi (spoiler alert : il devrait revenir), Jean-SĂ©bastien Ă©tait un fidĂšle tĂ©lĂ©spectateur de lâĂ©mission, trĂšs familier avec le vitriol des internautes envers les invitĂ©s de lâĂ©mission phare du dimanche soir Ă Radio-Canada. Le fou du roi est aussi une cible de choix pour la colĂšre et les insultes du public. Câest dâailleurs (entre autres) cette hostilitĂ© qui Ă©tait venue Ă bout de Dany Turcotte, le premier fou du roi de lâĂ©mission.
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Habituellement, Jean-SĂ©bastien lit tous les commentaires lorsquâil participe Ă une Ă©mission dâenvergure, comme Bonsoir bonsoir!. « Je les lis pour prendre le pouls. Si je mâempĂȘchais de lire Ă cause des haters, je mâempĂȘcherais aussi dâavoir un contact avec tous ceux et celles qui me disent des affaires le fun et gentilles. »
« Y a 25 madames qui me disent que jâai fait leur journĂ©e pour trois qui me disent que jâsuis un gros cave. TsĂ©. »
MĂȘme sâil sâest tenu loin des commentaires, Tout le monde en parle est si populaire que certains Ă©chos sont quand mĂȘme parvenus jusquâĂ lui. Plusieurs articles de sites web Ă potins ont colportĂ© les Ă©tats dâĂąme des tĂ©lĂ©spectateurs, soulignant notamment la rĂ©action des internautes aux blagues faites au sujet de lâentrevue avec Dany Turcotte, la semaine prĂ©cĂ©dente. « MĂȘme si tu dĂ©cides de pas les regarder, tu vois quand mĂȘme les bonhommes fĂąchĂ©s sur les posts. Ăa finit par te rejoindre », explique Girard.
MalgrĂ© les railleries qui lui ont attirĂ© les foudres des internautes, Jean-SĂ©bastien Girard comprend ce quâa vĂ©cu lâex-fou du roi. « Je sais que Dany lisait beaucoup les commentaires, et Ă moins dâĂȘtre psychopathe, lire 500 fois de suite âtâes un gros caveâ, âtâes laidâ, âtâes dĂ©bileâ, tu vas pas te dire chaque fois âpauvre monsieur, tâes tellement tristeâ. Ăa peut pas ne pas avoir dâimpact sur toi. »
Le minotaure de La soirée (est encore jeune)
Jean-SĂ©bastien Girard a la rĂ©putation dâĂȘtre un baveux notoire et sans merci. Il existe des lĂ©gendes urbaines Ă son sujet et un collĂšgue mâa mĂȘme dĂ©jĂ dit : « ParaĂźt que ce gars-lĂ , si tâes pas capable de le niaiser aussi, il te respectera pas. »
« Ah, mon Dieu! Bon, jâai peut-ĂȘtre un petit cĂŽtĂ© baveux, oui. Lâhumour irrĂ©vĂ©rencieux me fait rire », confie le principal intĂ©ressĂ©, visiblement amusĂ© par lâanecdote. « Câest ça que jâai mis de l âavant Ă La soirĂ©e, et ça a captĂ© lâattention. Au dĂ©but, jâai mis lâaccent lĂ -dessus, mais quand on est passĂ©s au direct et quâon avait 4 heures Ă faire, jâpouvais pas juste envoyer chier les gens tout le long. Mais câest sĂ»r que ça me suit. »
Jean-SĂ©bastien me raconte avoir fait un numĂ©ro avec Sonia Vachon (quâil nâavait jamais rencontrĂ©e) pour lâĂ©pisode de PriĂšre de ne pas envoyer de fleurs de Marie-Claude Barrette. AprĂšs une journĂ©e de rĂ©pĂ©tition (selon Sonia trĂšs agrĂ©able), cette derniĂšre lâa remerciĂ© et lui a avouĂ© nâavoir pas dormi de la nuit prĂ©cĂ©dant le tournage parce quâelle Ă©tait terrorisĂ©e dâavoir Ă cĂŽtoyer « le mĂ©chant de La soirĂ©e ».
Câest difficile dâĂ©branler Jean-SĂ©bastien Girard.
Câest pas un vrai de vrai mĂ©chant, mais câest un tough qui sâignore. MĂȘme Art le Clown a dĂ» massacrer fort pour lui soutirer une quelconque rĂ©action. Pour quelquâun qui se dĂ©crit comme anxieux, il a dĂ©veloppĂ© une capacitĂ© remarquable Ă gĂ©rer la pression et les nouvelles situations.
Ce ne sont pas les petits clowns de lâInternet ou mĂȘme ceux du grand Ă©cran qui vont lâarrĂȘter.