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En gros, quand on vieillit, on ajoute des chiffres à côté de notre nom: y’a des chiffres qu’on aime et d’autres qu’on aime moins, on survit, on prend une autre année, ben oui, c’est juste des chiffres… Sauf que c’est pas tout le monde qui aime les maths.
Au secondaire, je détestais les maths. J’avais une routine intéressante (dans le sens de vraiment gossante, désolée Kathy-la-prof-de-536): je levais ma main à chaque cours pour demander «À quoi ça sert, ça?» À mon grand découragement, la prof trouvait toujours une réponse. Jusqu’au jour où, écoeurée, elle m’a répondu: «À rien, Marie, ça sert à rien.» Satisfaite, j’ai pris mon trou, dessinant des courbes dans des graphiques en me faisant croire que c’était des arts plastiques.
Pour quelqu’un qui n’aime pas les maths, je passe beaucoup de temps à penser aux chiffres. Récemment, quand j’ai eu 28 ans, j’ai fait pas mal de maths: Ian Curtis + 4, 27 Club + 1, Sylvia Plath – 2, 28 est un nombre pair et tout le monde sait que les nombre pairs sont plus doux car 2 X 4 = 8. Mes raisonnements sont plus ou moins logiques, sans doute parce qu’à l’école j’ai dû trop dessiner et pas assez écouter.
Vieillir, pour moi, c’est juste des chiffres. C’est pas ma face. Les gens pensent que j’ai peur de vieillir physiquement, alors ils me disent: «T’en fais pas, tu as l’air tellement jeune!» Mais ce n’est pas une question d’apparence: que j’aie l’air d’un nouveau-né ou de la doyenne de l’humanité, peu importe, je stresse encore à propos des chiffres. Certains me disent que ça va passer. Je ne réponds pas, car je sais que l’obsession dure depuis longtemps: elle sera donc d’autant plus difficile à chasser.
Quand j’étais petite, ma mère avait une amie qui était plus jeune qu’elle, une belle amie qui avait 30 ans. Moi, je regardais sa belle amie et je me disais que 30 ans c’était comme l’apogée de la vie. Je ne sais pas si c’est pour me rendre intéressante (sans doute, après tout, je suis une enfant unique), mais j’ai commencé à dire que j’allais mourir avant 30 ans. Tout le fun avait l’air de se passer avant la trentaine: après, tu devenais comme des parents et ça, ç’avait l’air vraiment ouache. Marie, jeune gothique. Bien évidemment, les gens autour de moi trouvaient mes paroles plutôt inquiétantes. Ma mère m’a parlé d’un cousin que je n’avais pas connu et qui était mort à 30 ans. Cousin-pas-connu avait toujours dit qu’il allait mourir jeune et puis PAF, vers la fin de la vingtaine, il a attrapé une maladie et il en est mort. Oui, ça sonne comme une histoire de peur, mais ç’a été plutôt efficace pour me dissuader de dire à tout le monde mon futur plan de vie (ou plutôt plan de mort).
J’ai bien sûr arrêté de dire que j’allais mourir à 30 ans, c’était juste une passe, une folie d’enfant. Mais parfois, je me demande si je ne me serais pas jinxée. Pour contrecarrer le mauvais sort que je me suis potentiellement lancé à moi-même, j’ai inventé une autre prophétie. Il y a quelques années, j’ai commencé à dire que 28 ans allait être mon année chanceuse. Ça semblait tellement loin, 28 ans. Parce que 28 ans, c’est 30 moins 2, un chiffre pair, un chiffre chanceux, donc une bonne année. Sauf que maintenant, j’ai de la pression. Il va falloir que mon 28 ans soit à la hauteur de mes attentes. Il va falloir que je travaille sur mes maths, un peu.
Peut-être que ce sera comme ça durant toute ma vie, peut-être que je vais toujours tout calculer… Il y a des stéréotypes pour chaque décennie: on doit faire le party dans la vingtaine, on doit s’assagir dans la trentaine, on doit être bien installé avec nos carrières/nos enfants/notre maison dans la quarantaine, on doit connaître le démon du midi et/ou redevenir zen dans la cinquantaine, on doit prendre notre retraite dans la soixantaine. Le reste des années est un mélange gris comme une tête grise, des années où les chiffres importent peu, ou importent moins.
Je connais des gens de tous les âges qui freakent complètement à l’approche de leur anniversaire. Je connais aussi des gens à qui ça ne fait pas un pli, ni dans le coeur, ni dans la face. On vieillit tous, on prend un an de plus, on y pense pendant une journée, une semaine max, puis on oublie. Ou pas. En tout cas, pas moi: pour l’instant, je n’oublie pas. Je garde le compte bien comme il faut.
M.I.A. chantait live fast die young bad girls do it well et parfois j’ai l’impression qu’on est toute une gang à avoir eu ce mantra là. Jeune Marie n’était pas la seule. Après tout, c’est le propre de la jeunesse folle de croire qu’on est éternel et de se foutre de disparaitre. Sauf quand on commence à compter. Sauf quand on s’est donné un maximum stupide, quand on s’est étiqueté sa propre date d’expiration. Ça donne un peu moins le goût de chanter. Ça donne envie de retourner aux maths, de trouver la formule parfaite, bien qu’elle n’existe sans doute pas.
En attendant, je vais documenter cette 28e année d’existence ici, pour le meilleur et pour le pire, pour le #yolo et pour le #lol, suivez-moi si vous le voulez. Surtout, faites-moi signe si vous trouver la formule gagnante pour accumuler les chiffres et les jours en paix. J’ai comme un feeling que ça réside dans le fait de s’en crisser, de désapprendre à compter, de juste oublier et laisser le temps filer.
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