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Ces jeux vidéo qui n’auraient jamais dû exister
Dans une ancienne vie, j’étais testeur de jeux vidéo.
Oui, c’est un boulot génial. Non, ça ne consiste pas à jouer à la console toute la journée et à donner son opinion à des scientifiques derrière un miroir sans tain. Ce genre d’activité existe bel et bien, mais c’est fait de manière bénévole et les listes d’attentes pour participer sont longues. Pendant ces dix-huit mois, j’ai appris beaucoup plus à propos des mauvais jeux vidéos que des bons. J’y ai aussi découvert le marché des jeux-vidéo-bon-marché-opportunistes bâclés en quelques semaines ou quelques mois avec le concours de firmes de sous-traitance louches basées en Russie.
Sans blague, il existe vraiment tout un marché destiné aux jeux vidéo destiné aux achats impulsifs, aux parents bienveillants qui n’ont aucune idée de ce qu’ils font et aux plus bas instincts de l’humanité en général. C’est probablement à une de ces tranches de la population que s’adresse le nouveau jeu vidéo basé sur le parc médiéval Puy du Fou, qui sortira au printemps 2022. Qui veut vraiment passer ses soirées à faire semblant d’être Philippe de Villiers ?
Inspiré par cette nouvelle, j’ai pensé vous présenter une liste plutôt exhaustive des idées les plus poches de l’histoire des jeux vidéo. Avant de commencer, laissez-moi vous expliquer les règles:
– Le jeu doit être d’abord et avant tout une le fruit d’une MAUVAISE IDÉE. Qu’elle soit de mauvais goût, ridicule ou simplement difficile à adapter au médium;
– Plus le jeu est plate à jouer, mieux c’est;
– Les bugs et la jouabilité ne sont pas des critères. Si un jeu peut devenir passable à l’aide de programmeurs plus compétents, il ne se retrouvera pas sur cette liste;
– On évite le plus possible les jeux indépendants, parce que 1) c’est pas cool de s’attaquer aux plus petits 2) ils se font souvent un point d’honneur d’être bizarre et difficiles.
Donc, sans plus tarder…
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Chiller (Nintendo – 1990)
À la base un jeu d’arcade, Chiller a été victime de la technologie rudimentaire de son époque, du manque cruel d’imagination de ses concepteurs et visiblement d’un budget squelettique. Ne vous fiez pas à la pochette qui semble tout droit sortie de la discographie d’Iron Maiden, ce jeu n’a rien d’excitant. Il s’agit de quatre tableaux simples où, armé du pistolet Nintendo, vous devez tirer sur des gens… attachés dans une salle de torture.
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Pas de blagues. Le but? Essayer de les tuer le plus rapidement possible et de la manière la plus sanglante possible. Non seulement il faut être un peu mort à l’intérieur pour prendre plaisir à tirer sur des gens, on ajoute une couche avec des gens incapables de se défendre. Et comme si ce n’était pas assez, le jeu ne présente presque aucun « défi ». Une partie du plaisir lorsqu’on joue vient du sentiment de satisfaction qu’on ressent en maîtrisant une tâche. Il n’y a rien de tout ça avec Chiller.
En revanche, le jeu offre un assez large éventail de créatures qui peuvent riposter plus tard dans les tableaux, mais ce n’est jamais vraiment plus difficile. On s’en sort en dix minutes environ, avec le vague sentiment d’avoir perdu son temps et une petite partie de son humanité.
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Night Trap (3DO, Sega CD, PC – 1992)
La technologie FMV (full motion video) a été une révolution dans le monde du jeu vidéo. Ça aura duré environ 38 secondes, mais c’était une révolution quand même. D’abord conçue pour les arcades, elle permettait d’interagir avec des acteurs ayant tourné une foule de scènes en réaction à chaque décision potentielle du joueur. À l’époque, j’avais neuf ans et je croyais que les jeux vidéo avaient atteint leur apogée. Interagir avec de vraies personnes, que pouvait-on faire de mieux en la matière?
Le jeu Night Trap m’a rapidement ramené sur terre. Il s’agit d’un exemple classique où une compagnie de production tient à être la première à capitaliser sur une nouvelle technologie sans trop savoir comment s’en servir. Night Trap raconte l’histoire de jeunes filles ayant disparu dans des circonstances louches dans une maison de riches. Une équipe tactique est alors mandatée pour les retrouver… Ça sonne prometteur ? Attendez, j’ai pas fini.
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Le hic, c’est que la famille refuse de vous laisser fouiller la maison, donc vous devez enquêter… à l’aide d’un système de caméra relié à des « pièges » supposés capturer de potentiels intrus. Bref, c’est comme avoir un boulot de gardien de sécurité. Sauf que vous déboursez 49,95$ au lieu d’être payé. Le plaisir vient du côté voyeur bien assumé du jeu plutôt que d’une quelconque interaction. Night Trap, c’est un peu comme regarder un film de porno soft vraiment mal écrit (ne le sont-ils pas toujours?).
Si ça vous intéresse, un YouTubeur a créé une version cinématographique qui vous évite de vous taper le jeu.
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Seaman (Dreamcast – 1999)
Celui-là est extrêmement bizarre. Encore une fois, l’idée derrière Seaman était de monter un projet faisant l’usage d’une nouvelle technologie: l’usage d’un microphone intégré. Seaman, n’est pas vraiment un jeu. En tout cas, pas dans le sens conventionnel du terme. C’est plus comme une version jeu vidéo d’un Tamagotchi, cette petite bête virtuelle qu’il faut nourrir, aimer et entretenir chaque jour. Sauf que…
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Votre petite bébête mignonne, c’est un homme poisson mutant avec la voix de Leonard Nimoy, mieux connu sous le nom de Mr. Spock. En plus d’avoir à nourrir cette chose, il FAUT LUI PARLER. TOUS LES JOURS, SINON IL MEURT. À l’époque, le jeu avait été très bien reçu par la critique, mais j’aimerais vraiment trouver un jour une personne qui a joué à Seaman plus de deux jours de suite. Les jeux vidéo, c’est supposé aider à oublier nos responsabilités. Pas à en rajouter. Surtout pas quand il s’agit de prendre soin d’un mutant qui nous insulte si on ne fait pas la job à son goût.
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Super Columbine Massacre RPG! (PC – 2005)
Malheureusement, ce jeu est exactement ce qu’il annonce. Scripté, réalisé et codé entièrement à partir de la plateforme gratuite RPG Maker par Danny Ledonne, Super Columbine Massacre RPG! est né de bonnes intentions. Rejeté à l’école, Ledonne a recréé le parcours d’Eric Harris et Dylan Klebold pour essayer de comprendre s’il aurait fait les mêmes choix qu’eux. À la base, ça se voulait un exercice de réappropriation d’un trauma collectif. Sauf que le produit fini était tout, sauf positif.
On ne peut pas vraiment faire de choix dans Super Columbine Massacre RPG! a part celui de se diriger vers la bibliothèque dès le début et de s’enlever la vie sans tuer personne. Peut-on parler de fin heureuse dans ce cas-ci, même si des vies sont épargnées? Je ne crois pas. Les critiques furent virulentes, AVEC RAISON. Un jeune homme ayant perdu une amie dans le massacre a d’ailleurs déclaré au Washington Post: « Maintenant, tous les joueurs vont pouvoir la tuer encore et encore. »
Super Columbine Massacre RPG! propose une version beaucoup trop romancée du drame de Columbine, offrant d’envoyer les tueurs en enfer après leur suicide et la possibilité de les transformer en démons. Tordu vous dites? Et si vous être encore accrochés à l’idée qu’Eric Harris et Dylan Klebold ont commis l’irréparable parce qu’ils étaient rejetés et incompris, je vous invite à lire Columbine, de Dave Cullen. Ça va vous faire passer le goût de les prendre en pitié.
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Who’s Your Daddy (PC – 2015)
Angoisses parentales: le jeu. En toute transparence, j’ai déjà joué à Who’s Your Daddy? et j’y ai pris du plaisir. Je n’ai pas d’enfants, ceci explique peut-être cela : j’étais complètement détaché. Le principe est simple: deux joueurs, le premier joue le papa et le deuxième joue bébé. L’objectif de papa est d’assurer la survie de bébé, l’objectif de bébé est de mourrir le plus rapidement possible. Vous avez bien lu. Bébé finit toujours par décéder, on joue pour déterminer quand et comment.
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Électrocution, noyade, chute dans les escaliers, les possibilités sont infinies et croyez-moi, lorsque vous jouez papa, le stress est intense. Personne ne semble avoir été offensé par la parution de ce petit jeu indépendant (et hautement troublant). Il a eu même droit à un remake en 2020. Surveiller un marmot est une source constante d’anxiété, ça doit être très difficile de dormir après s’être claqué quelques parties en soirée, surtout si vous êtes un parent.
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Shenmue 3 (Playstation 4, PC – 2019)
À la base, Shenmue est un jeu qui divise. Si certains (dont moi) vantent son réalisme et son souci du détail, d’autres trouvent ça violent d’avoir à conduire un forklift toute la journée dans un jeu qui simule la vie en temps réel où il faut garder son travail pour gagner de l’argent et progresser dans certaines parties du jeu. C’était pas ma partie préférée du jeu, mais en même temps, ça donnait un caractère spécial aux événements importants.
Les raisons pour lesquelles Shenmue 3 était une mauvaise idée sont existentielles. Les mécaniques sont poussées à l’extrême: il faut manger à chaque repas sinon on perd de l’énergie, on doit enlever ses souliers avant de rentrer dans la maison, on doit regarder Shenhua nous dire au revoir chaque fois qu’on sort. Le niveau de banalité devient aliénant très vite et le jeu est très long. Non seulement, on a l’impression de jouer à un simulateur de vie, mais cette vie simulée est plus ennuyante que la nôtre.
La mauvaise idée ici était de ramener une série qui avait laissé un excellent souvenir pour la transformer en simulateur de journées chiantes.
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Custer’s Revenge (Atari – 1982)
Il fallait que j’en parle. La mère de toutes les mauvaises idées interactives. Petit cours d’histoire 101: le général George Armstrong Custer a été défait par les Lakotas de Sitting Bull lors de la bataille de Little Big Horn. Dans Custer’s Revenge, le général prend sa revanche en… agressant sexuellement des femmes lakotas. C’est la seule action demandée au joueur dans ce « jeu ».
J’ai hésité avant d’en parler, parce qu’il s’agit vraiment d’un jeu de marde, fait par des gens de marde, visant des consommateurs tout aussi de marde, mais il s’agit d’un symbole historique important d’idiotie corporative. Heureusement, personne n’a aimé Custer’s Revenge à l’époque non plus et la compagnie de production Mystique (spécialisée dans les jeux pornos) a fait faillite un an plus tard.
La vie fait parfois bien les choses.