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Ce texte est tiré du numéro 10 spécial Médias | automne 2005
Un sondage qui n’a jamais existé mais dont tout le monde connaît le contenu prétend qu’en termes d’affection du public et de crédibilité de la profession, le journaliste occupe l’antépénultième rang.
Tout juste devant le politicien et le vendeur de chars usagés (qui essaie de faire son smatte en se rebaptisant «conseiller aux transactions de véhicules motorisés d’occasion comme neufs ayant appartenu à des curés»).
On se demande bien pourquoi, parce que le journaliste devrait être dernier. Prenons un exemple au hasard: de quoi le journaliste est-il le plus fier? Exactement: d’avoir un tas d’informateurs secrets, anonymes et auréolés de mystère. (Ça et pouvoir critiquer le monde entier en se disant que c’est sa job.) Voilà pourquoi vous retrouvez si souvent dans les médias les expressions «selon nos sources» et «a appris Le Torchon». Pourtant, la question est légitime: à quoi sert-il de savoir ce que quelqu’un a dit si on ne connaît pas l’identité de ce quelqu’un?
Maintenant, imaginons un politicien moyen qui utiliserait le même stratagème:
— La hausse de l’augmentation de la croissance du progrès de l’essor des revenus par rapport aux rentrées des profits s’est élevée, grâce à notre gouvernement, de plus de 17 %.
— D’où tirez-vous cette donnée, M. le gouvernement?
— Je vous le dis pas! J’ai une source anonyme! C’est pas de vos affaires! O.K. faut que je me sauve!
Ce n’est pas le moindre des tics des médias: se fendre de pontifiants commentaires exigeant la transparence universelle et carburer à l’obscurité. Voilà, mesdames et messieurs et tous les autres qui ne sont pas encore décidés, l’une des raisons pour lesquelles le métier de scribe* a si mauvaise réputation: faites ce que je dis, moi je vais faire ce qui me tente.
(*Le principal passe-temps du journaliste consiste à trouver des synonymes. Dans ce cas-ci, on pourrait aussi dire «reporter», «pisse-copie» et «envoyé spécieux».)
Les médias d’information vous le diront si vous parvenez à les interviewer, leur unique objectif est de propager la vérité, de faire œuvre d’objectivité, bref, alors que tout le monde essaie de vous mener en bateau, de vous décrire l’univers tel qu’il est dans son essence, même si elle coûte un peu cher.
Pffft.
Si vous saviez tout ce que les grands médias colportent de faussetés, vous vous feriez moine contemplatif en isolement permanent volontaire avec programme d’automutilation et ne liriez plus que Vers demain, qui lui ne contient que de rigoureuses authenticités.
Tenez, prenons un autre exemple au hasard: le bulletin d’informations télévisé qui vous annonce d’entrée «Voici vos nouvelles». C’est faux, archi-faux, faux jusqu’à la moelle, tellement faux qu’à côté, les gars de Milli Vanilli passent pour des barytons. Ce sont en réalité leurs nouvelles, qu’eux ont choisies sans vous demander votre avis. Ils ne savent même pas comment vous vous appelez, et ne veulent pas le savoir.
Autre truc: le lecteur de nouvelles, qui lit les nouvelles aux alentours de 22h, qui fait semblant de passer en direct au reporter sur le terrain alors que celui-ci est au gros soleil dans le même fuseau horaire. Faux! C’est pré-enregistré, tout est en canne!
Et quand un journal montréalais écrit «selon un quotidien de Montréal» en ayant l’air de ne même pas connaître son nom, sa présumée ignorance est fausse. En fait, il devrait écrire «selon tel journal que nous ne nommons pas parce que c’est notre concurrent direct et qu’il a été plus vite que nous et que nous sommes trop bébé pour lui rendre son dû».
En passant une nouvelle en manchette ou en tête de bulletin pendant le week-end, les médias essaient de vous faire croire que la nouvelle est importante. Mais c’est faux. C’est juste parce qu’il ne se passe rien pendant le week-end.
Personnellement, ma fausseté favorite reste le gars ou la fille qu’on fait marcher à l’écran comme s’il s’en allait vraiment à son bureau alors que l’image n’est juste là que pour remplir le temps. Oui, le gars marche vraiment, mais il ne marche pas pour vrai. Soyons clairs: il était déjà dans son bureau quand le journaliste est arrivé, et on l’en a fait sortir pour le filmer en train de rentrer. La prochaine fois, remarquez d’ailleurs comment le gars marche: il ne marche pas du tout comme un gars qui s’en va à son bureau, mais comme un gars qui se fait filmer en train de faire semblant de se rendre à son bureau. Idem, d’ailleurs, pour le truc du clavier: le gars devant son ordi qui pitonne aux nouvelles, il ne pitonne pas pour vrai. Certes, il fait aller ses doigts sur le clavier, mais vous savez ce qu’il pitonne pendant qu’on le filme? À peu près ceci: gfdvcjksyterklpjkdgstdfs. Suffit juste qu’il ait l’air sérieux et vachement productif.
Voilà. Il s’agit seulement d’un aperçu et on pourrait continuer jusqu’à demain matin, mais il faut se battre avec acharnement contre tout ce qui pourrait rendre le consommateur d’informations cynique et désabusé. En attendant, on vous souhaite de bonnes nouvelles, il y en a si peu dans les médias…
Ce texte est tiré du numéro 10 spécial Médias | automne 2005