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C’est quoi un maudit mixtape?

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les mixtapes, sans jamais oser le demander.

Par
Guillaume Mansour
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Vendredi sortait Delusion of Grandeur, le nouvel album de Gucci Mane. Ou devrais-je dire nouveau mixtape? Tout dépendant des sources, on étiquette différemment les 18 nouvelles tracks du prolifique rappeur. Mon background à moi, c’est la grosse pop à la Spice Girls, le classique classique à la Haydn et les méandres obscurs de la musique japonaise. Est-ce que j’ai le droit d’être bien mêlé quand vient le temps d’identifier correctement un album/mixtape dans le monde du rap?

Mon incursion dans le genre s’est faite autour de 2002 avec Under Construction de Missy Elliot, blasté trop fort dans le système de son fancy des parents d’une amie du secondaire. Assis au pied du speaker, la musique décoiffant mes cheveux (aplatis au fer plat, à l’époque), s’il y a bien une chose que je comprenais à ce moment, c’est que je ne comprenais pas grand-chose au rap.

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De coups de cœur en coups de cœur, j’ai été trop obnubilé par les morceaux eux-mêmes pour réellement avoir une vue d’ensemble sur leur marchandisation. Quand j’ai compris des années plus tard que mon coup de foudre de 2013, Acid Rap, n’était pas un album, j’étais un peu flabbergasté. Comment, Chance the Rapper sort son premier album? Mais, mais, mais?

Même confusion quand, en août dernier, Aminé sortait ONEPOINTFIVE. En me penchant sur ce que l’artiste avait à dire sur son album, j’ai été laissé sur ma faim et pas seulement qu’un peu. L’offrande était brandée comme un ep/lp/mixtape/album whatever. Un travail de recherche s’imposait pour savoir c’était quoi un maudit mixtape.

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Supposément qu’en 2019, le truc infaillible pour différencier un album d’un mixtape, c’est que les albums sont vendus et les mixtapes sont donnés. OK, fine, mais comment discerner ce qui est vendu de ce qui est donné dans l’ensemble de la musique à laquelle j’ai accès avec mon abonnement à Apple Music? Je commence à sympathiser avec Aminé et son rapport blasé aux deux termes.

Historiquement parlant, les mixtapes étaient réellement des mix tapes. Des compilations, faites par les artistes ou par les fans, et distribuées (gratuitement ou non) à la populace.

Dans le monde du hip-hop, le mixtape s’est rapidement mis à jouer un rôle vital. La musique hip-hop n’étant pas diffusée dans les médias traditionnels, la vente d’album étant toujours un défi, le mixtape devient un genre de haut-parleur, un agent de dissémination de la musique.

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La gratuité dans les années 90 prend tout son sens. C’est par elle que l’on conquît les oreilles des mélomanes. Plus tard, Drake, Kendrick Lamar, Lil Wayne, Chance ont acquis leur fanbase et leur notoriété à coups de mixtapes gratuits.

Gucci Mane est devenu une véritable légende grâce au médium. Si on résume la situation, le dude est une machine à mixtapes. Parmi la 70aine (oui oui 70aine) d’albums de son imposante discographie, la plupart ont été distribués for free sur les internets. Même en prison, Gucci a continué à sortir du stock. Il faut dire que mettre en ligne de la musique gratuite est beaucoup moins compliqué que commercialiser de la musique payante.

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Quand on donne son album, on n’a pas nécessairement à libérer les droits des samples qu’on utilise. On n’est plus dans le domaine de la marchandisation et des risques qui s’y rattachent. C’est aussi le même vent de liberté qui inspire les artistes à expérimenter un peu plus sur les mixtapes que sur les albums officiels.

Le concept du mixtape s’est raffiné dans le monde du rap, mais a regagné la culture populaire. Quand, en 2017, Charlie XCX a sorti son mixtape Pop 2 quelques mois seulement après avoir sorti Number 1 Angel, elle a perpétué la tradition. Beaucoup plus champ gauche, Pop 2 semble loin des compromis de l’album qui le précède. Miley Cyrus a également émulé le phénomène en sortant en 2015 son Miley Cyrus & Her Dead Petz en dehors des clauses rigides de son label.

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Les mixtapes sont partout. Les MC et les beatmakers d’ici en produisent autant (proportionnellement) qu’aux States ou ailleurs. La France est également familière avec le médium. Ils sont la pierre angulaire de la carrière du rappeur lambda, un terreau fertile où enraciner son prestige, un terrain de jeu où dropper ses beats les plus fous. Ils sont dispersés dans mes listes de lectures, dans les vôtres.

Au final, qu’on se le dise, une fois rendues dans vos oreilles, vous avez le droit de les appeler comme vous voulez.