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Cirque Hors Piste : un tremplin pour les jeunes marginalisés

Trouver l’équilibre, sur scène comme dans la vie.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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« Dès que je suis arrivée à Hors Piste, j’ai su que j’étais dans mon élément, que j’étais enfin à la bonne place. »

Avec son maquillage, ses yeux pétillants et son enthousiasme débordant, CJ ne cache pas sa fébrilité à quelques minutes de son numéro, présenté en marge du festival Montréal complètement cirque.

La jeune artiste de 27 ans fait partie du Cirque Hors Piste, dont le spectacle était prévu dimanche en début de soirée, à l’occasion du Carnaval de cirque social.

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Créé en 1995 en partenariat avec le Cirque du Soleil (et devenu en 2011 un OSBL volant de ses propres trapèzes), le Cirque Hors Piste propose un « espace alternatif et inclusif de création aux jeunes ayant un parcours de vie marginalisé ».

Des jeunes comme CJ, qui s’est présentée il y a quelques années à la porte de l’église désacralisée Sainte-Brigide-de-Kildare dans le quartier Centre-Sud, où se déroulent les activités du cirque. « C’est un ami qui m’a parlé du cirque à un moment où je n’allais vraiment pas bien, où j’avais besoin de me recentrer dans la vie », confie cette verbomotrice, évoquant un passé difficile marqué par l’itinérance et la consommation. « J’étais en fait sans domicile fixe pendant longtemps, je voyageais beaucoup. Et même si je suis fucking chanceuse d’être bien entourée dans la vie, c’est dans ma tête que je cherchais un équilibre. »

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Cet équilibre, elle l’a trouvé chez Hors Piste, où elle a pris part jusqu’à présent à trois créations collectives, en plus de s’inscrire pendant un an à une école de cirque de Verdun. « J’avais jamais fait ça, sinon un peu de théâtre plus jeune », souligne celle qui se spécialise désormais dans le main à main (c’est elle la flyer, ce qui veut dire qu’elle fait des prestations en hauteur), la jonglerie et l’acrodanse.

Depuis, elle s’entraîne et continue de perfectionner son art, déterminée à en faire un métier, notamment en démarrant son propre collectif circassien.

Avant d’entrer en scène en pleine rue achanlandée, CJ lance des fleurs à son intervenante Marilou, qui l’épaule pour le volet humain depuis son arrivée à Hors Piste.

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La principale intéressée insiste sur l’accessibilité et la grande ouverture du cirque marginal. « [On accueille] des jeunes de 15 à 30 ans aux prises avec des problèmes de santé mentale, des déficiences intellectuelles, vivant l’itinérance, la pauvreté et des difficultés liées à leur diversité sexuelle, qui ne se retrouvent pas dans la société actuelle. En gros notre critère, c’est simplement : “Ça te tente-tu?” », résume Marilou Vinet.

L’intervenante de 28 ans formée en travail social a côtoyé pendant plusieurs années des gens en situation d’itinérance dans le cadre de son travail, avant de tomber en amour avec le Cirque Hors Piste. « Je me suis dit : “Oh my god! Ça existe! », lance Marilou, d’avis que la dimension artistique favorise grandement ses interventions. « Le côté cirque est moins formel et permet d’établir un lien de confiance. Certains jeunes viennent d’abord pour le côté social, rencontrer des gens, briser l’isolement et découvrir le monde du cirque de manière inclusive », constate Marilou, saluant au passage l’apport de sa petite équipe de moins d’une dizaine de personnes, sans oublier les instructeurs et instructrices de cirque.

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Le cirque se décline en plusieurs volets, axés sur le travail sur soi, les journées d’ateliers et les créations collectives. L’important, c’est que tout le mondey trouve son compte, résume Marilou, qui calcule rejoindre chaque année environ 1000 jeunes grâce au Cirque. « Ces jeunes apprennent qu’être différent constitue une force et un moyen d’exprimer leur créativité », résume l’intervenante, ajoutant que l’art permet aussi d’amener la société à porter un autre regard sur leur marginalité.

Le spectacle intitulé La valse des pouvoirs contient une portion déambulatoire et s’ébranle à l’angle des rues Sherbrooke et Saint-Denis en fin de journée, alors que le soleil plombe sur les badauds, nombreux.

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En gros, le show symbolise la mort des pouvoirs avec des personnages incarnant la magistrature, la politique, le journaliste etc. Bon, c’est peut-être pas ça pantoute, mais c’est de l’art et J’AI LE DROIT DE L’INTERPRÉTER À MA FAÇON.

Le cortège descend d’abord sur Saint-Denis au son d’une musique funèbre crachée d’un haut-parleur, agrippant les passant.e.s sur son passage. Si bien qu’à destination, sur la rue Émery, une foule monstre accompagne la petite troupe et prend place autour de quelques installations prévues pour le reste du spectacle.

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Les gens sont très enthousiastes et savourent cette création à la fois drôle et riche en prouesses techniques.

Bon, c’est pas le Cirque du Soleil non plus, mais c’est sympathique et bien rythmé grâce à une trame musicale des plus entraînantes. « Mesdames et messieurs genrés et non genrés, bienvenue à cet hommage à notre regretté disparu : le progrès », raille la maître de cérémonie Solène, avant de libérer le bitume pour une enfilade de tours d’équilibristes (avec une échelle, sur un cercueil ou en échasses) devant le cinéma du Quartier latin.

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CJ et Sabrina enchaînent avec une chorégraphie, la première suspendue à un gros cerceau.

La foule acclame chaleureusement les artistes. Elle reconnaît certainement le talent, mais peut-être aussi le chemin parcouru pour l’atteindre.