« Ça y est, je l’ai fait. J’ai fait ma première fois! » Cette phrase, vous l’avez forcément déjà entendue, dans les couloirs de votre école secondaire ou de la bouche de votre BFF toute contente. Mais de quoi elle parle? À quoi pensez-vous, si on vous dit « ma première fois » ? Et pourquoi il serait évident de s’imaginer quelque chose en particulier?
Vous voyez où nous voulons en venir… Si vous avez pensé à la pénétration vaginale comme entrée dans la sexualité, vous avez clairement besoin de lire ce qui suit. Car la célèbre, la fameuse et pourtant si mystérieuse « première fois », ce n’est pas que ça. Et ce concept hétéronormé a du souci à se faire. La « première fois » bouge, se multiplie, se diversifie. Et c’est tant mieux!
Vous êtes sûrement encore beaucoup à penser comme Emma. Sa première fois, c’est quand elle a « fait l’amour » avec un garçon et donc en toute logique pour elle, où elle a été pénétrée par un pénis. Mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. Laura est habituée aux quiproquos quand elle aborde le sujet. « Souvent, ça surprend quand je le dis, mais pour moi, ma première fois, c’était un cunnilingus, en soirée, avec mon premier copain. Alors quand j’en parle, il y a souvent une incompréhension. »
Ce moment, elle s’en souvient parfaitement. C’est la première fois qu’elle a eu un orgasme.
LIBRE DE REDÉFINIR PLUS TARD SA PREMIÈRE FOIS
Pour Maxime, ce n’est pas si facile à définir. Lui a fait sa première fois alors qu’il était au lycée. Mais, pour lui, c’est « une notion assez floue à raconter ». Parce que lorsqu’il a fait son entrée dans la vie sexuelle, il considérait que la « première fois », c’était la première pénétration vaginale qu’il ferait avec son pénis.
« Sauf qu’aujourd’hui, cette vision a changé », raconte-il. À force de lectures et de podcasts féministes (vive Victoire Tuaillon), auxquels sa nouvelle relation l’a introduit petit à petit, cette vision hétéronormée s’est déconstruite.
«La première fois, ça ne veut pas dire une seule et même chose.»
« Par la force des choses, avec ma copine, on n’a pas de relations avec pénétration. Ça m’a permis de me rendre compte que tout ne devait pas tourner autour de ça. » D’ailleurs, même de ce point de vue-là, Maxime n’est pas en mesure d’identifier un moment précis pour définir sa première fois. « Ça n’a pas fonctionné du premier coup avec ma première copine, on a dû essayer à plusieurs reprises. Donc je ne saurais pas dire quand cela a été vraiment la première fois. Ce serait quoi? La fois où on est allé au bout? Et même “aller au bout”, je ne sais pas ce que ça veut dire », s’interroge-t-il.
« Historiquement, la notion de première fois, de “pureté”, d’”engagement”, découlait d’un contrôle social », explique la sexologue Julie Lemay. Cette idée de « première fois » s’est construite autour de « repères hyper hétéronormés », autrement dit issus « du patriarcat ».
Quand Maxime en parle, ça a l’air de l’agacer. « Ça ne sert à rien d’en faire toute une histoire, ce n’est ni un moment donné, ni une pratique en particulier, c’est juste la première fois où tu te sens assez bien avec quelqu’un pour le laisser entrer dans ton intimité, et si ça se trouve, ce n’est même pas une question de se toucher, mais en tout cas, la première fois, ça ne veut pas dire une seule et même chose. »
DÉCONSTRUIRE LES NORMES HÉTÉRONORMÉES
Alice a mis longtemps à s’en rendre compte. Sa première fois, elle l’a faite avec une fille. Il y a une semaine, elle tweete : « Fun fact : ma vraie première fois, c’était avec une fille. »
Chaque acte, avec chaque nouvelle personne, est une première fois et peut être considérée comme plus importante que la précédente.
Sa vision de la sexualité a changé. Comme Emma, Alice considérait jusqu’alors qu’il n’y avait pas eu de première fois s’il n’y avait pas eu pénétration vaginale. Alors pendant neuf ans, elle a cru que la relation qu’elle avait eue avec une fille de son âge (à 12 ans) ne voulait rien dire. « À l’époque, on ne savait pas ce qu’on faisait, on reproduisait des gestes. Récemment, j’ai compris que c’était une expérience sexuelle et de facto, ma première. Pourquoi devrait-il forcément y avoir pénétration? »
La sexologue Julie Lemay explique qu’associer la « première fois » à un comportement précis comme la pénétration contribue à créer une norme. « La norme amène souvent la comparaison. La comparaison amène de la pression et la pression peut engendrer des questionnements, des doutes, un sentiment d’exclusion. Tous les comportements sexuels n’impliquent pas une pénétration et ce comportement n’est pas hiérarchiquement au-dessus d’une autre activité sexuelle », rappelle la spécialiste. C’est pour cette raison qu’il est important de prendre en compte le fait que chaque acte, avec chaque nouvelle personne, est une première fois et peut être considérée comme plus importante que la précédente.
C’est ce que ressent Léa, 24 ans. « J’ai eu deux premières fois », insiste-t-elle. Sa première première fois (oui ça fait beaucoup de premières), c’était avec un garçon. Mais celle-ci ne compte pas à ses yeux. « Je l’ai complètement occultée. Ma première fois, c’est celle que j’ai eue avec ma compagne actuelle, c’était ma première relation sexuelle avec une femme. » Cela fait deux mois que Léa et sa copine se fréquentent.
«La définition d’une “première fois” devrait être propre à chacun.e!»
« C’était fluide, naturel, cette première fois a été super importante pour moi, raconte Léa. C’était un peu le début d’une nouvelle vie. C’était celle de la découverte, savoir si oui ou non, on allait apprécier être avec une personne du même sexe. On se caressait, se touchait pour se donner du plaisir mutuellement. » Ce jour-là, elles ne pratiquent pas la pénétration : « On n’en ressentait ni l’envie, ni le besoin et encore aujourd’hui ce n’est pas une étape systématique quand on fait l’amour ».
Pour Julie Lemay, une seule certitude : « La définition d’une “première fois” devrait être propre à chacun.e! » Elle peut être aussi bien liée à l’apparition de fantasmes qu’associée à des pratiques masturbatoires ou des contacts sexuels. « Certaines personnes ne sont pas non plus intéressées à avoir des rapports sexuels : cessons de croire qu’elles sont en “attente” d’une première fois qui “devrait” se produire. Chaque vécu est valide! », insiste la sexologue.
Sur ce, on vous souhaite de merveilleuses et multiples premières fois, avec ou sans pénétration.
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Ce texte a d’abord été publié sur urbania.fr
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