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Céline et la mort

« I Am : Céline Dion » vous fera maudire le temps qui passe et les parties de nous qu’on y perd.

Par
Benoît Lelièvre
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Do not go gentle into that good night.

Rage, rage against the dying of the light.

Ne partez pas doucement dans cette nuit paisible. Ragez, ragez contre la lumière qui meurt, écrivait le poète britannique Dylan Thomas en 1951. Ce sont ces mots qui me sont venus à l’esprit pendant la première du documentaire I Am : Céline Dion, un événement plus grand qu’une simple projection auquel était convié le gratin du vedettariat québécois, hier soir.

Un événement foisonnant, plein de vie et aussi imprévisible qu’une sortie de classe de secondaire 3. Céline attire le monde, même lorsqu’elle n’est pas là. Pierre-Karl Péladeau, Mario Dumont, Marie-Claude Barrette, Martine St-Clair, Jean Airoldi, Marie-Élaine Thibert, David La Haye, Meeker Guerrier, Noémie Bannes, Julie-Anne Ho et un paquet d’autre monde que je ne connais pas ont défilé sur le tapis rouge pour la voir sur le grand écran.

Assis entre une collaboratrice de Salut, Bonjour! et une humoriste de la relève qui prenait furieusement des notes dans un petit calepin, je ne savais pas trop à quoi m’attendre de la projection du documentaire I Am : Céline Dion. Celle-ci a débuté après une courte allocution transmise en direct de New York d’une Céline fragile et émotive qui nous a livré un témoignage honnête et courageux sur une réalité que personne ne veut regarder en pleine face.

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C’est rough de voir nos étoiles pâlir. Céline a quand même décidé de nous montrer la sienne parce qu’elle refuse de partir doucement dans cette nuit paisible.

« Je crois que j’ai été bonne. J’ai fait des choses extraordinaires. »

Plus vous êtes fan de Céline Dion, plus vous aimerez ce documentaire. Plus il vous brisera le cœur, aussi. Parce qu’on y voit Céline Dion lutter avec la quasi-impossibilité d’être Céline Dion maintenant qu’elle souffre du syndrome de la personne raide. D’être la Céline qui chante fort et avec abandon. Celle qui est traversée par l’émotion qu’elle communique et capable de soulever les foules.

Cette Céline, elle est inaccessible à la principale intéressée, prisonnière d’un corps qui ne lui obéit plus. C’est une des réalités qu’elle voulait partager avec nous à travers I Am : Céline Dion.

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On aime Céline pour un million de raisons, mais cette humilité de notre diva de partager ses inquiétudes à propos d’avoir perdu l’outil qui la rendait si spéciale est un trait de caractère que je n’avais jamais vu chez une superstar de sa magnitude. Dans une scène à vous en arracher le cœur, elle essaie d’atteindre une note plus haute et chaque fois, sa voix casse. Le son est en lui-même magnifique, mais Céline finit par dire : « Je ne veux pas que vous entendiez ça », avant de fondre en larmes. Parce que ce n’est pas sa voix à elle. Parce qu’elle n’est plus Céline Dion. La Céline qui nous vient en tête lorsqu’on pense à elle.

Aussi connue pour son authenticité, une scène dans I Am : Céline Dion nous permet d’apercevoir ce que je qualifierais de « la vraie de vraie de vraie » Céline. Celle qui existe en l’absence complète de caméras. On la voit fatiguée, abattue, penchée sur un ordinateur après avoir enregistré de peine et de misère une chanson pendant plusieurs heures pour finalement déclarer : « J’aime pas ça. Est-ce qu’on peut en faire une autre? ».

On savait tous que cette discipline et ce professionnalisme fougueux existaient derrière les portes closes, mais il y a quelque chose d’exaltant à voir Céline l’exhiber devant cette injustice divine qu’est sa maladie.

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À propos de la fameuse scène de crise

Oui, on voit Céline Dion souffrir d’une crise du syndrome de la personne raide à la toute fin du documentaire. C’est terrifiant. Les spasmes arrivent rapidement et durent plusieurs minutes. Elle n’est plus capable de parler et s’exprime seulement avec des sanglots et de longs cris de douleur. On voit la diva souffrir comme une personne normale verra peu de gens souffrir au courant de leur vie.

C’est très difficile à regarder, tout d’abord pour des raisons d’empathie primaire, mais aussi parce qu’on y voit Céline devenir prisonnière de son corps.

De voir celle qui avait le monde à ses pieds à l’époque de sa domination culturelle (de 1991 à 2007 environ?) ne pas être capable de simplement déplier son corps, ça donne le sentiment que l’univers rétrécit. Que tout ce qui est beau et grand est condamné à devenir minuscule.

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Dans un moment empreint de philosophie, Céline se compare à un pommier. « J’ai l’impression d’être un pommier qui donne ses pommes au public, mais depuis la maladie, mes branches se tordent et se cassent. Je produis moins de pommes, mais la file pour en avoir est toujours aussi longue. Je ne veux pas qu’on continue d’attendre des pommes si je n’en ai plus à donner », explique-t-elle avec l’intensité qu’on lui donnait.

Même si Céline gère la crise de spasmes avec son équipe de spécialistes et finit le documentaire sur une note positive avec une chanson, I Am : Céline Dion est un au revoir à son public. Un regard vers la lumière qui s’éteint avec une lenteur cruelle.

Non, Céline Dion ne partira pas doucement dans la nuit paisible et c’est une autre des raisons pour laquelle on l’aime.