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Ce Québec qui m’émeut

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Je ne voulais pas parler du conflit étudiant. Non pas que je sois lassée d’en entendre parler – au contraire. Simplement, j’ai l’impression que tout se dit déjà de manière éloquente. Nous en sommes venus au point où il suffit de tendre l’oreille et l’esprit pour s’abreuver adéquatement.

Je ne suis pas lasse du battage médiatique au sujet du conflit étudiant. Il serait somme toute assez dommage de lever le nez sur la mouvance sociale la plus considérable des trente dernières années, au Québec. À vrai dire, je pourrais en parler toute la journée, sous tous les angles possibles et imaginables, du conflit étudiant.

Mais il ne s’agit plus de structurer un argumentaire. L’espace public suppure déjà tant son atmosphère est imbibée de discours revendicateurs. Éloquents pour les uns, didactiques pour les autres; démagogiques ou gauches pour certains. On sait maintenant les mettre au rancart, ceux-là. C’est bien. Nous avons grandi.

Alors non, je ne ressasserai pas mes positions, mes constats, mes perceptions des événements des derniers jours. Plumes plus perspicaces s’y sont déjà employées – et je n’étais pas dans le feu de l’action, force est de l’admettre. J’observais, certes; un peu à l’écart. Mais je n’ai pas d’histoire de matraque et de gaz lacrymogènes à raconter. Pas de bleus sur le corps, seulement quelques stigmates dans l’esprit. Évidemment. Comme tout le monde.

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Ce qui me fascine et m’émeut, c’est la complétude et l’élévation du débat en cours dans la société québécoise. Celui-ci s’échafaude en trois paliers rhétoriques distincts:

D’abord, il y a la dualité de base : pour la hausse / contre la hausse des frais de scolarité. Déjà, un dialogue s’installe. Il fut violent, il fut véhément. Soit.

Puis, s’y est tranquillement greffé un second palier discursif; pour porter un débat sur la nature même de l’argumentaire mis de l’avant par l’une et l’autre des parties. Ce second palier supporte ce qu’on pourrait appeler un « métadiscours » sur la hausse des frais de scolarité.

Au-delà des prémisses de base, on y évalue les méthodes d’argumentation plutôt que les positions elles-mêmes. Il sert en quelque sorte de « chien de garde » de la qualité argumentative. C’est très important, dans un débat aussi fondamental que celui sur l’accessibilité aux études. Il faut qu’on s’assure qu’il soit mené correctement!

C’est ainsi qu’on voit pleuvoir sur les réseaux sociaux et dans les médias des critiques de la façon même dont chacune des parties se défend. Des frasques des étudiants emportés aux dérives démagogiques de Stéphane Gendron : tout y passe. Tant qu’à se battre : autant se battre correctement. C’est très édifiant. Franchement.

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Finalement, est né un discours tertiaire qui, lui, est beaucoup plus large mais d’autant plus important : l’analyse de l’attitude gouvernementale dans tout le dossier. Couronnement du débat.

Je n’ai pas besoin de réitérer la déception généralisée à ce chapitre. Mais au moins, l’élargissement du débat; que certains auront perçu comme le « passage d’une crise étudiante à une crise sociale », aura servi de levier à un mouvement d’une envergure inégalée. Le débat a dérivé, en effet. Pour le mieux.

À mon sens, il s’est élevé. Il s’est muté en instance populaire inébranlable de voir le gouvernement lui rendre des comptes. Vlan!

***
Tout le monde est secoué par le conflit étudiant. Même ceux qui se bornent à s’en foutre doivent maintenant lutter, ne serait-ce que pour esquiver l’enjeu. La crise qui secoue le Québec fait écho jusque dans les esprits les plus récalcitrants. Les œillères tombent, même celles des plus indolents. On s’épuise, à trop vouloir ignorer.

Même la majorité silencieuse revendique à présent son mutisme. Il faut le faire!

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Bref, je n’ai rien d’inédit à mettre de l’avant. Cependant, pour s’assurer que l’indignation ne se dissipe pas à tout hasard dans l’air ambiant, il faut souligner l’importance des événements qui ont présentement cours à travers la province, autant que possible.
Il ne faut pas laisser mourir la grogne, de peur de voir la situation s’envenimer outre mesure.

Le Québec s’enlise actuellement dans une impasse politique peu égalée dans son histoire, certes. Mais justement. Nous avons à faire à un gouvernement qui, incessamment, devra rendre des comptes à sa population qui le fixe, l’air frondeur.

Les étudiants en grève hurlent leur colère pendant que journalistes, chroniqueurs et intellectuels sourcillent en condamnant l’inaction éhontée de la cellule dirigeante. Les boomers et les apathiques réclament avec de plus en plus de véhémence le retour au calme, la répression de la hargne. Le Québec est sur le qui-vive : ça va barder. Pour sûr.
Le gouvernement s’apprête inexorablement à faire face à sa destinée, tout comme le reste de sa population; qui est maintenant rassemblée (malgré de profondes dissidences) sous une bannière commune : le mécontentement.

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Et ce mécontentement, pour une fois, est tout sauf passif et cynique. C’est un vent de fraîcheur qui souffle sur notre bout de pays étiolé, fatigué des luttes intempestives et vétustes. Un vent de « demain ».

Le week-end dernier, je pastichais ironiquement la bribe du discours de la défaite référendaire de René Lévesque en 1980, sur Facebook. Alors que Jean Charest fanfaronnait au sujet des manifestations en cours, tout en lançant effrontément son « Salon Plan Nord », j’écrivais : « J’ai jamais pensé que je pourrais avoir aussi honte d’être Québécoise ».
C’est faux.

C’est tout le contraire. J’ai honte de mon gouvernement, certes. Mais je suis infiniment fière du peuple que nous sommes. Même tout croche et un peu trop en criss contre tout le monde.

Mais enfin. On s’excusera d’avoir pris à la lettre ce bon vieil adage qui dit que nous ne sommes pas nés pour un petit pain.

En fait, non. On ne s’en excusera pas.