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C’est compliqué : l’histoire d’amour de Montréal avec le brutalisme
Crédit photo : @dontdieforfree
Cet article est paru initialement dans The Main, un média numérique indépendant qui explore la culture montréalaise.
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Montréal n’a pas peur d’assumer son identité en matière d’architecture.
De nos jours, comme partout dans le monde, nous avons notre lot de tours de verre et d’acier. Mais à Montréal, elles s’ajoutent à une silhouette urbaine qui assume sa beauté crue et l’absence de concessions du brutalisme.
Du légendaire Habitat 67 à l’immense complexe Guy-Favreau, les monuments brutalistes de la ville sont de véritables artefacts culturels, chacun portant les idéaux et les contradictions de son époque.
Mais comment en est-on arrivé là?
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L’arrivée du brutalisme en sol montréalais
Faisant son émergence dans les années d’après-guerre, le brutalisme s’est implanté à Montréal à une époque de transformation urbaine.
Son usage emblématique du béton brut était bien plus qu’un choix esthétique ; il s’agissait d’une réponse matérielle à l’urbanisation rapide et aux pressions économiques du milieu du 20e siècle. Avec ses formes géométriques et ses structures exposées, le brutalisme s’harmonisait à merveille avec les projets ambitieux de la ville pour l’Expo 67, l’événement qui a propulsé Montréal sur la scène internationale.
À ce moment, l’architecte Moshe Safdie révélait ses plans pour le révolutionnaire Habitat 67. Avec ses unités d’habitation empilables et ses futuristes « jardins dans le ciel », ce projet incarnait parfaitement l’esprit du brutalisme, alliant fonctionnalité et expression artistique. Conçu pour offrir les avantages de la vie en banlieue au cœur de la ville, Habitat 67 demeure un symbole de l’idéalisme du mouvement.
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Pourtant, Safdie rejetait l’étiquette brutaliste, qualifiant plutôt son œuvre d’« anti-brutaliste » – une preuve que ce style polarisant oscille entre critique et célébration.
La poésie du béton
Les monuments brutalistes de Montréal reflètent un mélange de pragmatisme et d’ambition utopique. Le complexe Guy-Favreau, par exemple, incarne l’engouement de l’époque pour les mégastructures urbaines. Derrière sa massive façade de béton se trouvent des bureaux d’employés fédéraux et des espaces commerciaux, mais son apparence imposante suscite des réactions mitigées. Ses détracteurs déplorer son esthétique austère, rappelant une forteresse, tandis que ses adeptes y voient une expression audacieuse de l’intégrité structurelle et de l’efficacité.
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Tout aussi polarisant, le pavillon Judith-Jasmin de l’UQAM bouscule les normes de beauté avec ses formes angulaires et ses murs de béton texturé. Son extérieur austère évoque une impression de force et de permanence, en résonance avec les enjeux culturels et politiques des années 1960. C’est le genre d’architecture qui ne laisse personne indifférent, et ce, peu importe si elle évoque l’émerveillement ou un profond malaise.
Le métro de Montréal
À Montréal, le brutalisme ne se limite pas à l’extérieur comme tout usager du métro de Montréal a pu le constater.
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Inauguré en 1966, le métro de Montréal est une véritable galerie souterraine où le béton devient un terrain d’expression créative. Des stations comme Préfontaine allient les principes du brutalisme à d’étonnantes touches de lumière et de couleur, tandis que d’autres, comme Place-Saint-Henri, se distinguent par d’imposantes sculptures suspendues du plafond qui créent une atmosphère presque intimidante.
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Ici, le béton brut fait à la fois office de toile et de matériau, transformant ces espaces utilitaires en lieux d’une beauté insoupçonnée. Au-delà des immeubles résidentiels qui adoptent le même langage architectural, c’est dans le métro de Montréal que le brutalisme se déploie dans toute sa splendeur en véritable témoignage de la vision des architectes qui ont su exploiter le plein potentiel émotionnel du béton.
Entre controverses et critiques
Malgré ses mérites sur le plan architectural, le brutalisme n’a pas toujours été accueilli à bras ouverts. Son association avec les édifices gouvernementaux, les logements sociaux et les projets urbains à grande échelle lui a valu une réputation de froideur et d’autoritarisme.
À Montréal, l’immeuble Radio-Canada illustrait parfaitement cette tension. Construit suite à la démolition de 20 îlots urbains, sa masse de béton est devenue à la fois un symbole de progrès et de déplacement. La controverse entourant son héritage reflète les débats plus larges sur le rôle du brutalisme dans la transformation des paysages urbains.
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À ce sujet, il n’est pas anodin qu’en 2024, des travaux de démolition aient commencé autour du site afin de le transformer en Quartier des lumières. Bien que la tour soit préservée, son environnement et son contenu entrent dans une nouvelle ère.
Une renaissance en cours
Aujourd’hui, la relation qu’entretient Montréal avec le brutalisme est en pleine évolution. Autrefois perçu comme oppressif, ce style est désormais considéré comme emblématique. Des visites guidées d’Habitat 67 attirent chaque année des milliers de curieux, tandis que des livres de tables à café recensent les monuments brutalistes de la ville. Ce nouvel engouement s’inscrit dans une tendance architecturale plus large visant à réévaluer les styles du passé qui privilégiaient l’authenticité des matériaux plutôt que le confort et l’esthétisme.
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À mesure que l’intérêt grandit, le risque de perte augmente à son tour : de nombreux bâtiments brutalistes sont actuellement menacés par le manque d’entretien ou la démolition, victimes d’une esthétique souvent mal comprise. Préserver ces structures ne se limite pas à préserver du béton; c’est aussi protéger les idéaux qui s’incarnent en elles – une vision communautaire qui encourage la durabilité et la fonctionnalité et qui mérite d’être préservée.
L’histoire d’amour de Montréal avec le brutalisme va bien au-delà de l’architecture : c’est l’adhésion à un style qui refuse tout conformisme. Un style qui reflète la résilience, la créativité et les contradictions de la métropole.
Dans un monde de plus en plus dominé par des façades vitrées anonymes, les géants de béton de Montréal nous rappellent la beauté qu’abrite un design brut et assumé.
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