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Si vous êtes, comme moi, un festivalier curieux, vous vous êtes sûrement demandé des choses comme : combien de litres de bière se font passer en un weekend? Qui a décidé que les toilettes seraient à tel endroit plutôt qu’un autre?
Pour avoir des réponses à mes questions niaiseuses, je suis allé déranger Patrick Bigras, vice-président de l’hospitalité pour le Groupe CH, un jour avant le début d’Osheaga. Ses fonctions? Tout ce qui implique nourriture, alcool, boissons et expérience client.
En somme, c’est lui qui s’assure qu’on ne manque de rien durant le festival!
Bâtir une ville en quelques jours
« Pour moi, une journée normale durant le festival, ça n’existe pas. On n’a que des journées anormales! », explique d’emblée Patrick. Ayant commencé sa carrière au Groupe CH il y a 16 ans, il a pu voir Osheaga grandir jusqu’à devenir le rendez-vous annuel que c’est aujourd’hui. Cela fait maintenant quatre ans qu’il occupe le poste de vice-président et dirige les équipes pour les festivals d’evenko au Parc Jean-Drapeau et ceux du Quartier des spectacles, pour les matchs des Canadiens et du Rocket, ainsi que pour toutes leurs salles de spectacle, dont le MTELUS et le Corona.
« Il y a des soirs où on peut avoir 40 000 personnes pour un concert ici, au Parc Jean-Drapeau, un autre 20 000 au Centre Bell, 10 000 à la Place Bell et quelques autres milliers répartis dans nos théâtres. Il faut s’assurer d’avoir toutes les ressources disponibles pour s’assurer qu’il n’y ait pas un événement qui souffre. »
« On essaie de jamais se rendre au niveau “panique”, on a fait ça depuis assez longtemps pour réussir à éviter les catastrophes. »
Mais contrairement à un show au Centre Bell ou un match à Laval où on trouverait les infrastructures nécessaires pour recevoir le public, les festivals sur l’île Sainte-Hélène consistent essentiellement à bâtir une petite ville. Chaque jour, 50 000 festivaliers (l’équivalent de la ville de Ste-Hyacinte) s’abattent sur le petit archipel, où il faudra les nourrir et les abreuver, mais aussi s’assurer que tout le monde ait assez d’espace, qu’il y ait un nombre suffisant de toilettes chimiques et des abreuvoirs.
« Chaque année, il y a beaucoup de changements et le site change selon les aires du parc auxquelles on a accès. Donc on ne peut pas se dire “on a fait ça l’année dernière, on va le refaire cette année”. Juste physiquement, à cause du site, on doit tout revoir chaque fois en fonction de la fluidité des gens qui circulent, l’offre alimentaire et de bar; c’est une éternelle replanification. »
Entre autres, c’est à lui et ses pairs de l’équipe de production de s’assurer que le festival est prêt à temps, ce qui implique entre autres d’aménager quelques 600 toilettes chimiques à travers le site et de former un millier d’employés répartis à travers les différents restaurants, bars, aires d’accueil et concessions.
Un camp de jour pour grands enfants
En plus du petit microcosme auquel les festivaliers ont accès, Patrick et son équipe sont aussi chargés de veiller au bon accueil de la centaine d’artistes sur scène chaque année.
Peu importe où je vais sur la planète, lorsque je croise un artiste qui a déjà joué à Osheaga, on me parle forcément de la cuisine « Artist World » et leurs yeux s’illuminent. Bien que les arrière-scène de festivals soient souvent des endroits mornes où les artistes se voient contraints de patienter en attendant leur show, l’équipe d’evenko a réellement su créer un genre de camp de jour pour adultes.
« L’expérience à Artist World, c’est quelque chose sur lequel on passe beaucoup de temps. On s’assure de vraiment avoir quelque chose d’intéressant pour eux. Est-ce que ça a un impact sur les artistes qui viennent? J’ose croire que oui, estime Patrick Bigras. Ça se parle dans le milieu, les gens viennent, ils apprécient l’expérience. On ne fait pas affaire avec des grosses compagnies de services de traiteur. On ne travaille qu’avec des restaurateurs de Montréal, qui arrivent avec leurs recettes, leurs cuisiniers, leur âme. Je crois que ça a un impact sur la notoriété de nos festivals. »
Depuis maintenant plus d’une décennie, c’est entre autres le chef montréalais Danny Smiles et son équipe que l’on retrouve derrière fourneaux à Artist World. À leur offre de bouffe de festival inspirée et créative s’ajoutent certains des meilleurs plats de la ville, comme les pizzas du Elena ou les délices thaï du Pumpui, servis par les cuisiniers de ces restaurants eux-mêmes.
S’adapter à sa crowd
En 16 ans, Patrick a vu le festival grandir à tous les niveaux. L’important, m’explique-t-il, c’est de garder le pouls sur ce qui fait plaisir aux festivaliers. Ils travaillent entre autres avec leurs différents fournisseurs et la SAQ pour connaître les meilleurs vendeurs. Il donne en exemple les prêts-à-boire qui étaient très peu communs il y a quelques années et qui deviennent maintenant l’une des plus grosses catégories dans l’offre de breuvages.
En tout, ce sont près d’un million de consommations qui sont bues au courant du festival chaque année, dont quelque 500 000 bières, soit l’équivalent de près de 5 piscines municipales!
Quand je lui demande de me raconter l’anecdote d’une catastrophe évitée de justesse, Patrick offre un sourire qui en dit long, m’assurant qu’une telle situation ne s’est jamais produite.
« On évite les catastrophes avant que le festival commence! (rires) C’est tellement de planification que j’irais jusqu’à dire que tout est prévu. On a des plans d’urgence et de contingence pour n’importe quelle situation de dernière minute. Nos fournisseurs se rendent disponibles standby en tout temps, si on manque d’un produit ils nous le livrent le lendemain. On essaie de jamais se rendre au niveau “panique”, on a fait ça depuis assez longtemps pour réussir à éviter les catastrophes. »
Il se rappelle toutefois de l’édition 2021 d’Osheaga, lorsque la pandémie a contraint les organisateurs à tenir l’événement à l’automne. Étant habitués à servir de la bière froide lors des journées chaudes d’été, ils n’étaient pas nécessairement préparés à ces changements de température. « C’était au mois d’octobre, il faisait froid et on grelottait, les soirs de spectacles. On n’avait pas assez d’offres de café et de chocolat chaud, parce que ce n’est pas dans notre ADN de faire des festivals au mois d’octobre. On a réussi à avoir ce qu’il fallait pour satisfaire les clients, mais ça, on ne l’avait pas prévu! »