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Celles qui étanchent la soif de Montréal : quand boire du vin devient un sport extrême

Portrait de Mylène Poisson, sommelière à la Maison Boulud et finaliste au concours du Meilleur Sommelier du Québec 2017

Par
Emily Campeau
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Un homme très (trop) sage m’a déjà dit : la compétition de haut niveau, toutes disciplines confondues, c’est surtout des hangouts en veston-cravate dans des lobbys d’hôtels qui se ressemblent, à regarder en chien de faïence les autres candidats qui sont tout aussi bien habillés que toi, pour mesurer la concurrence et repérer les adversaires qui seront les plus difficiles à battre.

Faire des concours de sommellerie, contrairement à la croyance populaire, ne consiste pas en des épreuves de calages à l’entonnoir. N’y gagne pas des points celui qui a les dents plus mauves et la disqualification est proche si on pète une lampe avec un bouchon de champagne.

Les participants y démontrent une discipline d’acier et un palais acéré. Ils doivent être prêts à toutes situations rocambolesques pour les épreuves de service, comme distribuer un magnum de champagne dans 18 flûtes en versant au millimètre près et se promener avec lesdites flûtes sur un plateau en restant chill (c’est vraiment moins difficile de le boire au goulot, FYI). Et bien sûr, ils doivent posséder un spectre de connaissances infiniment large sur le monde viticole, en passant par TOUS les pays producteurs de vins, de Bordeaux à L’Uruguay, de la Chine à la République Tchèque. Car les personnes qui écrivent les examens sont intransigeantes et n’ont aucune pitié. Le niveau est haut, et savoir tout sur tout, c’est tough.

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Mylène Poisson est l’une des trois finalistes sélectionnés pour participer à la finale du concours du Meilleur Sommelier du Québec, qui se déroulera le 31 mai. Seule représentante féminine sur le podium, elle entend bien défendre sa place et être ainsi éligible pour l’étape suivante, les finales nationales du Meilleur Sommelier du Canada. C’est la lente ascension de la poignée de candidats qui se retrouveront un jour sous les caméras du plus grand concours de sommellerie: le Meilleur Sommelier du Monde. Le titre fait sourire, mais l’enjeu est réel, c’est la haute voltige de ce monde fascinant, aussi considéré comme les Olympiques du vin.

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En quoi consiste l’entraînement à des concours de sommellerie?

L’entraînement se divise en trois volets : la théorie, la dégustation ainsi que la pratique. Évidemment, la partie théorique est un morceau assez important. L’étude est donc au cœur de mes journées depuis quelques mois, en passant par pratiquement toutes les régions viticoles du monde, les spiritueux, les Sakés, les thés, le café, les cigares, la culture gastronomique, l’actualité du milieu, etc. En ce qui concerne la dégustation, j’essaie d’en faire le plus souvent possible, et dans des milieux différents qui me sortent de ma zone de confort. On déguste de tout! Absolument tout! Pour la partie pratique, j’utilise mes contacts en restaurant et on crée des situations de service plusieurs fois par semaine: décantation, accords mets et vins, service de champagne… Après ça, il reste la préparation mentale!

Ça ressemble à quoi les qualités d’un candidat prometteur?

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Je crois que le candidat prometteur prend du plaisir à faire ce qu’il fait. C’est d’abord et avant tout un métier qui nous permet de vendre du plaisir, ne l’oublions pas!

Comment vois-tu ta position de femme dans le milieu de la compétition?

Pour ma part, je n’y vois que du positif! Ça fait déjà un bon moment qu’il n’y a pas eu de femme en finale au MSQ, et je suis vraiment choyée et fière de représenter les femmes dans notre milieu. Un milieu sexiste? Je crois que ça devient du passé tout ça. Les femmes ont leur place plus que jamais dans ce beau milieu, nous en avons d’ailleurs eu la preuve au Québec avec Véronique Rivest et Élyse Lambert, entre autres.

Perds-tu parfois l’envie de boire pour le plaisir lorsque tu es en période d’entraînement intensif?

Ah non! Au contraire, après une grosse journée d’étude, j’apprécie tellement mon verre de vin! Période d’entraînement ou pas, le vin est toujours là pour être bu avec plaisir.

Quelles sont tes ambitions pour les années futures?

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Compétitionner avec (et non contre) mon conjoint Carl Villeneuve Lepage, qui est actuellement en titre du Meilleur Sommelier du Québec 2014. Il se prépare actuellement pour le concours du Meilleur Sommelier du Canada qui aura lieu en septembre prochain à Vancouver. À vrai dire, on est deux ‘’geeks’’ assoiffés d’apprendre et de se tenir à jour en sommellerie. C’est d’ailleurs lui qui me coach actuellement. Le meilleur coach ever!

Quelles sont les opportunités intéressantes pour quelqu’un qui rafle des prix de sommellerie? Est-ce que ça débouche quelque part ou bien c’est plutôt un défi personnel?

Si je regarde les derniers gagnants, il y a beaucoup d’invitations à des voyages viticoles, des offres de contrats, d’emplois, une certaine notoriété. Un défi personnel pour ma part, tellement!

Qu’est-ce qui te donne soif en 2017?

Ce qui est bon! Que ça vienne du nouveau ou du vieux monde, d’un producteur moderne ou traditionnel, blanc, rosé, jaune, orange, rouge, tranquille ou pétillant, quand c’est bon, c’est bon! J’apprivoise de plus en plus le monde des sakés et j’adore ça!

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Souhaitons bonne chance à Mylène pour le concours du lundi 29 mai, où elle se battra contre Goliath, et j’ai nommé Pier-Alexis Soulière, Master Sommelier et personnalité émérite du vin. Que le meilleur geek gagne!

Pour découvrir une autre sommelière montréalaise : «Celles qui étanchent la soif de Montréal : Le jeu frivole des accords mets et vins».