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Dans ma voûte aux lauriers, on y retrouve deux trophées. Le premier m’a été remis à la suite d’un stage effectué en Belgique. Le deuxième est une fabrication artisanale de mes amis. Le problème, c’est que ceux-ci nient catégoriquement l’existence du premier.
Pour me convaincre de leur conspiration selon laquelle “je n’ai jamais vraiment gagné ce premier trophée”, ils s’amusent à cacher dans mon appartement ce petit morceau de bois dument gagné.
Les salauds.
Généralement, je le retrouve – au péril de ma vie – en escaladant le comptoir afin d’accéder aux armoires du haut, entre coutellerie aiguisée et batterie de cuisine mal rangée. Des armoires habituellement abandonnées, puisque trop hautes pour que je puisse les atteindre en fauteuil roulant.
(Il y a assurément une métaphore sur le succès et la persévérance cachée quelque part dans ce sujet amené mais je ne saurais dire.)
Quoi qu’il en soit, pour “combler mon manque criant de reconnaissance”, mes amis m’ont offert ce joli totem d’oiseau en cage qui, là encore, doit certainement renfermer une métaphore dont la nature exacte m’échappe.
Ces inoffensives marques d’affection sous forme de cadeau et de cambriolage sont en fait un petit pied de nez à la dévotion exagérée que je voue à mon trophée.
Je les comprends : on m’a remis ce prix à la suite d’un stage dont la description de tâche officieuse incluait surtout “manger de délicieuses gaufres” et “faire acte de présence à l’accent exotique lors de soirées mondaines”. Des journées de labeur qui, au premier coup d’œil, n’auraient pas dû me faire gagner quelconque médaille, je l’admets.
Mais voilà : au risque de sonner comme cette fille qui a fait Katimavik il y a cinq ans et qui vous casse quotidiennement les oreilles avec ça depuis : ce stage a changé ma vie.
Et pour cela, je tire bien bas mon chapeau aux Offices jeunesse internationaux du Québec qui ont coordonné ce stage et qui m’ont invité, ce matin, à témoigner de mon expérience lors de leur séminaire annuel. Ce fut l’occasion de me remémorer le Kéven que j’étais avant d’avoir participé à ce projet.
Ce projet est arrivé à moi comme un cheveu sur la soupe, alors que je ne savais quoi faire de mes dix doigts et de mes deux diplômes universitaires. Incertain de mes ambitions, je vaquais d’un grenier aux emplois à l’autre sans trop savoir si j’avais vraiment envie d’entrer dans le merveilleux monde des adultes.
Parents, amis et conseillers professionnels me demandaient alors : “Dans quel domaine cherches-tu Kéven?” Pause. “Dans le domaine du possible”, que je répondais.
C’était à un moment où je doutais de mes capacités tant professionnelles que personnelles.
Je n’ai certes pas fait avancer la démocratie wallonne lors de mon séjour, vrai. Mais l’expérience a été l’impulsion nécessaire pour que je me trouve, à mon retour, un emploi pertinent dans lequel je me sens vraiment mis à contribution (ce qui était, en fait, le premier critère pour la remise des prix).
Elle m’a même permis de me trouver une tribune ici même, sur ce blogue. Elle m’a donné confiance en moi. Et aussi cliché l’expression puisse être, ce stage m’a permis de sortir de ma zone de confort (un territoire géographiquement délimité par une résidence universitaire, le sous-sol de mes parents et le bar du coin).
Et surtout, ce stage a dégagé cette ombre, au-dessus de moi. Ce petit préjugé socialement construit, comme quoi le handicap et l’autonomie sont deux notions qui s’opposent. J’ai pu défaire cette idée partagée par une grande foule anonyme de ceux et celles – dont je faisais peut-être partie – comme quoi je ne pouvais pas me débrouiller seul, sur un autre continent, sans aide.
C’est un peu ça que représente ce morceau de bois, en fait.
Dans tous les cas, merci et longue vie à LOJIQ!
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Pour l’occasion, le premier texte de Kéven : “Le voyageur à ‘mobilité réduite’ : prélude et 1er épisode”