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Ce qu’on peut dire, ce qu’on ne peut pas faire et ce qu’on lira dans les journaux

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En attendant de savoir si Dominique Strauss-Kahn est bel et bien coupable ou victime d’un complot et, surtout, si Michael Douglas jouera son rôle lors de l’adaptation cinématographique de l’affaire, l’arrestation spectaculaire du directeur du FMI remue plusieurs instances.

Parmi celles-ci, les médias français – pourtant impitoyables lorsqu’il est question de la presse « people » – sont tout d’abord restés hébétés devant ces fameux clichés captés par les journaux américains où DSK, les mains liées, fait la gueule alors qu’il est escorté par des policiers (surpris, car la loi sur la présomption d’innocence française interdit la publication de photos d’une personne avec des menottes aux poignets… au grand dam de la scène sadomasochiste parisienne, j’imagine). De plus, il y a cette histoire glauque de la l’auteure Tristane Banon qui, près de dix années après avoir prétendument été agressée par le bonhomme, passe finalement aux aveux.

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Lors de la première tentative, sa propre mère (!!!) l’a convaincue de laisser-aller. La seconde, on l’a bipé pendant un entretien qui se tenait à une émission de télé (avis à Stéphane Rousseau: on peut lancer un « crisse », voire même un « tabarnac », pour faire rigoler les cousins, mais « Dominique Strauss-Kahn », par contre, ça, c’est gratiné! Mike Ward, t’es pas « game » d’en lâcher un chez Drucker!).

Incroyable tout de même ce qu’un océan de distance peut creuser comme mœurs et politiques. Ainsi, en Europe, l’homme fort du FMI semble profiter non seulement d’une immunité diplomatique, mais aussi médiatique. Pendant ce temps, aux États-Unis, on peut produire des films pornos mettant en vedette un sosie d’une candidate à la présidence quand on n’en vient pas à douter de la nationalité de Barack Obama. Au Canada, c’est un peu plus « soft » : une reporter du JdeM s’agite pour éduquer Jack Layton sur le marché de la branlette montréalaise.

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Oh! Pendant qu’on parle de journalisme objectif et de plaisirs solitaires …

On apprenait, la même journée, qu’une musicienne canadienne apostrophait un collectif hip-hop pour ses paroles misogynes et homophobes… pour ensuite se faire répondre de s’asseoir sur le pénis d’un des rappeurs.

Comme c’est charmant! Les douchebags d’Unyk prennent sûrement des notes.

Un futur glauque

Odd Future, c’est un collectif rap qui fait sensation aux États-Unis.

Actif depuis 2007, le regroupement de rappeurs signait le mois dernier une entente avec Sony pour lancer leur propre étiquette de disques. Les billets pour leur premier concert en Angleterre se sont écoulés en moins de 48 heures. Comme vous l’avez vu dans la vidéo, on les a aussi invités au populaire « talk-show » « Late Night With Jimmy Fallon ». On prévoit même un projet d’émission les mettant en vedette à Adult Swim (le créneau horaire qui a inspiré Télétoon la Nuit disons). Bref, ça va ben!

– C’est quoi le problème alors?
– Ça…

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“Chillin’ in class with a bag full of grass / Lookin’ for a white chick to smoke up and choke u / I even got that white sniff come over here and take a whiff / Now you ready to get raped and ate by Mr. Haley”
– Un extrait de la pièce « Swag Me Out »

Loin de moi l’idée de m’improviser spécialiste en rap ou en culture hip-hop, mais voici tout de même quelques faits pour « mettre en contexte » ce passage explosif:

– on associe souvent Odd Future à l’horrorcore, un sous-genre de rap privilégiant l’horreur à l’urbanité comme référence textuelle. Le groupe le plus connu dans ce domaine : Insane Clown Posse
– le fameux Mr. Haley qui est mentionné dans la pièce, c’est Wolf Hayley, le « sombre » alter ego du MC Tyler The Creator. C’est un peu le Slim Shady d’Eminem ou encore le M. Hyde du Dr Jekyll, si vous voulez…
– Le gars n’a pas l’habitude de se prendre pas au sérieux. La promo de Goblin, son album solo, en témoigne :

Là est le dilemme : à partir de quel degré transitons-nous de l’ironie vers la misogynie ou l’homophobie?

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Et que font les médias pendant ce temps? Pitchfork, par exemple, coiffe Goblin d’un 8.0 sur 10 (à titre de référence : La Caverne de Malajube et Hot Sauce Commitee Part Two des Beastie Boy se sont mérités des 7.0). Bien que le critique s’étend en long et en large sur la galette, les paroles, elles, sont quasiment ignorées au profit de passages clichés soulignant un « nihilisme » comparable aux premières œuvres des Stooges et des Ramones, que c’est « edgy en crisse » pis que si tu n’aimes pas ça, t’es pas dans le coup. Bref, du grand Pitchfork!

Abasourdie par tant de raccourcis, par tant de journalistes dévorant la « hype » sans mâcher, Sara Quin, du duo canadien Tegan And Sara, s’est permis de « répondre », de façon posée, aux propos « irresponsables » du rappeur. Et le Creator de rétorquer…

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La réponse des médias? Un article relatant l’échange… et ce billet de blogue. That’s it.
De retour en France, la mère de Tristane Banon envoie un courriel à Sara Quin : « Tu vois? J’vous l’avais prévenue qu’il valait mieux ne rien dire!»

***
Référence : « DKS et les médias américains : le choc des cultures » par Natalie Collard

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