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Chers manifestants

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J’aimerais vous suggérer une méthode moins coûteuse pour faire avancer ce à quoi vous tenez. Ça ne passe pas par une arrestation héroïque, tout illégitime soit-elle.

Je ne dis pas qu’il faille abandonner l’idée de manifester, pas du tout. Mais je pense qu’avec la même énergie et le même temps investis, il existerait des moyens plus efficaces de promouvoir un projet auprès de ceux qui peuvent changer les choses rapidement.

Je ferai d’abord l’hypothèse que vous êtes des manifestants de bonne foi et que vous marchez dans les rues de votre ville avec des intentions pacifiques, pour soutenir une cause à laquelle vous croyez, et qui se situe elle-même à l’intérieur d’un certain domaine du gros bon sens. Parce que si vous n’êtes dans la rue que par manque d’émotions fortes, le visage masqué, à la recherche d’une vitrine à fracasser ou d’une altercation défoulante, vous appartenez à la catégorie des oligophrènes et, de toute façon, vous ne vous êtes sans doute pas rendus jusqu’ici dans le texte (pas assez d’images et trop de mots).

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Retour aux gens de bonne volonté. Vous le savez, en bout de ligne, c’est l’Assemblée nationale qui modifie les lois, du moins cette partie des lois que l’on contrôle en tant que simple province d’un autre pays (je vous expliquerai, c’est parce que nous ne sommes pas souverains). Ceux qui siègent à cette Assemblée ont pour la plupart une forte envie commune, soit celle de garder leur siège aux élections suivantes. Pour avoir vécu moi-même une situation de caucus avec plusieurs dizaines de collègues, je peux vous dire qu’un député qui recevait 50, 100, 150 courriels, visites, appels ou lettres portant sur le même sujet finissait toujours par en parler au caucus en demandant que le parti se positionne officiellement. Et quand un parti se positionne officiellement, ça devient plus gênant de faire comme si un problème n’existait pas. Les journalistes seront bien là pour le lui rappeler par la suite.

Quelques centaines de personnes dans la rue feront possiblement les nouvelles du jour, qu’une partie des députés aura possiblement l’occasion de voir ou de lire le lendemain matin. Ça fait deux «possiblement» ça, donc doublement loin d’un coup sûr. Mais ces mêmes personnes qui, une à une, contacteraient directement leur député feraient probablement moins les nouvelles mais obtiendraient avec certitude l’attention de la partie du cerveau dudit député qui est consacrée en permanence au calcul de sa probabilité de réélection dans tout ce qu’il fait ou dit. Cette partie du cerveau d’un élu existe bel et bien et j’ai pu observer empiriquement qu’elle est inversement proportionnelle à la force de ses convictions.

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Après le PL-78, la L-12 et la L-12a, de quoi le P-6 se mêle-t-il?
J’ai reçu plusieurs messages sur Twitter (dont une bonne partie du même usager assez intense) concernant le fameux règlement P-6 de la Ville de Montréal. Ce règlement municipal, adopté dans la foulée du détestable projet de loi 78, limite pratiquement autant le droit de manifester que ne visait à le faire le projet de loi 78, devenu par la suite la Loi 12. Ce que j’en pense, me demandaient les twitteux? Je ne suis absolument pas du même avis que ce constable qui a décrété sans rire que le droit de manifestation n’existait pas (on voudrait parfois écrire constable en deux mots). Le P-6 n’a pas lieu d’être et le silence du nouveau gouvernement à cet effet est d’une totale incohérence, lui qui a abrogé de nombreux paragraphes de la Loi 12 qu’il trouvait inacceptables et qui sont pourtant assez fidèlement reproduits dans le P-6 de la Ville de Montréal.

Donc à vous qui mettez des heures à manifester, gardez-en quelques-unes pour faire savoir autrement au gouvernement du Québec qu’il doit inciter ses municipalités à être cohérentes avec les lois en place et qu’il doit lui-même être cohérent avec ses grandes envolées pré-électorales bien calculées. Faites-le savoir directement et en masse aux députés et je vous le dis, leur caucus en sera saisi assez prestement. Surtout un caucus dont la hantise actuelle est de s’assurer d’une majorité aux prochaines.

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Je ne me souviens plus qui disait que les deux principales qualités d’un bon citoyen étaient à la fois l’obéissance et le refus. Parce que l’obéissance maintient l’ordre et le refus protège la liberté. Au fond, chers manifestants de bonne foi, ce que je veux vous dire avec une dose d’affection, c’est que je crois possible dans certains cas d’exprimer encore plus efficacement votre refus sans pour autant tester la coûteuse promenade en voiture à gyrophares (n’oubliez pas de garder quelques sous pour l’augmentation des frais de scolarité). Les coordonnées pour ce faire sont ici : http://www.assnat.qc.ca/fr/deputes/index.html. Go.